En l'absence des lois, les hommes seraient-ils vraiment réduits à l'état de bêtes sauvages ?
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«
En l'absence des lois, les hommes seraient-ils vraiment réduits à l'état de bêtes sauvages ?
• C'est la thèse qui a été développée par certains théoriciens du contrat social, par Hobbes notamment, qui voit
dans l'état de nature un état de guerre de tous contre tous, où «l'homme est un loup pour l'homme”..
Le contrat
social, instaurant l'État et le droit, aurait pour but de mettre fin à cet état de conflit continuel des hommes et à la
crainte permanente qui en résulte.
Hobbes est considéré, avec Machiavel, comme le fondateur de la
politique moderne.
Contemporain de la Révolution anglaise du XVII ième siècle,
Hobbes sera frappé de la violence de la guerre civile et des conséquences
désastreuses de la vacance du pouvoir.
Au chapitre XII du « Léviathan », il
écrit : « Il apparaît clairement par là, qu'aussi longtemps que les hommes
vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans
cette condition que l'on nomme guerre, et que cette guerre est guerre de
chacun contre chacun.
»
L'expérience inédite qu'est la Révolution va amener Hobbes à se faire le
théoricien d'un pouvoir fort, de l'absolutisme.
Hobbes appartient au courant dit du « droit naturel » qui rompt avec
les conceptions politiques traditionnelles.
L ‘héritage antique affirmait avec
Aristote que « l'homme est un animal politique » et assurait la prééminence
de la communauté sur l'individu.
L'héritage chrétien, le droit divin,
interdisaient toute contestation de l'autorité politique, laquelle était censée
venir de Dieu.
La Réforme religieuse de Martin Luther au XVI ième ébranle la tradition catholique et rejette le pouvoir
qu'exerçait le pape non seulement sur les Églises, mais aussi sur les États.
La philosophie de Descartes fait
du passé table rase et place la conscience, l'homme conçu comme volonté autonome, au centre de l'univers.
Hobbes est en un sens l'héritier politique de cette double fracture religieuse et métaphysique.
La Révolution
anglaise, qui l'obligera à se réfugier à la cour de Louis XIV, l'assure que les fondements traditionnels de la politique
sont vermoulus, et qu'il faut accomplir en politique ce que Descartes a accompli en métaphysique : une
contestation radicale de la tradition et de l'histoire, et une nouvelle fondation, rationnelle, cette fois, de l'Etat : «De
toute manière, un argument tiré de la pratique des hommes est sans valeur [...] En effet, même si en tous les
endroits du monde les hommes établissaient sur le sable les fondements de leurs maisons, on ne pourrait inférer de
là qu'il doit en être ainsi.
L'art d ‘établir et de maintenir les républiques repose, comme l'arithmétique et la géométrie,
sur des règles déterminées, et non comme le jeu de paume, sur la seule pratique.
»
L'expérience cruciale de la guerre civile, la montée de l'individualisme, la rupture des anciennes solidarités
sociales, invitent Hobbes à penser qu'en dehors d'un pouvoir commun fort, les hommes vivent en rivalité, défiants
les uns vis-à-vis des autres, dans un état de suspicion, sinon de guerre.
Cherchant les fondements d'une autorité légitime, et les causes de la vie sociale, Hobbes reconstitue ce que
l'on nomme l'état de nature.
L'état de nature est un état fictif, correspondant à ce que vivraient les hommes si
chacun jouissait de sa liberté naturelle.
Hobbes en effet accepte l'idée que les hommes sont naturellement libres,
c'est-à-dire pourvus d'une volonté autonome dont ils ont le droit d'user.
La question est alors de savoir pourquoi,
étant donné qu'ils sont libres, les hommes acceptent un pouvoir commun.
Si j'ai le droit naturel de décider pour moimême de mes actions, pourquoi est-ce que j'accepte de me soumettre à la loi ? Pour quel motif est-ce que je donne
aux lois une partie au moins de ce droit naturel que j'ai de décider de mes actes ?
Rechercher ces motifs demande de reconstruire par la pensée l'état de nature, pour comprendre ce que
seraient les hommes sans un pouvoir commun, et examiner pourquoi et comment ils en sortent.
Hobbes considère que les hommes sont égaux.
C'est-à-dire que les différences de force ou de ruse ne sont
pas si grandes que l'un d'entre nous puisse s'approprier une chose et en exclure les autres.
Hobbes emploie pour le montrer un argument très étrange ; tout homme a toujours assez de force pour en tuer un
autre.
Les hommes sont donc égaux en aptitude et en droit : chacun a un droit égal sur toute chose : « De cette
égalité des aptitudes découle une égalité dans l'espoir d'atteindre nos fins.
C'est pourquoi, si deux hommes désirent
la même chose alors qu'il ne leur est pas possible d'en jouir tous les deux, ils deviennent ennemis ; et dans leur
poursuite de cette fin (qui est, principalement, leur propre conservation, mais parfois seulement leur plaisir), chacun
s'efforce de détruire et dominer l'autre.
»
Le simple désir de se maintenir en vie, mais aussi parfois l'agrément, nous rend naturellement ennemis, rivaux,
défiants.
Je ne suis jamais assuré, dans l'état de nature, qu'un autre ne cherchera pas à s'emparer des biens.
»
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