En quel sens peut-on dire d'une oeuvre d'art qu'elle est vraie ?
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«
Termes du sujet:
En quel sens: quelle est la signification, comment comprendre l'expression et donc éviter un contresens: dans quelles limites peut-on accepter c e dire?
DIRE: signifie ici affirmer en connaissanc e de cause, mais cela désigne aussi l'opinion qui dit n'importe quoi, qui se contente d'affirmer c e qu'elle affirme,
qui transforme son désir en vérité universelle.
VRAI:
* Se dit d'une affirmation conforme à la réalité ou qui n'implique pas contradic tion et à laquelle l'esprit ne peut que sousc rire : Il n'y a pas grand-chose de vrai
dans son récit.
* Q ui appartient à la réalité et n'est pas une création de l'esprit : Rechercher les vraies causes d'un phénomène.
* Q ui est bien conforme à son apparence : Une vraie rouss e.
* Se dit, dans le domaine artistique et littéraire, des êtres et des choses créés qui donnent l'impress ion de la vie, du naturel, de la sincérité : Un romancier
qui peint des personnages vrais.
* Se dit d'un élément qui, parmi d'autres semblables, apparaît c omme le seul important ou le seul déterminant : On ignore le vrai motif de sa démission.
* Q ui convient le mieux à quelqu'un ou à quelque chose, est le plus approprié à une fin, à une des tination : Croyez-moi, c'es t le vrai moyen de leur venir en aide.
ART: 1) A u sens ancien, tout savoir-faire humain, toute pratique produis ant un résultat non naturel (artific iel).
2) A u sens es thétique moderne, production
ou création d'oeuvres destinées à plaire (beaux-arts), c'es t-à-dire à sus citer par leur aspect, une appréciation esthétique pos itive.
O euvre d'art : ensemble organisé de signes et de matériaux manifes tant un idéal de beauté.
L'oeuvre d'art vise le beau et non le vrai.
M ais cette dernière affirmation n'a de sens (et la question avec elle) que si l'on s'entend sur la signification de
l'adjectif « vrai ».
Lorsqu'on affirme d'une oeuvre d'art qu'elle est vraie, ce dernier mot a-t-il le même sens que dans : « c e théorème es t vrai » ou « c ette loi
physique est vraie » ? A lain définit le beau : « Un genre de vrai qui échappe à c eux qui cherchent le vrai.
» En quoi consiste ce « genre de vrai » ? Pour
répondre à la question.
on se souviendra - avec Hegel - que l'art n'ayant pas pour.
but de reproduire la nature.
la vérité dune oeuvre d'art ne saurait être la
ressemblance d'une incitation.
introduction
Un faux tableau est faux par s a signature, c 'est-à-dire non pour ce qu'il est, mais pour ce que l'on aurait voulu qu'il fût.
Il peut donc être une véritable œuvre
d'art, et une œuvre vraie.
Mais en quel sens ...
?
Première partie : L'œuvre d'art est vraie en tant qu'elle reproduit avec véracité son objet
• P osition réaliste (naïve)
a) L'œuvre est reproduction de la nature.
Elle es t vraie si elle est ressemblante (c f.
les observations « Les couleurs de cette toile sont vraies » ou, à propos
d'un portrait, « On dirait qu'il va parler »).
b) Mais une œuvre d'art n'est jamais objective, sa vérité procède toujours d'un illusionnisme fondé en partie sur des conventions collectives (cf.
les études
de P.
Francastel).
• P osition idéaliste
a) C 'est c ette illusion que condamne P laton en dénonçant le carac tère doublement faux de l'art : imitation (œuvre d'art) d'une image (objet naturel) de «
l'idée » qui seule es t vraie.
U ne œuvre sera d'autant plus vraie que son auteur se tournera vers les réalités idéales (cf.
T imée 28 a).
En ce s ens c f.
J.
