Dissertation : Toute prise de conscience est-elle libératrice ?
Publié le 13/11/2023
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“Toute prise de conscience est-elle libératrice ?”
Note : 16/20
“J’ai pris conscience de cela en vieillissant”, expression usuelle, voire générique que nous
utilisons lorsque nous découvrons quelque chose, qui existait auparavant mais que nous
n’avons pas remarqué, cela peut alors s’expliquer par un manque d’attention, dans ce cas
précis il peut s’agir d’un manque de maturité.
Ainsi, “prendre conscience” c’est se rendre compte de quelque chose, il s’agit généralement
d’un moment fort, où l’on découvre un aspect essentiel de la réalité ou de soi-même.
La
notion de liberté renvoie à un processus par lequel, on se débarrasse de ce qui nous aliène
et par lequel on devient davantage maître de soi-même, de son destin ou bien du monde qui
nous entourent.
Il s'agit de prendre conscience de soi, afin d’être libre et de pouvoir agir en
toute conformité avec soi-même,c’est-à-dire de sa personne.
Cependant, on peut aussi
observer que certaines prises de consciences sont en premier lieu traumatisantes tandis
que d’autres sont désespérantes.
Il n’est donc pas certain que toute prise de conscience soit
par elle-même, libératrice puisqu’elles peuvent nous plonger dans un délire aliénant voire
psychotique.
Aussi il convient de se demander si une prise de conscience peut s’accomplir
sans action? Être conscient qu’on se trouve dans une situation particulière nous empêchant
d’être libre ou totalement maître de soi et de ses pensées, fait-il de nous un être libre ?
Toutefois, cette prise de conscience ne doit-elle pas s’accompagner d’action ? En effet,
prendre conscience de sa condition est déjà un élan de liberté mais qu’en est-il de notre
condition, en tant qu’être humain “prisonnier de cette situation”? Si on n’agit pas, on ne se
démène pas pour agir et changer les choses, tout en étant conscient d’une situation,
sommes-nous libres pour autant ? Puisque nous acceptons consciemment notre situation
sans se révolter face à elle.
L’esclave bien que conscient de sa condition peut-il braver les
interdits “de la société” et se libérer de la domination de son maître ? La prise de conscience
de soi, nous permet-elle réellement dans ce cas précis de nous en libérer? A quoi bon avoir
une connaissance plus précise du réel, si cela ne change pas l’injustice en question ?
Dès lors, si nous admettons que la prise de conscience de soi est libératrice, il faut donc
admettre qu’il n’existe pas de réalité traumatisante qui pourrait déstabiliser notre prise de
conscience sur le réel.
Or, pouvons-nous en être sûr? Puisqu’il existe bien des souvenirs
évènements traumatisants, que notre psychisme se refuse de garder en mémoire au risque
de nuire à notre stabilité personnelle.
Nous verrons ainsi, dans une première partie que prendre conscience de soi permet
d’accéder à la liberté.
Ensuite, nous verrons qu’il existe des prises de consciences
traumatisantes qui remettent en cause, la notion libératrice associée à la prise de
conscience.
Enfin, nous nous interrogerons sur le concept même de la prise de conscience
et de la nécessité qu’elle s’accompagne de l’action, afin de s’inscrire dans le réel.
La connaissance de soi, n’est pas une tâche aisée, la maxime célèbre et faussement
attribuée à Socrate : “Connais-toi toi-même” Le savoir pour Socrate, se pose comme la
conscience de ne rien savoir.
Ainsi, la prise de conscience de Socrate se caractérise par la
négation, d’un savoir qu’il n’aurait de lui-même.
Depuis l’Antiquité le souci de connaissance
de “soi”, tourmente les esprits des Anciens, le “soi” relève d’une sorte d’aporie insolvable,
car il semble imprescriptible.
C’est avec Descartes et la découverte du “cogito” dans le
Discours de la méthode (1637), que nous franchissons une première étape, afin d’accéder à
une prise de conscience du “soi”.
La première connaissance/ vérité selon Descartes est la
conscience, qu’il caractérise comme une chose pensante donc qui existe.
C’est la
conscience qui fait découvrir que l’on existe et, plus spécifiquement, que l’on existe comme
une chose pensante.
Cette certitude doit servir de fondement et de modèle pour toute forme
de connaissance.
Savoir que l’on pense et que l’on existe autrement dit que nous avons
conscience de nous-même, en tant que personne singulière qui ne se confond avec les
autres choses du monde, c’est accéder à une liberté, à un affranchissement de soi, comme
une personne singulière.
Car c’est se positionner en tant que maîtres de ses propres
pensées et des raisons qui nous font agir d’une certaine manière.
