Dissertation - le certain et le probable
Publié le 12/11/2024
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«
Philosophie moderne : dissertation
Sujet : Le certain et le probable.
« Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est.
Estimons ces deux cas : si vous
gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien.
Gagez donc qu'il est, sans hésiter.
»1
Blaise Pascal, au fragment 397 de ses Pensées, nous invite à croire en Dieu.
Selon lui le coût de la
foi est relativement faible, indépendamment de la question de l’existence divine, mais l’absence de
foi est bien plus dangereuse car cela nous fait courir le risque d’être condamné aux enfers pour
l’éternité dans le cas où Dieu existerait.
Avec son pari Pascal nous suggère de croire et ne cherche
pas à prouver que Dieu existe effectivement ; dans la mesure ou Il nous dépasse, le problème n’est
pas de savoir si Dieu existe mais bien plutôt de savoir ce que cela implique, à l’échelle de la vie
humaine, d’avoir la foi.
Cette croyance, cette foi qu’implique le pari pascalien, a une influence sur
le vécu des personne concernées, un croyant l’est généralement tout au long sa vie et celle-ci sera
vécue différemment de celle d’un athée.
On pourrait s’interroger sur la nature de cette foi.
Si elle est
un socle sur lequel repose la vie d’un individu, peut-être que cette croyance est de l’ordre de la
certitude.
Mais la question ne se pose pas seulement au sujet du divin, les hommes s’interrogent
également sur l’existence de ce qu’ils voient, ce qu’ils entendent, tout ce à quoi leurs sens leur
donnent accès.
Si l’on parle plutôt de foi à propos de la religion, on parle davantage de certitude à
propos des données sensibles.
Mais la foi naît de l’incertitude, de la recherche d’une cause première
du monde observable, alors si nous ne pouvons que parier sur l’existence de Dieu, qu’en est-il de la
nature de ce qui en découle ? La connaissance, qu’elle porte sur une évidence au sein de la
communauté humaine ou bien sur des questions qui ont traversé les époques et qui sont encore bien
vivantes, est tantôt considérée comme une certitude, tantôt comme quelque chose de fragile.
Il
semble indéniable que les hommes ont le désir de savoir, le besoin de connaître, mais la question de
la nature de cette connaissance soulève des enjeux importants dans la pratique même de la vie
1
Pascal, B.
(1999).
Pensées (fragment 397).
Le Guern.
1
humaine.
En effet, ces besoins ne sauront être assouvis de la même manière selon qu’on considère
la connaissance comme certaine ou probable.
La certitude est souvent déduite de preuves, mais dès
lors que la recherche de ces preuves s’essouffle, elle devient un état psychologique, une conviction
inébranlable à propos des choses, qui est alors utile pour qu’une affirmation soit qualifiée de
connaissance.
On constate que le sens que prend la certitude peut très vite s’affaiblir pour être une
conviction.
Naturellement apparaît ici ce que partagent la certitude et la probabilité : elles sont
propres à l’espèce humaine et dès lors ne sont pas ce que l’on peut appeler vérité.
Il en va de même
pour la connaissance, elle est, pourrait-on dire, ce que les humains savent ou affirment savoir de la
vérité, si tant est qu’ils ne se trompent pas.
Là où la certitude peut être vue comme la solution face
au caractère limité des capacités humaines dans la recherche de la vérité, la probabilité assume
l’incertitude comme consubstantielle de la connaissance.
Si le certain semble indispensable pour
construire du savoir, on peut difficilement s’arracher au caractère probable de ce dernier.
C’est cette
question de la nature de ce que nous connaissons qui mènera le développement qui va suivre.
La
connaissance est-elle intrinsèquement liée à la certitude, ou peut-elle exister dans un domaine plus
nuancé de probabilité ?
Nous verrons dans un premier temps en quoi la certitude est un socle nécessaire dans
l’élaboration de la connaissance, nous nous apercevrons qu’elle est une solution à l’angoisse
existentielle, et que sur elle repose la connaissance mais bien plus encore toutes nos pratiques de la
vie quotidienne.
Dans un second temps, nous montrerons que le caractère limité des capacités
humaines peut rendre la probabilité consubstantielle de la connaissance mais que cela n’empêche
pas celle-ci de grandir.
Enfin, nous tenterons de redéfinir la notion de certitude de plusieurs façons,
ce qui devrait permettre de changer notre regard sur la pratique scientifique, notamment en mêlant
l’assomption de notre situation épistémique avec un socle néanmoins solide dans la construction des
connaissances.
