En quoi consiste pour vous le plaisir de lire de la poésie ?
Extrait du document
«
Introduction
Comment définir la poésie ? La meilleure façon n'est-elle pas d'essayer de décrire, non pas tant le poème, que le
plaisir qu'il suscite? Car c'est bien de plaisir qu'il s'agit : évasion, émotion, musique, tout nous ramène à cette
expérience délicieuse qu'est la lecture d'un poème.
Première partie : l'accès à un monde hors du monde
• Ce qui me fait choisir un recueil de poèmes plutôt qu'un roman, c'est un désir d'évasion bien particulier : plaisir
immédiat, durée de lecture variable suivant l'humeur, accès à un monde complet et clos en l'espace de quelques
vers (exemple, le sonnet «Heureux qui comme Ulysse...
», extrait des Regrets de Du Bellay, qui en quatorze vers
m'entraîne dans un voyage épique autour de la Méditerranée et suscite en moi un sentiment de nostalgie).
• La poésie révèle des réalités insoupçonnées et invisibles.
Voir les «forêts de symboles» de «Correspondances » de
Baudelaire.
• La poésie est toujours par essence une « invitation au voyage ».
Le poème de Baudelaire en est sans doute
l'expression la plus accomplie, mais tout poème ne nous adresse-t-il pas la même invitation :
« Songe à la douceur D'aller là-bas...»
• La poésie nous entraîne dans un monde parfait, où
«...
tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
»
Deuxième partie : une expérience intérieure
• Mais la poésie n'est pas qu'évasion, elle est aussi, selon le mot de Jean Cocteau, « invasion ».
Elle fait naître en
moi des émotions uniques, que n'émousse
jamais la relecture, bien au contraire.
Ainsi, le fameux poème de Victor Hugo, «Demain dès l'aube...
», ne prend tout
son sens et ne libère vraiment sa charge émotive qu'aux deux derniers vers
«Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur ».
• Le « je » de la poésie lyrique est autant celui du poète que celui du lecteur.
Lorsque je lis « Mon rêve familier » de
Verlaine, « Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant », c'est l'expression de mon propre désir que je retrouve.
• Cette expérience intérieure est aussi l'expérience d'une complicité avec le poète et avec tous ceux qui aiment ou
ont aimé le poème que je suis en train de lire.
Troisième partie : le plaisir et le goût des mots
• La lecture de la prose est plutôt une lecture rapide et cursive, alors que dans la poésie, chaque mot « sonne »,
indépendamment de son sens : il est une unité mélodique et rythmique.
• Les mots d'un poème suggèrent plus qu'ils ne nomment.
La rose de Ronsard («Mignonne...») évoque bien autre
chose que la simple fleur ainsi nommée.
• Puisqu'elle est musique, pour moi la poésie doit s'écouter, se lire à mi-voix, être un murmure.
• Le plaisir des mots n'est pas nécessairement la recherche de la richesse du vocabulaire ; les mots les plus simples
peuvent créer des harmonies étonnantes, comme dans « Le Pont Mirabeau » d'Apollinaire : « Sous le pont Mirabeau
coule la Seine...
»
Conclusion
J'ai tenté d'exprimer le plaisir que je ressens à la lecture d'un poème.
A l'évidence, plaisir et poésie sont faits pour
rimer : ils échappent l'un et l'autre à notre volonté de les décrire et résistent à toute analyse.
La poésie, comme le
plaisir, ne s'explique pas : elle se partage..
»
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