Dois-je respecter autrui ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
AUTRE / AUTRUI : 1) Comme Adjectif, différent, dissemblable.
2) comme Nom, toute conscience qui n'est pas moi.
3) Autrui: Tout
homme par rapport à moi, alter ego: "Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire ce moi (ego) qui n'est pas moi (alter)." (Sartre).
Les autres
hommes, mon prochain.
C'est à la fois l'autre et le même (mon semblable, un moi autre, une personne).
RESPECT : Sentiment éprouvé face à une valeur jugée éminente ou absolue, et qui conduit à s'interdire tout ce qui pourrait lui porter
atteinte.
Le respect est, selon Kant, le seul mobile subjectif possible de l'action morale désintéressée, c'est-à-dire d'une action déterminée
objectivement par la seule représentation de la loi ( ou impératif catégorique).
Le respect est alors ce que l'on doit à autrui en tant que
personne morale.
Discussion :
La notion de respect revêt une particulière actualité : il semble qu'elle soit une préoccupation contemporaine des sociétés développées en
butte à une dégradation avérée des relations interindividuelles.
Le respect fondé sur les valeurs morales, apparaît comme la condition de
préservation des rapports sociaux, mais qu'en est-il du sens à donner au verbe « falloir » ? Si le respect est un dû, comment est-il
éprouvé par ceux qui le pratiquent, comme une contrainte lourde et ennuyeuse, ou, au contraire, comme un gage de sympathie et de
convivialité ?
Suggestion de plan :
Première partie : Le ciment social
La question posée oblige à considérer ce qu'est une société : un simple agrégat de personnes ou un groupe fondé sur des valeurs
partagées ? Le respect est difficile à définir car il est à la fois ce qui soude un corps social (le différenciant de la lutte primitive du chacun
pour soi) et en même temps ce qui ne peut complètement s'appréhender par la raison.
Les normes en sont floues et évoluent
évidemment avec le contexte culturel et politique.
Par exemple, un homme respectait une femme en ne passant pas devant elle en
franchissant une porte : le féminisme révise ces circonstances et se demande au contraire si une attitude révérencieuse n'est pas l'indice
du contraire de ce qu'elle prétend : plutôt que de respect, il s'agirait de condescendance à l'égard d'un sexe jugé comme inférieur.
Deuxième partie : Autrui comme soi-même
Si les conditions d'expression du respect sont fluctuantes et profondément déterminées par l'appartenance culturelle et sociale, en
revanche le respect minimal concernant la vie humaine, apparaît comme une donnée universelle.
Hegel, Propédeutique philosophique : «
Dans la mesure où chacun est reconnu comme une essence libre, il est une personne.
C'est pourquoi le
principe du droit peut s'énoncer aussi de cette manière : chacun doit être traité par autrui comme une
personne.
»
La recherche d'un tel respect provient de la nature du pacte, ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais
point qu'il te fasse.
Le contrat traduit la réciprocité de l'intérêt.
Je regarde donc autrui comme autrui me
regarde et c'est dans cet effet de miroir que j'éprouve la nécessité de cet amour que j'accorde.
Sénèque, Lettres à Lucilius : « Nul [...] ne peut couler ses jours dans le bonheur qui ne considère que
soi, qui tourne toutes choses à sa propre commodité.
Vis pour autrui, si tu veux vivre pour toi.
»
Troisième partie : Destruction / Construction
En raisonnant par l'absurde, on pourrait examiner un état dans lequel chacun se moquant éperdument
de l'autre, accomplirait les pires injustices, ou se comporterait avec la plus grande désinvolture dans les
situations de la vie commune.
On entend très vite que ce dernier adjectif « commune » se trouverait
aussitôt démenti.
Il n'y a de communauté justement que dans le partage, l'échange, la relation.
Cette
apparente expression de la liberté qui consisterait à faire ce qui nous arrange sans tenir compte de la
gêne occasionnée à l'autre tournerait vite à la vanité.
Au fond, l'absence de respect n'est jouissance
qu'à la condition de se limiter à une provocation.
La réprobation endurée est la condition même d e cette jouissance.
Il n'y a donc de
devoir être respectueux que parce que le contraire correspond à une perte du sens.
Bachelard, La Psychanalyse du feu : "Pour être heureux,
il faut penser au bonheur d'un autre." D'une certaine façon, on peut indiquer que cette vérité ne s'applique pas à la notion de respect
exclusivement, mais qu'elle s'étend à toute contrainte morale, ou à toute contrainte juridique qui fait que le groupe trouve sa cohérence et
définit ses buts.
L'homme est un être social qui n'a pas d'existence en tant qu'individu coupé d'autrui.
Sartre : "J'ai besoin de la médiation d'autrui pour
être ce que je suis."
Conclusion :
Jung, Psychologie de l'inconscient : « Une diminution de l'hypocrisie et un accroissement de la connaissance de soi-même ne peuvent avoir
que de bons résultats sur le plan de la tolérance, car on n'est que trop disposé à reporter sur autrui le tort et la violence que l'on fait à sa
propre nature.» L'idée d'un devoir semble donc à la fois faite pour être transgressée (je mets les pieds sur la banquette sans me soucier
de ce que je la dégrade car ce qui ressort de mon attitude est qu'elle n'a de prix que parce que tout le monde me dévisage et marque
son désaccord) et faite pour être éprouvée avec la légèreté d'une évidence.
L'intériorisation de la contrainte, qui est le résultat du long
travail qu'est l'éducation depuis l'enfance, fait que je pratique le respect sans l'entendre comme un respect mais en éprouvant la certitude
que j'agis spontanément au nom d'un universel considéré comme humain..
»
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