En quel sens faut-il s'étudier pour se connaître ?
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Problème : Maintenant que sont éclairé les différents champs de significations constituant les trois notions principales qui entrent dans la composition de l’énoncé, reformulons-en le problème. Celui-ci doit se concevoir sur le mode d’une implication conditionnelle. Mais cette dernière y reste implicite. En effet, la tournure de l’énoncé laisse à penser qu’il faut s’étudier pour pouvoir se connaître, l’unique question résidant alors dans le sens à donner à la notion du terme “ étudier ”. L’énoncé est ainsi construit sur une implication conditionnelle implicite : pour se connaître, il faut s’étudier, ou mieux encore : si l’on veut se connaître alors il est nécessaire de s’étudier. Autrement dit, la connaissance de soi implique l’étude de soi par soi. Répondre à la question du sens à donner au terme “ s’étudier ”, mais également à l’ambivalence de la notion de conscience (caractéristique de la connaissance de soi), permettra incidemment de décider de la légitimité de la formulation de l’énoncé (“ en quel sens faut-il s’étudier pour se connaître ? ” devenant ainsi “ y a-t-il un sens à s’étudier pour se connaître ? ”).
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Incipit : Cet énoncé reprend les fondements socratiques de la philosophie.
Socrate en effet fait de l'adage delphique (“ Connais-toi toi-même ”) la pierre
d'achoppement de la valeur philosophique de l'existence humaine (une vie sans examen (de soi) ne valant pas la peine d'être vécue).
Le philosophe anglais
James Stuart Mill, fondateur de l'utilitarisme, ira jusqu'à risquer la nécessité de l'examen de soi au mépris du bonheur individuel (“ mieux vaut être un
Socrate tourmenté qu'un porc satisfait ” (De la liberté)).
Quel peut donc être le sens d'une étude dont la finalité est la connaissance de soi ? Et quelle peut en
être la forme, le moyen de la mise en œuvre ?
Thèmes : L'analyse thématique de trois notions impliquées par la formulation de l'énoncé peut servir à en expliciter les tenants et aboutissants.
Une telle
analyse en révélera également la structure conditionnelle implicite.
(i) Le réflexivité : la réflexivité est ici indiquée par l'emploi de pronoms personnels
réflexifs (les ‘se' de “ s'étudier ” et “ se connaître ”).
Deux éléments en sont caractéristiques : d'une part, la subjectivité, c'est-à-dire l'existence et la
présence d'un sujet qui puisse être l'objet d'une investigation ; d'autre part, la connotation introspective de la réflexivité appliquée à soi-même comme sujet,
c'est-à-dire la possibilité d'un regard tourné en soi, ou plutôt retourné sur sa propre intériorité pour en inspecter ce qui n'y est pas immédiatement apparent.
(ii) La connaissance de soi : cette notion se fonde sur une ambivalence qu'indique la notion de conscience.
La réflexivité du sujet dans le cas de la
connaissance, de sa propre connaissance, conduit à la conscience.
Par conscience, il faut entendre la présence à soi structurée sur le mode du rapport
d'altérité.
Etre conscient, c'est se savoir soi-même comme un autre, introduire un rapport de dualité au sein de sa propre subjectivité : être présent à ou
avec (con-) soi pour se savoir (-science).
L'ambivalence de la notion de conscience tient à ceci que le savoir de soi (comme d'un autre) peut tant être
connaissance pratique que théorique : on peut dans le premier cas parler de conscience morale et dans le second de conscience épistémique.
(iii) L'étude :
l'étude quant à elle implique également plusieurs dimensions qui en définissent l'activité : celles-ci consistent dans l'attention, la continuité temporelle (on
étudie de manière continue, ou du moins réitérée, et non en une seule et unique fois), mais surtout, et cela était déjà engagé par notre examen des notions
(i) et (ii) : un rapport duel du sujet connaissant à l'objet connu.
En outre, l'étude intègre toujours un aspect pratique.
Problème : Maintenant que sont éclairé les différents champs de significations constituant les trois notions principales qui entrent dans la composition de
l'énoncé, reformulons-en le problème.
Celui-ci doit se concevoir sur le mode d'une implication conditionnelle.
Mais cette dernière y reste implicite.
En effet,
la tournure de l'énoncé laisse à penser qu'il faut s'étudier pour pouvoir se connaître, l'unique question résidant alors dans le sens à donner à la notion du
terme “ étudier ”.
L'énoncé est ainsi construit sur une implication conditionnelle implicite : pour se connaître, il faut s'étudier, ou mieux encore : si l'on veut
se connaître alors il est nécessaire de s'étudier.
Autrement dit, la connaissance de soi implique l'étude de soi par soi.
Répondre à la question du sens à
donner au terme “ s'étudier ”, mais également à l'ambivalence de la notion de conscience (caractéristique de la connaissance de soi), permettra
incidemment de décider de la légitimité de la formulation de l'énoncé (“ en quel sens faut-il s'étudier pour se connaître ? ” devenant ainsi “ y a-t-il un sens à
s'étudier pour se connaître ? ”).