En ce sens, la
connaissance de soi permet à l’homme d’être libre, car il a conscience de son existence
ainsi qu’il n’est pas une chose se fondant dans la masse du monde.
Il accède à un contrôle
sur lui-même car il sait qu’il existe et ne contente pas juste “d’exister”.
De plus, on peut observer le processus de changement entre l’enfant qui se décrit comme
un objet et le moment où il prend conscience de lui-même, il le manifeste en employant le
pronom personnel “je” pour décrire une action ou une sensation dont il est l’auteur, marque
sa prise de conscience en tant que personne singulière et unique.
L’enfant devient donc un
être capable de se penser par lui-même, de se constituer sujet et objet de ses propres
pensées, de se rendre donc présent à lui-même.
Ainsi, nous dit Kant “Auparavant il ne
faisait que se sentir; maintenant il se pense.”, Anthropologie du point de vue pragmatique
(1798) .
L’enfant accède ainsi à une liberté partielle puisqu’il est désormais capable de se
représenter par lui-même les causes de ses actions.
Enfin, la conscience de soi peut également être libératrice dans le cas où nous serions
sujets à des fantasmes, des attirances inexpliquées vers des caractéristiques physiques par
exemple, dont nous ignorons les causes.
C’est le cas de Descartes, en effet dans la Lettre à
Chanut qu’il écrit en 1647; dans laquelle il décrit son affection pour les “filles louches”,
atteintes de strabismes.
Il explique ne pas comprendre les raisons, cette affliction
particulière envers les filles touchés par le strabisme.
A la suite de quoi, il fera une
introspection c'est-à-dire une analyse sur lui-même, il comprit alors que cette attirance était
causé par ce qui serait appelé aujourd'hui un "fantasme" .
Il a par la suite cessé de se croire
épris dès qu’il rencontrait une “fille louche”.
Il était donc libéré de cette “addiction”, puisque
une addiction ne relève pas d’un choix libre.
La prise de conscience chez Descartes fut donc
libératrice.
Prendre conscience de soi-même, de nos présupposés, des causes qui nous font agir, c’est
accéder au statut de personne, potentiellement libre, la liberté du jeune enfant reste virtuelle.
Toutefois, une prise de conscience ponctuelle n’est pas toujours immédiate et libératrice.
La prise de conscience peut se révéler brutale chez les sujets sensibles.
En effet, certains
individus ayant vécu des événements traumatisants par le passé, préfèrent désormais vivre
dans l'illusion au risque de ne devoir affronter une réalité insoutenable, qui en pâtirait à leur
stabilité de mener une existence saine.
Il y aurait donc des raisons à croire que les prises
de consciences, peuvent dans certains cas causer plus de tort à la victime que de bien.
Ainsi, il peut être intéressant de se pencher sur le cas de refoulement névrotique observé
chez la patiente Elisabeth dans l'Étude de l’hystérie(1895).
Freud va donc analyser le cas
particulier d’Elisabeth V.R, qui est prise de douleur depuis la mort de son père.
Il remarque
alors, qu’elle est sujette à une névrose hystérique, provoquée par un refoulement
inconscient.
Il en vient donc à l’hypothèse que cette pensée chassée qu’Elisabeth essaye
d'échapper à sa conscience est celle de se marier avec son beau-frère et de désirer la mort
de sa sœur.
Cette pensée bien qu’elle soit expulsée à la conscience ne disparaît pas du
tout.
Elle a été refoulée dans une partie du psychisme auquel nous n’avons pas accès.
Cet
ensemble de représentations érotiques entrent en conflit avec nos conceptions morales.
La
prise de conscience de nos désirs refoulés, peut être difficile à avouer à soi-même et
potentiellement entraîner un refus de notre part d’adhérer à cette réalité, qui ne rentrent pas
en accord avec la morale admise par la société.
Et donc il y aurait cette pensée bien que
vacillante, de refuser cette dure réalité qui déconstruirait notre connaissance de soi, mise en
danger par la prise de conscience.
En outre, la prise de conscience peut être aliénante c’est-à-dire la dépossession de soi, la
perte de maîtrise de soi, au profit d’un autre.
La folie dans certains cas, peut être comprise comme un mécanisme de défense qui permet
au malade de ne pas affronter une situation psychique qu’il suppose ingérable.
Nous
pouvons prendre l’exemple du syndrome de “Peter Pan”, bien qu’il ne soit pas en lien avec
la folie nous sommes face à une pathologie, où les personnes atteintes se refusent de
grandir de peur d’affronter le monde des adultes.
De même que la veuve qui fait le deuil de
son mari, celle-ci ne vit que de souvenirs passés, afin de ne pas être obligée d’affronter la
mort et la solitude.
Nous pouvons ainsi remarquer cette forme de folie nourrie par l’illusion....
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