Doit-on satisfaire, maîtriser ou renoncer à ses désirs ?
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«
RAPPEL DE COURS: MAITRISER SES DESIRS
Le désir est contrainte vitale.
Nous ne choisissons pas
notre désir, mais c'est lui qui choisit pour nous.
Il s'impose à
nous comme une force naturelle qui nous emporte, comme
une tyrannie intérieure qui apporte désordre et violence.
Le
désir nous rend irresponsables.
C'est pourquoi la morale, faute de pouvoir supprimer tout
désir (ce serait être mort de son vivant), s'efforce de
soumettre les désirs et les passions au contrôle de la
raison, appuyée par la volonté.
Car les désirs sont
nécessaires à la vie, mais ils ne doivent pas gouverner
notre âme, comme Platon nous met en garde dans la
République.
Épicure, dans sa Lettre à Ménécée, distingue les « désirs
naturels et nécessaires» (les besoins, en somme, limités et
aisés à satisfaire), des « désirs vains », insatiables et
illimités, car causés par des artifices sociaux (la gloire, la
richesse, le pouvoir...).
La satisfaction des premiers suffit
au bonheur ; l'éternelle insatisfaction des seconds nous
rend malheureux et esclaves du désir.
La sagesse oblige à
limiter ses désirs, pour ne pas en devenir esclave.
Car le désir devient passion lorsqu'il est sans limites :
l'hubris, ou « démesure » est le danger que présente tout
désir non maîtrisé.
C'est pourquoi Aristote soutient que la
vertu est dans le juste milieu entre deux passions extrêmes
: le courage est un milieu entre lâcheté et audace.
Les
Stoïciens font de la lutte contre les passions l'exercice
moral essentiel : le sage doit garder sa volonté libre en ne
désirant que ce qui dépend de lui ; à savoir sa volonté et
ses représentations.
Désirer ce qui dépend du hasard ou du
destin (le corps, l'argent, tous biens extérieurs) revient à
se faire l'esclave des passions (voir chapitres 22 et 23).
Peut-on alors, comme nous y engage Descartes, changer
« l'ordre de nos désirs » (Discours de la méthode, 3e partie)
? Avons-nous un quelconque pouvoir sur nos désirs, si c'est
le désir qui nous fait ce que nous sommes et qui nous
donne tout notre pouvoir ? Si je suis désir de part en part,
comment pourrais-je choisir ce que je suis ? Il faudrait un
autre pouvoir, indépendant et concurrent du désir, qu'on
appellera raison ou volonté.
Mais vouloir être libre, n'est-ce pas encore un effet du
désir ? La philosophie elle-même, « amour de la sagesse »,
n'est-elle pas un désir de sagesse et de vérité ? Socrate
montrait déjà combien la philosophie est « érotique »
(Platon, Banquet, Phèdre).
Nietzsche (XIXe siècle) démasque la volonté de puissance
cachée derrière l'amour de la vérité.
Nul désir n'est
désintéressé, pas même la calme passion de philosopher.
La
raison et le désir de vérité ne sont que des expressions de
la volonté de puissance.
Tout se ramène donc au désir de
puissance, et même l'humilité chrétienne ou l'impartialité
scientifique sont des ruses de ce désir.
Hume (XVIIIe siècle) affirme que la raison n'est finalement
que « l'esclave des passions » ; car la raison ne désire rien
par elle-même, mais n'est qu'un instrument au service des
passions.
En effet, la vérité ne veut rien, ne désire rien ;
raison et vérité sont sans force propre, et il faut qu'un désir
ou une passion les anime et les porte.
Au fond, comme
Spinoza, on devrait dire ici, non pas qu'on aime la vérité
parce qu'elle est bonne, mais qu'elle est bonne parce qu'on
l'aime (primat du désir : le désir commande les choix de la
raison).
On le voit, les philosophes sont partagés pour
savoir si la raison peut gouverner les désirs, ou si ce sont
les désirs qui commandent la raison..
»
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