Doit-on justifier son existence ?
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PREMIERE CORRECTION
Définition des termes du sujet
La question « doit-on » porte sur un devoir ou une obligation, que cette obligation vienne d'une autorité extérieure
ou bien d'une exigence que l'on formule vis-à-vis de nous-mêmes.
Le « on » est ici le « on » indéfini de l'espèce
humaine prise dans son ensemble – c'est donc l'existence humaine qui est en question ici, ou plutôt sa justification –
son sens et sa raison d'être -, ainsi que le rapport que chaque homme entretient avec le sens de sa propre
existence, comme le montre l'emploi du possessif « son ».
Justifier quelque chose, c'est l'expliquer, en exposer les
raisons d'être, déterminer en quoi il est juste, pertinent, que telle ou telle chose existe.
La question est donc ici double : a-t-on le devoir de justifier notre existence ? – autrement dit, une existence que
l'on ne s'efforcerait pas de justifier peut-elle prétendre à une forme d'excellence ? D'autre part, est-il pertinent de
chercher à justifier son existence ? – comme si l'existence était un objet qui, par son caractère injustifié, absurde,
refusait que l'on accomplisse envers lui un travail de justification.
Le sujet porterait alors sur une la valeur d'une
affirmation de l'impertinence de la justification en ce qui concerne l'existence, et renfermerait implicitement la
question suivante : l'existence est-elle absurde ou justifiable ?
Ces deux questions s'impliquent l'une l'autre : il faudra donc interroger en même temps l'éventuelle absurdité de
l'existence et le devoir ou le non-devoir de justification que l'homme peut entretenir à son égard.
La réponse au
premier problème conditionnera ainsi la réponse au second.
Proposition de plan
I.
Comment justifier l'existence ?
Une première position consisterait à envisager une justification transcendante de l'existence – en en appelant par
exemple à une instance divine.
Dans ce cas, le souci de justification de l'existence constitue un devoir envers Dieu –
le rapport juste au monde et au sens de l'existence passe par un effort de rapport à Dieu, et refuser de faire le
travail de justification de sa propre existence individuelle est le symptôme d'une erreur de jugement quant au rôle
fondateur de Dieu sur le sens du monde et des existences individuelles.
Leibniz
La première question qu'on a droit de faire, sera : pourquoi il y a plutôt quelque chose que rien ? Car le rien est plus
simple et plus facile que quelque chose.
De plus, supposé que des choses doivent exister, il faut qu'on puisse rendre
raison, pourquoi elles doivent exister ainsi, et non autrement.
Cette raison suffisante de l'existence de l'univers ne
se saurait trouver dans la suite des choses contingentes, c'est-à-dire, des corps et de leurs représentations dans
les âmes : parce que la matière étant indifférente en elle-même au mouvement et au repos, et à un mouvement tel
ou autre, on n'y saurait trouver la raison du mouvement, et encore moins d'un tel mouvement.
Et quoique le présent
mouvement, qui est dans la matière, vienne du précédent, et celui-ci encore d'un précédent, on n'en est pas plus
avancé, quand on irait aussi loin que l'on voudrait ; car il reste toujours la même question.
Ainsi il faut que la raison
suffisante, qui n'ait plus besoin d'une autre raison, soit hors de cette suite des choses contingentes, et se trouve
dans une substance, qui en soit la cause, ou qui soit un être nécessaire, portant la raison de son existence avec soi
; autrement on n'aurait pas encore une raison suffisante où l'on pût finir.
Et cette dernière raison des choses est
appelée Dieu.
Cette substance simple primitive doit renfermer éminemment les perfections contenues dans les
substances dérivatives qui en sont les effets.
Ainsi elle aura la puissance, la connaissance et la volonté parfaites,
c'est-à-dire elle aura une toute-puissance, une omniscience, et une bonté souveraines.
Et comme la justice, prise
fort généralement, n'est autre chose que la bonté conforme à la sagesse, il faut bien qu'il y ait aussi une justice
souveraine en Dieu.
La raison qui a fait exister les choses par lui, les fait encore dépendre de lui en existant et en
opérant : et elles reçoivent continuellement de lui ce qui les fait avoir quelque perfection ; mais ce qui leur reste
d'imperfection, vient de la limitation essentielle et originale de la créature.
Il s'ensuit de la perfection de Dieu qu'en
produisant l'univers, il a choisi le meilleur plan possible, où il y ait la plus grande variété, avec le plus grand ordre : le
terrain, le lieu, le temps les mieux aménagés ; le plus d'effet produit par les voies les plus simples ; le plus de
puissance, le plus de connaissance, le plus de bonheur et de bonté dans les créatures que l'univers en pouvait
admettre.
Car tous les Possibles prétendant à l'existence dans l'entendement de Dieu, à proportion de leur
perfection, le résultat de toutes ces prétentions doit être le monde actuel le plus parfait qui soit possible.
Et sans
cela il ne serait pas possible de rendre raison, pourquoi les choses sont allées plutôt ainsi qu'autrement
Transition : cette position ne fonctionne que si l'on en appelle à une instance transcendante : qu'en est-il si l'on
refuse cet appel et si l'on préfère adopter une position ne faisant pas appel à un dieu et ne prenant en compte,
d'une manière immanentiste, que les éléments que le monde propose à notre jugement ?
II.
La question de l'absurdité de l'existence : on ne peut justifier une chose qui n'a pas de sens
Si l'on envisage l'existence comme une chose à laquelle rien ne peut donner un sens, alors l'idée d'un devoir de
justification de l'existence n'est que le symptôme d'une conception illusoire de l'existence et d'une incapacité à faire
face à son absurdité, à son déficit de sens.
Celui qui se demande s'il doit justifier son existence crée alors un faux
problème, ou plutôt déplace le problème du non-sens de l'existence de manière à se rassurer..
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