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En prenant des exemples précis, vous commenterez et discuterez cette remarque d'un auteur dramatique : « Les créatures du théâtre, comme celles de la vie, doivent garder une part d'ambiguïté et d'indétermination. Elles doivent rester pour nous des sujets

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Les vrais dramaturges n'ont jamais précisé les jeux de scène ou le décor de leurs pièces. Il y a dans Shakespeare, dans Molière, dans Musset, des formules aussi surprenantes que celle-ci : « La scène est n'importe où. » Les personnages sont « as you like it, comme il vous plaira ». Une saynète brillante de Noël Coward s'intitulait naguère (en 1944) Anyhow, « n'importe comment ». Où l'on voudra, quand on voudra : est-ce que l'on ne dit pas souvent aussi d'un accident inattendu qu'il est bête comme la vie ? Le Théâtre et l'Existence, pour paraphraser le titre du beau livre de Monsieur Henri Gouhier, ont ceci de commun qu'ils comportent toujours une marge d'indéterminé. Le personnage dramatique n'apporte aucun démenti à la règle : chacun peut s'y reconnaître, et pourtant chacun a été voulu dans un sens très précis. L'Auteur a bien pensé à faire un héros aimable et souriant : mais l'amateur ne verra en lui qu'un être falot, prétentieux et déplaisant. La créature, à peine sortie des mains de son créateur, devient immédiatement une sorte de propriété commune et indivise : elle tombe dans le domaine public. Elle n'est plus à l'auteur : elle est à tout le monde. Paul Valéry disait excellemment : « Une fois publié, un texte est comme un appareil dont chacun se peut servir à sa guise et selon ses moyens : il n'est pas sûr que le constructeur en use mieux qu'un autre. »

Aussi le personnage dramatique est-il toujours, à la façon pirandellienne, en quête d'un auteur et d'un public. Mais nous allons préciser ce qu'il faut entendre par là. Puis nous tenterons de montrer le caractère contestable de cet aphorisme. Enfin nous nous demanderons s'il y a lieu de considérer comme spécifique de la littérature dramatique cette ambiguïté des créatures, ou si l'on ne doit pas généraliser cette formule.

« En prenant des exemples précis, vous commenterez et discuterez cette remorque d'un auteur dramatique : « Les créatures du théâtre, comme celles de la vie, doivent garder une part d'ambiguïté et d'indétermination.

Elles doivent rester pour nous des sujets d'interrogation...

» Les vrais dramaturges n'ont jamais précisé les jeux de scène ou le décor de leurs pièces.

Il y a dans Shakespeare, dans Molière, dans Musset, des formules aussi surprenantes que celle-ci : « La scène est n'importe où.

» Les personnages sont « as you like it, comme il vous plaira ».

Une saynète brillante de Noël Coward s'intitulait naguère (en 1944) Anyhow, « n'importe comment ».

Où l'on voudra, quand on voudra : est-ce que l'on ne dit pas souvent aussi d'un accident inattendu qu'il est bête comme la vie ? Le Théâtre et l'Existence, pour paraphraser le titre du beau livre de Monsieur Henri Gouhier, ont ceci de commun qu'ils comportent toujours une marge d'indéterminé.

Le personnage dramatique n'apporte aucun démenti à la règle : chacun peut s'y reconnaître, et pourtant chacun a été voulu dans un sens très précis.

L'Auteur a bien pensé à faire un héros aimable et souriant : mais l'amateur ne verra en lui qu'un être falot, prétentieux et déplaisant.

La créature, à peine sortie des mains de son créateur, devient immédiatement une sorte de propriété commune et indivise : elle tombe dans le domaine public.

Elle n'est plus à l'auteur : elle est à tout le monde.

Paul Valéry disait excellemment : « Une fois publié, un texte est comme un appareil dont chacun se peut servir à sa guise et selon ses moyens : il n'est pas sûr que le constructeur en use mieux qu'un autre.

» Aussi le personnage dramatique est-il toujours, à la façon pirandellienne, en quête d'un auteur et d'un public.

Mais nous allons préciser ce qu'il faut entendre par là.

Puis nous tenterons de montrer le caractère contestable de cet aphorisme.

Enfin nous nous demanderons s'il y a lieu de considérer comme spécifique de la littérature dramatique cette ambiguïté des créatures, ou si l'on ne doit pas généraliser cette formule. I.

- EXPLICATION 1.

Récemment encore, on faisait à un dramaturge fort populaire le procès d'Alphonse Daudet et de son Tartarin.

On reprochait à André Roussin, auteur de La Main de César, d'avoir reproduit des personnages, une ville et un milieu existants, pour les ridiculiser.

