Du rôle de l'habitude et de l'effort dans la formation de la personnalité.
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Du rôle de l'habitude et de l'effort dans la formation de la personnalité.
La conscience, telle qu'elle nous apparaît à l'état adulte, distingue nettement le moi de tout ce qui n'est pas lui.
Le moi est ainsi le noyau,
l'axe de tous les événements intérieurs.
Tous les états qui constituent ma vie intérieure, si nombreux et si variés qu'ils soient, ne restent
pas éparpillés autour de ma pensée, ils ne circulent pas à côté de ma conscience comme font les planètes autour du soleil.
Ils sont liés
entre eux, ils dérivent d'un fond commun : c'est là un fait que ma conscience me témoigne avec autant de force et du clarté que mes
représentations elles-mêmes.
Mais il est clair que si l'en entend par idée du moi la personnalité complexe, avec son caractère spécial, son corps, et tout ce qui en un
mot appartient en propre à un individu donné, cette synthèse ne peut être une notion primitive.
La notion du moi, en effet, manque à bien des stades de l'évolution psychique de l'individu.
La psychologie enfantine montre nettement
que les manifestations de la conscience n'ont aucunement pour condition nécessaire l'opposition du moi et du non-moi.
Seule une
constatation expérimentale permet de déterminer le moment précis où elle commence à se formuler.
Le langage de l'enfant, qui parle de lui à la troisième personne, n'est pas une preuve suffisante de l'inexistence de l'idée du moi, car au
moment m ê m e où il parle de lui en termes impersonnels, il manifeste des exigences parfois très vives qui montrent assez son
attachement à son moi.
La" ténuité, la fragilité, la variabilité du sentiment du moi chez l'enfant se traduit par toutes ses manières d'être.
Non seulement il met la plus grande conviction à s'attribuer, dans ses
jeux par exemple, un caractère et des rôles parfaitement étrangers à sa nature, mais par un effet inverse de la même cause, il impute
aisément à autrui jusqu'aux actes qu'il vient de commettre.
Si donc la personnalité n'est pas une donnée primitive, nous pouvons étudier le processus par lequel elle se constitue, et rechercher les
principaux facteurs qui y contribuent.
En particulier, nous nous demanderons quel est le rôle de l'habitude et de l'effort dans la formation
de la personnalité.
Il semble au premier abord que l'habitude ne joue aucun rôle.
L'habitude en
effet, par son caractère d'automatisme, de mécanisme, paraît être l'opposé de la personnalité, qui est faite de spontanéité et de liberté.
Et cependant, la personnalité implique tout un système d'habitudes, tant d'accoutumances que d'habitudes actives.
1° Les virtualités que porte en lui l'enfant à la naissance sont susceptibles de se développer dans des sens différents selon le milieu où il
se trouve placé.
Certaines variations des individualités humaines ont pour cause la diversité des influences auxquelles elles se trouvent
soumises.
Parmi ces influences, il faut distinguer celles du milieu physique et celles du milieu social.
Le milieu physique exerce sur la personnalité humaine une influence considérable en lui imposant des habitudes d'un certain genre.
'En
présence d'un milieu donné, l'homme, à tous les âges de la vie et particulièrement dans l'enfance, doit subir l'action des circonstances
extérieures et surtout du climat, de l'alimentation et de tout ce qui contribue à la formation de l'organisme ; de tous ces facteurs, c'est
surtout le travail, l'activité professionnelle qui est un puissant modificateur de l'individualité psychique.
En mettant l'homme d'une façon
constante en présence de certains objets déterminés, en sollicitant de son intelligence la réponse à des problèmes d'ordre spécial, en
imposant à ses facultés une certaine discipline, le travail transforme profondément l'organisme, et celui-ci prend des habitudes qui
contribuent à la formation de toute sa personnalité.
Le milieu social joue aussi un rôle dans cette formation.
L'esprit individuel, la personnalité, ne seront pour Durkheim que le point de rencontre d'influences sociales interférentes.
