En quel sens peut-on parler d'une langue maternelle ?
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En quel sens peut-on parler d'une langue maternelle ?
Il est admis communément que le langage est la fonction grâce à laquelle la pensée s'exprime à l'aide de
signes.
Ce n'est pas la même chose que de considérer le langage comme moyen d'expression et de le
voir sur le modèle des langues humaines, de se servir d'une langue humaine comme modèle du langage.
S'agissant de l'homme, nous ne pouvons manquer de définir le langage comme expression de la pensée.
Mais le terme d'expression n'est-il justement plus large que celui de pensée ? Ce qui est en jeu donc,
c'est non seulement la différence entre le langage animal et le langage humain, mais la caractérisation
précise de la manière dont se produit la signification dans l'usage du signe.
Le système des signaux :
L'oiseau module son chant d'une manière précise, suivant la présence d'une espèce hostile, neutre
ou amicale.
C'est-à-dire, qu'en tant que locuteur il émet, dans un certain langage, une information
vers un interlocuteur, ses congénères.
Difficile de refuser de voir là un langage.
Cependant, il est
possible, en suivant les analyses de la psychologie du comportement tirée de Pavlov d'éviter une
telle conclusion.
Quand le chimpanzé voit la panthère approcher de l'arbre au pied duquel il se tient,
il réagit par la fuite.
On dit qu'un stimulus déclenche une réponse.
Dans cette perspective, comme le
montre H.
Laborit, on ne laisse à l'animal que trois types de comportement : la fuite, l'inhibition, ou
bien le combat.
Nous savons qu'il est possible de provoquer des stimulis et de les associer à des
comportements.
C'est ce qui se produit dans le dressage.
C'est ce que Pavlov définit comme réflexe
conditionnel.
On peut ainsi de manière artificielle fabriquer un signal conditionnel pour déclencher un
comportement.
La liaison entre le signal et le comportement n'est pas pensée, elle est purement
mécanique, répétitive, de l'ordre d'un automatisme acquis.
On peut dire qu'une information circule
entre les animaux, mais il faut alors prendre garde au caractère purement réflexe de cette
transmission.
Dans le dressage, on utilise en quelque sorte des montages de réflexes qui se trouvent
dans le système nerveux, tout particulièrement dans la moelle épinière.
Le rapport entre le signal
conditionnel et le stimulus premier n'est pas pensé par l'animal, il est seulement reproduit comme
pure réaction.
En d'autres termes, le signal n'est pas intelligent, mais bel et bien mécanique.
Pavlov sur ce point avoue lui-même son allégeance au paradigme mécaniste de Descartes qui dans
ses Lettres ne dit rien d'autre.
Descartes précise en effet que « notre corps n'est pas seulement
une machine qui se remue de soi-même, mais ...il y a aussi en lui une âme qui a des pensées », ce
qui sous-entend que le corps de l'animal est une machine qui se remue de soi-même, tandis que le
corps humain est habité par la pensée, ce qui implique deux formes différentes d'expression.
La
pensée, entendue de cette manière, désigne tout autre chose que de simples réactions venues du
corps telles que les cris (ce qu'il nomme des passions).
La pensée est intellectuelle, elle est une
pensée réfléchie.
C'est cette pensée, qui est le propre de l'homme, qui peut-être exprimée par
différents signes, que ce soit des signes verbaux ou gestuels.
« Les muets se servent de signes en
même façon que nous de la voix ».
Non seulement cela, mais il faut encore ajouter que la structure
du système nerveux de l'animal fait aussi que ce qui est obtenu par le dressage chez lui entre
encore dans la même catégorie que les cris.
« Si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse,
lorsqu'elle la voit arriver, ...
ce sera un mouvement de l'espérance qu'elle a de manger, si l'on a
toujours accoutumée de lui donner quelque friandise, lorsqu'elle l'a dit ; et ainsi toutes les choses
qu'on fait faire aux chiens, aux chevaux et aux singes ne sont que des mouvement de leur crainte,
de leur espérance et de leur joie, en sorte qu'ils les peuvent faire sans aucune pensée ».
Voir, la
lettre au Marquis de Newcastle, 23 novembre 1646.
Les distinctions les plus importantes entre langage animal et langage humain selon la linguistique : le
langage chez l'animal, est inné, héréditaire.
Il relève de l'hérédité biologique.
Le langage humain par
contre est acquis, il est enseigné et l'enseignement passe justement par l'acquisition de signes.
Il
relève donc de l'héritage culturel et non pas de l'hérédité biologique.
Il a connu des changements
très importants dans l'Histoire.
Le langage de l'animal est très bien adapté à l'expression de certaines
situations naturelles, tellement d'ailleurs que cela marque ses limites les plus étroites.
Von Frish, le
chercheur qui a travaillé sur le langage des abeilles, a ainsi pu montrer que les abeilles ne pouvaient
pas dire une hauteur dans leur langage.
Tout à l'inverse, les mots humains possèdent une immense
souplesse d'emploi qui les rend capable de quasiment tout dire, sans se limiter à quelques situations
d'expérience bien repérées dans la Nature.
On ne voit pas comment les systèmes de signaux
pourraient devenir des éléments de communication.
Tant qu'il n'y a pas de réponse linguistique, il n'y
a pas de dialogue, or n'est-ce pas justement la vertu du langage humain de constamment pouvoir.
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