Les êtres humains ont ce besoin de connaître ce qui les entoure, et de fait la connaissance a
augmenté avec l’Histoire : le progrès technique nous a permis d’accéder à l’espace au-delà de la
Terre, à l’échelle microscopique nous sommes parvenus à observer des particules élémentaires
comme le boson de Higgs par exemple.
Cette agrandissement du champ du visible relève d’un
progrès, cela semble difficile à contester.
Les savoirs qui paraissent les plus simples aujourd’hui ne
l’étaient pas il y a plusieurs siècles et remettre en question le caractère certain de ces connaissances
pourrait avoir des conséquences malheureuses dynamitant le progrès dont nous parlons.
Questionner le bien-fondé de certains savoirs scientifiques ancestraux peut vite nous amener à
2
mettre en doute notre existence même : si nous doutons des connaissances à propos d’un objet
physique c’est parce que nous cherchons des causes de plus en plus lointaines, et cela nous amène
logiquement à nous interroger sur l’origine de la vie.
Ici réside un sentiment inhérent à la nature
humaine : l’angoisse existentielle, réfléchir aux causes de notre présence provoque une sensation
vertigineuse et pourtant partagée par beaucoup.
La question de l’origine de l’univers et de la vie est
un sujet de questionnements infinis, les incertitudes autour de la création peuvent engendrer des
sentiments d’angoisse, car il est difficile de trouver des réponses définitives à ces questions.
Mais
celles-ci surgissent, inévitablement, au moins quelques fois au cours de notre vie.
On peut
également s’interroger sur notre propre condition d’être fini, vulnérable et en quête de sens, la prise
de conscience de notre fragilité peut engendrer une sensation de non-sens à propos de notre
existence.
Le fait que chacun doive créer le sens de sa propre vie peut inquiéter, il ne semble pas y
avoir de sens universel prédéfini à la vie.
Nous observons là une étrange capacité chez l’être humain
à s’interroger sur ce qui le dépasse absolument.
Ces interrogations font partie de sa vie et celle-ci
peut être une épreuve si elle n’est qu’angoisse.
Au-delà donc du besoin de certitude comme socle
pour la connaissance en tant qu’augmentation du savoir – nous l’évoquerons plus loin –, la certitude
peut être indispensable pour supporter l’existence.
Il ne s’agit pas ici d’une preuve mais d’une
conviction infiniment solide à propos de l’origine de l’existence, car comme nous l’avons vu, les
doutes à propos de ce qui nous dépasse peuvent rendre la vie insupportable.
Et qu’il s’agisse d’une
preuve logique ou d’une conviction au sujet de laquelle on ne doute jamais, on peut parler de
certitude.
C’est le second genre de certitude que représente la foi, Blaise Pascal montre son
importance dans ses Pensées.
Il met en avant la condition humaine marquée par le désespoir et
l’angoisse, il souligne que l’homme est conscient de sa finitude, de sa mortalité, cette prise de
conscience entraîne une profonde inquiétude et un sentiment d’impuissance que la certitude
religieuse peut venir apaiser, et ce malgré l’absence de preuves : « Le cœur a ses raisons que la
raison ne connaît point.
»2 Pascal souligne que la foi ne repose pas uniquement sur des preuves
rationnelles, mais sur quelque chose de bien plus subjectif, ce qui ne l’empêche pas de faire office
de certitude pour résister à l’angoisse existentielle.
La raison ayant ses limites, certaines vérités ne
peuvent être appréhendées que par le cœur.
Cette distinction montre que la recherche de certitude
peut transcender la logique, faisant de la foi un moyen de donner une cause à l’existence, sans pour
autant que cette cause soit elle-même prouvée.
Nous comprenons ainsi, avec ce besoin d’avoir des
certitudes ressenti par les hommes, qu’elles peuvent naître parce qu’on le veut et non parce qu’elles
sont la vérité.
La question de la vérité comme déduction étant écartée, l’homme peut tout de même
faire reposer de la connaissance sur sa certitude à l’égard du divin.
En effet, en mettant une limite à
2
Pascal, B.
(1999).
Pensées (fragment 423).
Le Guern.
3
la régression dans la chaîne causale du monde grâce à la foi, il devient possible de construire de la
connaissance sans s’interroger sur une origine fondamentale qui serait à prouver.
Nous l’avons vu, la certitude peut naître d’un « rien », du moins d’un sentiment, de quelque
chose de subjectif qui ne saurait faire l’objet d’une démonstration universellement comprise.
Elle
est ainsi une solution recherchée dans une vie trop mystérieuse qui serait subie.
Mais la certitude
peut également être un résultat logique ; dans la mesure où les hommes ont besoin....
»
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