En quel sens peut-on dire que la parole est un pouvoir ?
Extrait du document
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ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION
• Y a-t-il lieu ici de distinguer — à la manière de Saussure — parole, langage et langue ? Il convient — de toute
façon — de préciser en quel(s) sens on entendra « la parole ».
• Ne pas oublier que ce qui est en cause ici, ce n'est pas de savoir si oui ou non « la parole est un pouvoir », mais
de nous interroger en quel sens on peut le dire.
C'est important, notamment lorsqu'il s'agira par-delà les premières
recherches et réflexions, de composer la dissertation.
• Dans la mesure (à préciser) où le langage intervient dans la mise en oeuvre de la pensée abstraite et que celle-ci
est un moyen de pouvoir sur la nature, dans quelle mesure (et en quel sens) peut-on dire que la parole est un
instrument de domination, un pouvoir ?
• La parole comme instrument de domination sur les autres ?
Puisqu'il a pour fonction essentielle l'expression de la pensée et la communication entre les hommes, il est clair que
le langage joue un rôle éminent dans les phénomènes de pouvoir.
Il permet ou facilite l'action; il l'interdit ou la
sanctionne; le droit se dit et s'écrit et ceux qui dirigent la Cité exercent leur fonction par l'intermédiaire du langage,
tout comme ils sont attentifs à en capter les signes.
Dans toutes les sociétés, les titulaires du pouvoir ont possédé la maîtrise du langage ou des langages
propres à orienter l'action d'autrui.
Ceux-là sont détenteurs de ce "maître-mot" que Kipling attribuait dans la
jungle à l'enflant démuni mais qui finirait par s'emparer de la fleur rouge.
Prêtres et scribes, pontifes et rois, légistes
et avocats, journalistes et hommes des médias connaissent tour à tour cette puissance.
L'agora d'Athènes était le
lieu de disputes, de collusions oratoires.
De même, Dieu se manifeste
par cet acte de langage: " Au
commencement était le Verbe" disait déjà Saint-Jean.
Dans les sociétés complexes, le langage est l'expression du pouvoir.
A tel point que le fait de nommer, de
qualifier un Pouvoir, lui donne sa cohérence, sinon son existence: qui dit monarchie se met en mesure d'élaborer le
système monarchique, formule la série des concepts qui se trouvent mis dans la langue.
Toutes les institutions majeures ont pour rôle de tester et d'élaborer le langage du Pouvoir.
L'un des
privilèges les plus incontestables du milieu dirigeant est précisément de conserver la langue.
Le langage de la culture
se confond avec celui de la classe dirigeante.
Les faits langagiers montrent la capacité "performative" des classes
dirigeantes.
Et, le propre de ces dernières est d'éviter ou d'intégrer la "gheottisation" du langage: culture jeune (BD,
musique, expressions "branchées"...).
Dès lors, si le pouvoir manifeste son emprise sur le langage, ce dernier à son
tour influence le Pouvoir, à tel point que l'évolution des phénomènes langagiers a une signification historique et
politique considérable: l'invasion du franglais traduit ainsi notre infériorité à l'égard de l'Amérique anglophone, lorsque
la France était puissante, on parlait français à Saint-Pétersbourg.
De même, à la limite, on obtient le phénomène de
la langue de bois qui est une conséquence de la glaciation du langage et/ou de la glaciation du Pouvoir.
Aussi, il faut bien qu'un jour, change ce langage jugé rétrograde.
Et, la révolution se manifeste aussi par un acte de
langage.
La prise du pouvoir ne s'accompagne pas par hasard de déclarations solennelles, de thèses ou de
profession de foi.
En bref, on peut dire que le rêve de puissance est un rêve de langage.
Il fonde et manifeste le Pouvoir et
celui-ci s'exerce par celui-la.
• La parole dans la cure psychanalytique ? Pouvoir sur soi ? sur autrui ? Instrument de domination ? (sur qui ? sur
quoi ? en quoi ?)
" Ca parle là où ça souffre": cet aphorisme de Jacques Lacan souligne la liaison étroite entre le langage
et la psychanalyse.
Lapsus, rêves, cure, tout se joue autour de la question du langage et de sa signification.
La révolution psychanalytique part d'une constatation dont toute l'oeuvre de Freud s'efforce d'administrer
la preuve en étendant ses recherches depuis le comportement du sujet individuel jusqu'aux manifestations
culturelles de l'humanité (art, religion, guerre, morale); l'homme n'est pas le centre de lui-même.
Il y a en lui un
autre sujet que le sujet conscient de la psychologie traditionnelle dont les racines sont à trouver du côté de la
sexualité: l'inconscient.
La découverte freudienne n'est dont pas une recherche de type biologique ou physiologique, encore moins une
apologie des instincts, et le psychanalyste n'est pas tant à comparer à un explorateur de fonds inconnus qu'à un
linguiste tentant de déchiffrer des réseaux de signes et d'en interpréter le sens.
Ce qui a été "refoulé" continue de
fonctionner en dehors du sujet, et le nouveau sujet de cet "en dehors" est strictement ce qu'on nomme inconscient.
Une vérité, une conduite refoulée s'expriment ailleurs, dans un autre registre, en langage chiffré et clandestin.
Sous
la voix claire de notre conscience, murmure ou quelque fois crie une autre voix, celle d'une histoire très ancienne,
celle de notre passé individuel et plus généralement de notre culture qui nous conte des récits faits d'inceste, de
meurtre et de parricide.
Freud, nous donne donc à comprendre que l'homme est indissociablement un être de désir et un être de
langage et que le premier a besoin du second pour se dire ou pour se cacher.
L'inconscient est donc un langage qui
ne cesse de parler, qu'il s'agisse de la folie, parole qui a renoncé à se faire (re)connaître, ou de la "normalité" dans.
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