En quel sens peut-on dire que la raison affranchit l'homme de la nature ?
Extrait du document
«
[Introduction]
L'histoire de la philosophie définit souvent l'homme comme le seul être vivant raisonnable, capable de s'émanciper du
règne de l'instinct et du déterminisme physique (la « nature ») en distinguant le vrai du faux dans le registre
théorique, et le bien du mal dans le domaine pratique.
Mais pourquoi faudrait-il à tout prix se libérer de la nature ? A trop vouloir s'en affranchir, ne risque-t-on pas de la
perdre alors qu'on en est issu, et de la détruire alors qu'on y vit ?
La solution consiste peut-être à définir la raison comme une juste compréhension de la nature.
[I.
La raison affranchit l'homme de la nature]
[1.
La raison comme rupture avec l'instinct naturel]
La raison comprise au sens large comme faculté de penser permet à l'homme de s'émanciper du règne animal de
l'instinct .
Car l'instinct indique uniquement les voies de l'utile et du nuisible : manger et boire, dormir, fuir le danger,
se reproduire.
Toutes choses nécessaires à l'homme lui-même.
Mais la raison seule y greffe, voire y substitue, des
préoccupations de nature théorique (est-ce vrai ou faux ?) et morales (est-ce bien ou mal ?).
Elle permet à l'homme
de ne pas agir uniquement dans l'instant, mais d'inscrire son acte dans une temporalité qui se marque par la réflexion
délibérative, l'action proprement dite, et l'évaluation responsable des conséquences de son choix.
[2.
La raison comme puissance d'innovation]
La raison permet ainsi à l'homme d'échapper au cours ordinaire et déterminé des phénomènes, et de choisir, fût-ce
en se trompant, une voie différente de celle de la nature.
Rousseau en donne un exemple parlant dans le Discours
sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes : un oiseau se laissera mourir sur un tas de viande, et
un chat sur un tas de grains, non parce que cela leur serait préjudiciable d'en manger, mais parce qu'ils n'en ont pas
l'idée.
La nature ne les a pas « programmés » pour cela .
Dans une situation de famine, l'homme sait en revanche
mettre à profit tout élément susceptible de l'en sauver, même si cela contrarie sa nature : on a vu des hommes
manger d'autres hommes dans le seul but de survivre.
La raison constitue donc une sorte de stratagème pour enrayer le cours naturel et prévisible des choses.
Elle permet
de déjouer l'instinct en innovant.
[3.
La raison comme renoncement à l'état de nature]
Enfin, la raison permet à l'homme de calculer son intérêt et d'agir en
conséquence.
Car à l'état de nature, qui désigne la condition des hommes
indépendamment de toute société, chacun a droit sur tout, sur les biens
comme sur la personne d'autrui.
C'est le « ius in omnia » décrit par Hobbes
dans le Léviathan.
L'activité rationnelle permet à l'homme de comprendre qu'il
vaut mieux renoncer à son droit naturel que de risquer en permanence la mort
violente.
Mieux vaut s'allier aux autres et constituer un droit civil, qui assure
la sécurité de chacun et punit celui qui l'enfreint.
La raison permet ici un
véritable affranchissement puisqu'elle permet à l'homme de vivre en paix.
L'état social : pour toutes ces raisons, les hommes décident de trouver une
façon raisonnable de vivre ensemble, sous peine de destruction et ainsi
s'explique la création de l'État.
La société n'est pas naturelle, l'homme n'est
pas naturellement sociable, il ne recherche la compagnie des autres que par
intérêt : la société politique est l'oeuvre artificielle d'un pacte volontaire, d'un
calcul; tous les hommes sont égaux par nature, ils vont renoncer à l'exercice
de leur puissance et donner à l'un d'entre eux tout pouvoir pour organiser les
règles de la vie sociale avec un seul impératif : assurer la sécurité — en
échange, chacun renonce à sa liberté naturelle.
• Rôle du souverain : il est d'abord le pouvoir suprême reconnu par tous qui décide de la loi : est juste ce qu'elle
ordonne, injuste ce qu'elle interdit ; pouvoir absolu puisqu'il peut changer la loi et qu'il n'y est pas assujetti.
Pour lui,
un seul impératif : assurer la sécurité et la prospérité de ses sujets qui lui doivent une obéissance totale.
Ayant
renoncé, au profit du souverain, à leur liberté, les hommes renoncent aussi à leur jugement personnel : il n'est pas
question de contester la loi au nom d'une quelconque autorité spirituelle.
Le souverain est d'ailleurs aussi le chef de
l'Eglise.
Si le souverain n'assure plus ce pour quoi il a été choisi, les sujets sont alors déliés de leur obéissance à son
égard et libres, par conséquent, de choisir un autre souverain.
Le pouvoir absolu est donc légitime tant que et
autant qu'il assure la paix civile.
D'une part il y a véritable divinisation du souverain, mais d'autre part nulle mystique : le souverain n'a pas pour
fonction de changer la nature humaine, son rôle est purement utilitaire.
Hobbes appelle ce souverain Léviathan : c'est l'indomptable et terrifiant dragon biblique dont parle le Livre de Job ;
aucune puissance sur terre ne peut lui être comparée.
Mais pourquoi l'affranchissement devrait-il s'accompagner d'un renoncement à la nature ? A trop vouloir s'en
émanciper, ne risque-t-on pas de la tuer en soi et à l'extérieur ? La raison a-t-elle vraiment tous les droits sur la
nature ?
[II.
La raison n'affranchit pas l'homme de la nature, mais la pervertit].
»
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