En quoi consiste la rêverie ?
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En quoi consiste la rêverie ?
CONSEILS
La rêverie s'apparente à l'imagination créatrice, sur laquelle il conviendra de s'informer précisément.
Mais rêver, est-ce
seulement imaginer? La conduite de l'homme qui rêve (dans la veille) est sans doute plus complexe, et peut mettre en
oeuvre d'autres fonctions que celles qui se rapportent à la vie proprement intellectuelle.
Introduction.
Les psychologues rapportent volontiers la rêverie à l'imagination créatrice, dont les opérations, ici, seraient arbitraires,
affranchies des règles de la pensée socialisée, alors que l'invention, dans l'ordre scientifique, technique, esthétique, garde,
quand elle s'est détachée de son auteur, une consistance propre et une valeur impersonnelle.
Mais ne risque-t-on pas,
bornant la rêverie à son aspect imaginatif, de la réduire faussement à une contemplation désintéressée ? Le sens du mot
rêver est certes plus riche dans l'usage commun : un rêve est un souhait qu'on forme pour soi-même, un désir qui ne
s'interroge pas précisément sur les moyens de se réaliser.
Il semble que, dans la rêverie, la vie des images ne se dissocie
pas d'une certaine orienta lion pratique.
I.
— Les éléments de la rêverie.
A) SON ASPECT INTELLECTUEL.
L'aspect intellectuel de la rêverie est celui que les analyses classiques mettent au premier plan.
La rêverie se caractérise, négativement, par un détachement à l'égard du présent, entendu au sens local et temporel du
mot.
L'esprit cesse d'être attentif à l'entour et à l'actuel, pour se replier sur soi.
Les choses font encore impression sur les
sens, s'ils restent ouverts, mais les sensations ne s'organisent pas en perceptions.
Dans la mesure où l'esprit subit l'action
des choses, cette communication avec le monde externe est fusion plutôt que connaissance ; on ne tient pas les objets à
distance de soi ; ils ne sont donc pas saisis comme objets.
I! reste que la perception a pu déclencher la rêverie ; et,
pendant la rêverie même, les impressions externes, sans laisser la perception se construire, peuvent orienter, infléchir la
rêverie, lui donner son rythme.
Distrait de la situation actuelle, l'esprit s'abandonne aux images.
Mais, dans la veille utile, leur évocation se règle, d'instant
en instant, sur les exigences de l'action ; et l'association proprement dite n'y a qu'une place restreinte.
L'automatisme de
la rêverie consiste, pour une part, en ce que, paresseusement, l'évocation se guide sur le fil des ressemblances, ou bien
se borne à restaurer les suites et groupements qu'ont eus les événements et les choses dans l'expérience antérieure.
Pourtant la rêverie est souvent très discontinue, comme si les images, pourvues d'une vitalité propre, émergeaient
spontanément à la conscience, sans que les situations successivement représentées défilent dans un ordre prévisible à
partir des lois traditionnelles de l'association.
Enfin, la rêverie peut avoir une direction plus ou moins constante, une
relative unité, dessiner une situation originale, bien que cette construction reste frêle et instable.
Par là se décèle son
inspiration profonde : la rêverie tend à s'organiser autour d'une tendance plus ou moins sourde, d'un projet plus ou moins
confus.
Comment se comporte l'esprit à l'égard de la situation qu'il imagine ? L'attitude du rêveur peut varier de moment en
moment ; mais il n'est jamais entièrement dupe de son rêve, qu'il a conscience d'entretenir à son gré et de pouvoir
suspendre quand il le veut.
Le monde de la rêverie est un monde semi-réel, comparable à celui que crée le romancier, et
qui perdrait tout intérêt s'il apparaissait purement fictif.
Il semble, du reste, que la représentation n'implique pas toujours la croyance, positive ou négative ; et sans doute
pouvons-nous, dans la rêverie, imaginer telle situation sans juger, même implicitement, qu'elle est fictive, actuelle, passée,
future ou seulement possible.
B) SON ASPECT FICTIF.
a) L'homme qui rêve n'est pas nécessairement immobile.
Des mouvements passifs, comme ceux de l'homme en bateau, ou
actifs, mais automatiques, comme ceux du marcheur, peuvent animer la rêverie et lui donner en quelque mesure sa
cadence.
b) Mais il est encore une action intérieure à la rêverie, une action rêvée.
L'homme n'est pas absent du monde qu'il imagine,
et nous pouvons intervenir à différents degrés dans la situation représentée.
Au moindre degré, nous sommes spectateurs.
Or la simple image suppose déjà une attitude active.
Car la situation nous
apparaît dans une certaine perspective, commandée par un point de vue ; nous avons donc au moins confusément
conscience de la position de notre corps, face aux personnes et aux choses représentées.
Mais nous pouvons encore avoir conscience de réagir à la situation : interpeller quelqu'un, franchir une haie, gravir une
pente.
La rêverie n'est donc pas pur désintéressement ; le rêveur ne se détache de la situation présente que pour
s'engager dans une action imaginaire ; il est vrai que cette action a un caractère propre : elle est économique, et en deux
sens.
D'abord elle n'exige pas un mouvement réel des membres.
Elle n'exige, d'ailleurs, aucun effort : l'esprit lève ou
surmonte à son gré (ce qu'il ne fait pas dans le rêve du sommeil) les obstacles fictifs qu'il évoque.
Enfin la rêverie peut comporter des mouvements effectifs.
Elle se manifeste alors par le sourire, le rire, la gesticulation de
l'homme seul, et la soliloquie.
Parfois le rêveur réagit réellement à une situation passée à laquelle il a conscience de n'avoir
pas su s'adapter ; il s'efforce, par une mimique inutile, d'y réagir plus correctement.
C) SON ASPECT AFFECTIF.
L'affectivité dont est chargée la rêverie prouve que celle-ci n'est pas un simple jeu de l'imagination.
La rêverie est
ordinairement agréable, parce que le désir y est rarement contrarié ; l'action est facile et ignore notamment la dureté des
luttes que comporte le rapport social.
La rêverie est le triomphe des faibles..
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