Molière nous avait habitués à ce genre de querelle : dans l'Impromptu de Versailles ou La Critique de l'école des femmes, les petits marquis se renvoyaient l'honneur d'avoir été portraiturés par Poquelin. Et déjà, de lui-même, il répondit à l'avance pour les générations futures qu'un personnage devait rester indécis, imprécis, indéterminé.

Alceste est-il Molière ? Pas plus qu'il n'est Montausier — ou Jean-Jacques.

Et de même ni Tite ni Bérénice ne reproduisent les traits de Louis XIV ou de Madame Henriette d'Angleterre.

Racine disait dans la Préface de Bajazet (seconde Préface, édition de 1676) : « Je ne conseillerai pas à un auteur de mettre sur le théâtre des héros qui auraient été connus de la plupart des spectateurs.

» Car dans ces conditions la marge d'indétermination nécessaire à la bonne compréhension par tous se serait réduite d'autant.

Les bonnes pièces ne sont jamais historiques au sens où elle reproduiraient un héros ayant exactement vécu, pensé, parlé, comme l'auteur le fait vivre, penser et parler.

Car ce ne serait plus du théâtre mais de la chronique ; et le principe premier de la Poétique d'Aristote reste encore vrai aujourd'hui : La poésie est plus vraie que l'Histoire. 2.

La raison la plus essentielle, du point de vue dramatique, est peut-être qu'une pièce ne doit être ni lue, ni jouée, mais interprétée.

Or qui dit interprète suppose duplicité, ambiguïté.

S'il n'y avait qu'une langue, l'on n'aurait point besoin de traduire.

Mais l'auteur a écrit une pièce dans un dessein précis.

Il voit son personnage de telle façon : « Racine, disait Mme de Sévigné, fait des pièces pour la Champmeslé : ce n'est pas pour les siècles à venir.

» Et cette excellente prophétesse ajoutait : « Si jamais il n'est plus jeune et qu'il cesse d'être amoureux, ce ne sera plus la même chose ! » Les siècles sont venus, et c'est encore et toujours la même chose.

Il a cessé d'être jeune et amoureux, mais il continue à être diversement interprété (dans tous les sens !) par les metteurs en scène, par les acteurs, par les spectateurs enfin.

Au reste chacun sait que l'auteur est la cinquième roue du carrosse : « Racine ! disait un régisseur cité par Giraudoux (Infroduction à Louis Jouvet, p.

16, Paris, Emile Paul, 1938), mais il n'a fait que les paroles ! » Aussi les créatures sont-elles d'autant moins fixes ou claires que leur créateur est lui-même moins fixé et moins étroitement suivi.

Le personnage est déterminé par son interprète ; on a vu « un Falstaff maigre, un Hamlet hydropique, un Chérubin géant » (Jean Giraudoux, ibid., p.

18.) 3.

Enfin les spectateurs eux-mêmes doivent prendre part à cette indétermination.

Chacun voit à sa façon le personnage de la pièce.

On voit Fantasio blond et rose, la Silvia de Marivaux délicate et frêle, les yeux très bleus et les cheveux poudrés, les Précieuses de Molière contrefaites et mal habillées ; mais le contraire n'est pas impossible. On peut concevoir un Fantasio brun et ténébreux, quoiqu'il ait « le mois de mai sur les joues ».

Après tout n'a-t-il pas le « mois de janvier dans le cœur»? Ainsi naît la créature façonnée par tous ses spectateurs, par les metteurs en scène plus encore que par celui qui lui a donné la vie.

Son démiurge la fait sortir du néant : mais ici s'arrête son rôle ; le reste est affaire de goût.

La bouteille mise à la mer, celui qui l'y a jetée ne peut plus rien pour elle. II.

- DISCUSSION 1.

Est-il tout à fait sûr que le personnage puisse rester à demi caché ? Larvatus prodeo.

L'acteur ne représente pas toujours fout son personnage.

Mais souvent l'auteur a voulu un type précis, délimité, parfaitement formé sur un ou deux traits de caractère.

Si Célimène n'est pas forcément Armande Béjart — du moins le Molière de L'impromptu de Versailles est-il très exactement Molière, et personne d'autre.

Jean Giraudoux a représenté de la même façon Jouvet, Madeleine Ozeray, Pierre Renoir et tant d'autres comédiens remarquables, dans son inoubliable Impromptu de Paris.

Ce sont bien ceux-là et non pas d'autres.

Horace est Horace, Rodrigue est le Cid, Auguste est l'empereur, et. »

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