Joyce :
« L'art ne doit nous révéler que des idées, des es sences spirituelles dégagées de toute forme » (Ulysse).
b) La vérité d'une œuvre d'art réside dans son « naturel », c'est-à-dire, selon Kant, dans sa conformité aux règles dictées par la nature à travers le génie.
c) (Transition) C ette idéalité ne se confond-t-elle pas avec la spiritualité de l'artiste, avec son regard intérieur ? (C f.
le « principe de nécessité intérieure »
de Kandinsky c omme coïncidence de la nécessité immanente à l'œuvre et de la nécessité intérieure à l'artiste).
Deuxième partie : L'œuvre d'art est vraie en tant qu'elle exprime avec véracité son auteur
a) L'œuvre d'art es t vraie dans la mesure où elle traduit la subjectivité de l'artiste.
L'art réalis te, voire hyperréaliste, passe toujours par une sensibilité.
C ette sensibilité peut prendre dans l'œuvre d'art une importance croissante (cf.
l'impress ionnisme, l'expres sionnisme) jus qu'à un pur subjectivis me (cf.
l'abstraction non figurative).
b) L'œuvre d'art est vraie dans la mes ure où elle est en conformité objective avec l'intentionnalité de l'artiste (cf.
le dadaïsme pour lequel l'œuvre est pure
intentionnalité).
Troisième partie : L'œuvre d'art est vraie en tant que dévoilement ontologique
C omme l'a souligné Heidegger (« L'origine de l'œuvre d'art »), au-delà de toute vérité physique ou psychologique, l'œuvre
d'art est vraie dans la mesure où elle est elle-même, c'es t-à-dire qu'en elle se dévoile la vérité même de l'être.
D ès lors
elle n'est plus vraie en tant qu'en elle « un étant quelconque est bien rendu » ou dans s on rapport à l'artiste puisque
l'artiste est par rapport à elle quelque chos e d'indifférent, un « pass age pour sa naissance qui s'anéantit dans sa création
», mais qu'en elle « c'est l'avènement de la vérité qui est à l'œuvre »; elle est le « séjour de la vérité en tant qu'éclosion ».
Heidegger a posé la question de l'origine de l'oeuvre d'art : celle-ci est avant tout une chos e.
Une peinture es t avant tout
un tableau, présenté d'exposition en exposition, ou siégeant dans un mus ée.
M ais Heidegger distingue trois types de
choses : la chose naturelle, l'outil (défini par son utilité) et l'oeuvre.
A ristote a montré qu'une chos e se compose d'une
matière (hylè) qui reçoit une forme (morphé, eidos).
P ar sa
matière, l'oeuvre d'art est donc une chose comme toutes les autres.
C ependant, dans un objet utilitaire, la forme de la
chose détermine le choix de sa matière : ainsi, pour fabriquer une enclume, on choisira un acier dur, capable de supporter
les chocs et la chaleur.
O r on interprète en général les choses naturelles et les oeuvres d'art à partir de la fabrication des
outils , par anthropomorphisme.
L'homme s e définissant comme fabricateur d'outils, il étend cette pratique et son
p r o c e s s u s à l'ensemble de l'étant, soit à la totalité des choses, de la même manière que l'on conçoit Dieu comme un
créateur ex-nihilo, qui aurait tiré le monde du néant pour lui donner l'être par son travail.
O r, l'artiste ne fabrique pas des
oeuvres d'art comme l'artisan fabrique des outils.
L'oeuvre d'art révèle la vérité des choses qu'elle représente.
Bien loin
d'être une imitation, elle dévoile l ' e s s e n c e d e l'être qu'elle produit au s e n s non technique du terme : une production
(poiesis) qui trouve sa propre finalité en elle-même, qui dévoile ou laisse apparaître c e qui était caché, latent.
"C 'est
poétiquement que l'homme habite cette terre [...] et c e qui demeure est instauré par les poètes."
conclusion
La vérité d'une œuvre d'art est multiple.
Elle est celle du regard que l'on porte sur elle, et avec elle « l'artiste nous prête ses yeux pour regarder le monde »
(Schopenhauer)..
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