Sans doute
l'individu qui vit dans un milieu social déterminé s'accoutume à ce milieu et en subit l'ambiance, mais les sociologues qui se sont attachés
à l'étude de la conscience collective n'ont pas assez insisté sur le fait que l'individu est susceptible de fournir sous la pression sociale une
réaction qui n'est pas la même pour tous.
2° Cette dernière remarque nous montre que tout n'est pas passivité et accoutumance dans la formation de la personnalité ; l'individu est
aussi capable de prendre des habitudes actives, et particulièrement des habitudes musculaires, par lesquelles il se distingue des choses
et prend conscience de son pouvoir sur elles.
C'est que nous nous connaissons comme corps, avant de nous connaître comme personne.
L'enfant de deux à trois ans sait déjà se diriger parmi les choses et agir sur sou milieu, qu'il est encore incapable de dire « je » en parlant
d e lui.
L'individualité se développe parallèlement à l'organisme et le sentiment (le la personnalité croît normalement avec l'Age.
Le
sentiment du moi n'est d'abord que la conséquence du groupement étroit et intime de toutes les impressions organiques et d e leurs
images en la vaste notion du corps.
Mais à côté de tous ces facteurs d'individualisation, la volonté réfléchie a un rôle
dans la formation d e la personnalité.
Sans l'effort et la volonté, la personnalité demeurerait inerte.
Les actes machinaux d e la vie
courante ou de la vie professionnelle, ceux où l'habitude, en en perfectionnant l'exécution, a éteint la conscience des mobiles et du but,
semblent se détacher de nous au point que nous nous souvenons moins de les avoir accomplis que de n'avoir pas oublié de les accomplir,
plus sensibles que nous sommes à leur absence qu'à leur présence.
Mais qu'en revanche quelque pièce de notre caractère entre en jeu isolément, l'action à laquelle nous s o m m e s ainsi portés nous est
particulièrement intime.
Elle nous sera plus intime encore si, pour le produire, notre caractère est pour ainsi dire entré en composition avec
lui-même, si la résolution s'est
mûrie dans l'effort chaleureux de la volonté.
C'est que la personnalité ne se développe que par l'effort qu'elle fait pour se dépasser ellemême.
Plus un état est actif, plus il nous est intérieur.
Maine de Biran avait déjà fait de l'effort la base de la personnalité ; mais pour lui il
s'agissait seulement de l'effort musculaire, impliquant l'apparition à la conscience de deux termes distincts et inséparables : une cause
agissante, une résistance organique.
Pour cet auteur, le moi se saisit immédiatement dans son action sur le corps, comme dans la lutte
d'une activité et d'une inertie.
Mais cette conception centrifuge du sentiment de l'effort ne semble pas exacte, et, en réalité, comme l'a
montré W.
James, le sentiment de l'effort est une sensation centripète complexe.
L'effort dont nous nous occupons ici, ce n'est pas cet effort moteur, où nous nous sentons causes à l'égard de nos mouvements, faute de
percevoir entre la volonté et eux les intermédiaires possibles, c'est l'effort moral qui ne franchit pas les bornes de l'entendement et à
l'intérieur duquel nous prenons immédiatement conscience de notre activité causale.
Il faut donc reconnaître avec James que notre activité morale est « ce qu'il y a de plus central » en nous.
L'homme est capable de se
représenter à lui-même son action future et d'intervenir pour modifier sa propre personnalité.
L'expérience montre, même chez l'enfant,
l'importance de l'effort ; l'histoire nous fournit des exemples de jeunes gens qui se sont tracé un idéal et ont réussi à le réaliser.
C'est
l'effort moral qui nous permet de choisir entre nos tendances, c'est lui qui met de l'unité et de la continuité dans toute notre vie, et l'on
peut dire que de l'apparition de l'effort volontaire date l'avènement de la conscience humaine au sein de la nature : volonté et effort sont
donc le fondement véritable de la personnalité..
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