En apprenant sa langue maternelle, n'apprend-on qu'à parler ?

« Termes du sujet: Parler: utilisation personnelle d'une langue. Langue Une langue est un ensemble institué et stable de signes et de règles grammaticales que partage une communauté humaine donnée. La langue maternelle, n'est-ce pas notre premier accès au langage, et même notre accès au langage tout court ? A vec le verbe "parler", l'apprentissage de la langue se limite-t-il à l'apprentissage d'un moyen de communiquer, de s'exprimer ? La "langue maternelle" relève d'une culture, en fonction de notre origine familiale.

En quoi cet ancrage social change-t-il la nature de l'apprentissage d'une langue ? Par définition c'est la première langue apprise.

Elle "constitue" la conscience, d'une certaine manière.

Que serait la conscience sans la possibilité de se formuler elle-même ? Être conscient, n'est-ce qu'être purement et simplement "présent à soi", avoir un confus sentiment de soi ? N'est-ce pas aussi être capable de réfléchir, de revenir sur soi, de formuler des idées...

toutes choses qui ne peuvent se concevoir sans le langage ? La langue renvoie à la conscience humaine et donc à l'anticipation et à la création.

"n'apprend on qu'à parler" : tournure restrictive, il faut donc montrer les apports de la langue maternelle.

La langue maternelle semble nous apprendre autre chose que le fait de parler, elle va nous permettre d'évoluer et de concevoir le monde. Introduction. Lorsque l'on dit qu'un enfant apprend à parler, on passe sous silence un complément évident : il apprend à parler sa langue maternelle.

On ne peut apprendre à parler « à vide », indépendamment d'une langue déterminée.

Mais la langue maternelle n'apporte-t-elle pas plus qu'une simple illustration de ce que parler veut dire? En apprenant sa langue maternelle, n'apprend-on qu'à parler? Nous verrons tout d'abord qu'apprendre à parler implique déjà plus que la simple capacité d'énonciation, puis nous examinerons l'apport spécifique de la langue maternelle; nous verrons enfin comment la fonction du langage nous rend libres à l'égard de la langue maternelle. I.

Apprendre à parler, c'est déjà beaucoup. Pour déterminer si en apprenant sa langue maternelle on n'apprend qu'à parler, il faut se demander ce que l'on apprend à ce moment-là. • Du besoin à l'idée. En apprenant à parler, l'enfant n'apprend pas seulement à formuler plus clairement ses besoins, que ses cris traduisaient déjà assez bien : il apprend aussi à exprimer des idées indépendantes de ses besoins naturels, à raconter des histoires, bref il accède au monde de la culture. • Du babil au dialogue. Apprendre à parler, c'est également devenir un véritable partenaire de dialogue : un échange réciproque intervient très tôt entre l'enfant et les personnes qui l'entourent, mais ces dernières doivent se livrer à un déchiffrage incertain de ce que l'enfant communique jusqu'à ce qu'il soit capable d'articuler véritablement des mots. • La conscience de soi. Enfin, c'est à travers l'apprentissage du langage que se forme la conscience de soi : la maîtrise progressive de la première personne (« moi », « je » ) est contemporaine de la prise de conscience de soi comme sujet distinct des autres. On voit donc qu'apprendre à parler implique des processus d'une grande richesse qui dépassent le simple phénomène d'énonciation. II.

Non seulement parler, mais aussi... C'est en apprenant une langue bien déterminée, notre langue maternelle, que nous apprenons à parler. • Des façons de dire. La langue maternelle est une langue particulière parmi d'autres, et même une langue plus spécifique qu'une langue nationale : la langue maternelle c'est la langue d'un pays telle que la parlent les personnes qui entourent l'enfant, avec un accent, un vocabulaire et des expressions particuliers. • La perception. De même, c'est toute la perception de la réalité qui est informée par la langue que nous apprenons : telle langue possède plus de nuances pour nommer les couleurs que telle autre langue, etc.

On pourrait dire que nous avons une perception maternelle associée à notre langue maternelle. • La constitution du monde. En apprenant notre langue maternelle, c'est donc tout un univers que nous assumons : un mode de communication particulier, un mode de perception dans l'espace, mais également une façon de nous situer dans le temps : en apprenant notre langue maternelle nous apprenons également un certain nombre de noms propres et de valeurs qui sont autant de repères de notre identité culturelle, morale et historique.

C 'est en ce sens que nous pouvons nous dire « enfants d'une époque ». III.

En apprenant à parler, n'apprend-on que sa langue maternelle? Nous pouvons toutefois nous demander si la langue maternelle informe totalement notre personnalité à la manière d'un moule : apprendre à parler, c'est peut-être toujours apprendre déjà à dépasser la langue dans laquelle nous apprenons à parler. • La plasticité du langage. Il faut tout d'abord rappeler qu'en apprenant à parler nous ne nous contentons pas de mémoriser des phrases toutes faites : au fur et à mesure que l'enfant s'approprie sa langue maternelle, il l'utilise à sa manière, et joue très tôt, par exemple, à déformer les mots qu'il répète ou à inventer de nouveaux mots : apprendre à parler c'est aussi apprendre une attitude créatrice. • L'aptitude aux langues étrangères. Notre langue maternelle nous marque profondément, mais en l'apprenant nous apprenons bel et bien à parler de façon générale, comme le montre notre capacité à apprendre des langues étrangères.

Sans que nous en soyons conscients, l'apprentissage de notre langue maternelle nous donne également les moyens d'apprendre d'autres langues - à cette nuance près qu'il est alors plus difficile d'apprendre les langues dont les sonorités sont très éloignées de la nôtre. Conclusion. Il y a donc un jeu réciproque entre la fonction langagière en général et cette langue précise qu'est notre langue maternelle : cette dernière nous apporte tout un univers, et la capacité de parler nous rend libres au sein de cet univers et ouverts à tous les univers possibles.. »