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I.
La connaissance théorique de soi
Nous prenons ici la connaissance de soi au sens de la dimension épistémique de la conscience.
Le savoir de soi est ici théorique.
Et l'étude ou l'examen de
soi l'est tout autant.
Faut-il donc s'étudier soi-même théoriquement pour se connaître ? S'étudier théoriquement veut dire se prendre soi-même pour objet
de connaissance, objet à connaître.
Une telle investigation de soi est proprement appelée introspection.
La possibilité de l'introspection au sens propre est
introduite par l'invention cartésienne de la subjectivité moderne.
Le sujet se définit comme substance pensante, il a des pensées, et de ses pensées il a
intuitivement conscience : ce sont la pensée.
Pensée sur laquelle peut effectuer des opérations logiques (les règles de la méthode pour la direction correcte
de l'esprit).
Il n'en reste pas moins que ce sont toujours les idées qui sont objet de l'introspection, c'est-à-dire de l'étude réflexive de soi.
Jamais le sujet,
comme substance pensante, n'en vient à s'objectiver véritablement.
Toujours il échappe en quelque sorte à lui-même.
Ceci tient au fait qu'il ne se réduit
pas à sa définition comme substance pensante (il est également corps, par exemple).
Le fait d'être substance pensante n'épuise pas la détermination du
sujet cartésien.
Et en fait, jamais celui-ci ne peut être défini, et jamais il ne l'est.
La raison en est simplement qu'il ne saurait être absolument objectivé,
c'est-à-dire réduit au statut d'objet de la connaissance.
Puisque le sujet connaissant, le sujet étudiant et s'étudiant, est la condition de l'étude, toujours il
en reste l'agent, jamais il n'est que patient, c'est-à-dire qu'objet de l'introspection.
A l'introspection manque toujours un quelque chose.
Ce quelque chose
est pourtant le propre du sujet : il tient dans son irréductibilité et sa résistance à l'objectivation.
En conséquence, s'étudier soi-même permet de prendre
conscience et de connaître sa propre irréductibilité en tant que sujet.
L'étude de soi conduit ainsi inéluctablement à l'échec de la connaissance de soi.
S'étudier pour se connaître doit donc se prendre au sens d'une étude qui révèlerait la limitation inhérente à son investigation parce que relative à ce qu'elle
veut prendre pour objet, à savoir le sujet.
Et c'est sur une telle déconstruction de la possibilité de toute connaissance théorique positive du sujet, sur son
indéfinissabilité fondamentale, que font fond les théories contemporaines dénonçant l'inexistence d'un sujet unifié et connaissable intégralement, de Kant
jusqu'à Freud en passant par Nietzsche.
Il faut s'étudier pour savoir qu'on ne peut se connaître.
II.
La connaissance pratique de soi
Une autre acception de la connaissance de soi est déjà présente à même la formulation de l'adage delphique.
Il s'agit de la connaissance de soi comme
pratique du soi.
Si le soi n'existe pas pour les grecs antiques (pas plus d'ailleurs que pour Descartes en tant qu'il reste indéfini), alors la connaissance de
soi ne peut être assimilée à la connaissance théorique d'un objet.
La connaissance de soi est donc ici pratique de soi.
Dans l' Alcibiade de Platon, il est fait
référence à l'existence de ‘techniques de vie' dont la mise en œuvre, par application des règles qui en sont constitutive, doit garantir la bonne tenue de
l'existence (la question du bien vivre).
Et c'est dans ce sens que doit certainement être pris l'adage des Sages de Delphes.
Ainsi, il entre en relation avec
l'autre recommandation fameuse de l'oracle : “ rien de trop ”.
S'étudier a ici pour finalité la connaissance de sa propre finitude d'humain.
Doivent être évitées
la présomption à l'endroit des dieux et l'orgueil face au destin.
Il faut alors s'étudier pour se connaître comme être limité et fini, définitivement et
irrémédiablement non-divin.
L'étude de soi peut alors prendre la forme que Foucault introduit au terme de son œuvre avec le concept complexe du ‘souci de
soi' et le ‘soin de l'âme' (recherche de la pratique des vertus).
S'étudier a une finalité pratique.
Sa modalité peut en être l'examen de conscience (ai-je bien
agi ?).
En conséquence, il faut s'étudier pour se connaître comme être engagé dans l'existence réelle du monde, partie d'une globalité dont la portée excède
la subjectivité.
Mais avant tout, pour agir, et bien agir.
*
Conclusions
-
Telle que formulée dans l'énoncé, la connaissance de soi suppose l'existence du soi.
Or rien de tel n'est avéré.
Partant, si le soi n'est pas, l'étude de
soi ne peut que s'effectuer sur le mode négatif de la prise de conscience de la limitation de l'emprise de la connaissance lorsque le sujet en est l'objet.
Il
y a donc un sens à s'étudier pour se connaître : il est négatif.
En bref, il faut s'étudier pour se savoir incapable d'une connaissance de soi, et en
conséquence transférer l'attention théorique portée au soi (souci de soi) sur le plan pratique..
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