Discuter ce jugement de G. Lanson : « Le reproche qu'on pourrait faire à Corneille, ce serait plutôt, tout au contraire de ce qu'on a dit, d'avoir trop exclusivement tiré l'action des caractères : à tel point que sa tragédie a parfois quelque chose de fa
Extrait du document
Sujet difficile en ce sens qu'il faut comprendre : « Tout au contraire de ce qu'on a dit ». Lanson fait allusion à cette idée, en effet courante, que la volonté du héros cornélien est telle qu'elle surmonte l'obstacle dès qu'il se présente; d'où la nécessité d'imaginer un second, un troisième obstacle et de compliquer l'action; complication nécessaire pour agir sur les caractères et non pas conséquence de ces caractères. Selon Lanson, au contraire, si compliqués que soient les événements, Corneille n'invente jamais que ceux dont la volonté peut triompher. C'est là « la convention préalable ». Dans les drames de la vie, il peut, il doit y avoir souvent, en effet, des hasards, des circonstances matérielles, contre lesquels la volonté ni l'intelligence ne peuvent rien. Or, ces hasards, irréparables, ne se produisent jamais chez Corneille. Le sujet étant ainsi compris, nous avons à expliquer et discuter le rapport de l'action romanesque et du caractère des personnages chez Corneille.
«
Discuter ce jugement de G.
Lanson : « Le reproche qu'on pourrait faire à Corneille, ce serait plutôt, tout au
contraire de ce qu'on a dit, d'avoir trop exclusivement tiré l'action des caractères : à tel point que sa tragédie a
parfois quelque chose de factice, l'air d'un jeu concerté, d'une partie liée et soumise à des conventions préalables.
Les personnages ne comptent pas assez avec le hasard et les circonstances...
Rien n'intervient qui dérange leur
action; et le miracle, précisément, c'est que rien n'intervienne.
»
Sujet difficile en ce sens qu'il faut comprendre : « Tout au contraire de ce qu'on a dit ».
Lanson fait allusion à cette
idée, en effet courante, que la volonté du héros cornélien est telle qu'elle surmonte l'obstacle dès qu'il se présente;
d'où la nécessité d'imaginer un second, un troisième obstacle et de compliquer l'action; complication nécessaire pour
agir sur les caractères et non pas conséquence de ces caractères.
Selon Lanson, au contraire, si compliqués que
soient les événements, Corneille n'invente jamais que ceux dont la volonté peut triompher.
C'est là « la convention
préalable ».
Dans les drames de la vie, il peut, il doit y avoir souvent, en effet, des hasards, des circonstances
matérielles, contre lesquels la volonté ni l'intelligence ne peuvent rien.
Or, ces hasards, irréparables, ne se
produisent jamais chez Corneille.
Le sujet étant ainsi compris, nous avons à expliquer et discuter le rapport de
l'action romanesque et du caractère des personnages chez Corneille.
Nous sommes ainsi amenés à une analyse du héros cornélien.
Ce héros est évidemment, ainsi qu'Auguste, « maître
de lui comme de l'univers ».
Mais il est aussi, le plus souvent, maître des événements.
Il nous semble que Rodrigue
sera nécessairement vainqueur du comte, vainqueur des Maures, vainqueur de don Sanche.
Horace doit
nécessairement faire triompher Rome.
Auguste ne peut pas tomber victime d'une conspiration, si bien ourdie qu'elle
soit.
Nicomède lutte contre son père, sa belle-mère, Attale, Rome, dans les conditions les plus défavorables ; il est
cependant sûr de l'emporter et nous en sommes sûrs avec lui; si Attila n'atteint pas les buts que son énergie
indomptable veut atteindre, c'est seulement parce qu'il meurt subitement au dénouement, etc.
(Ce caractère est
d'ailleurs plus marqué dans les pièces qui sont médiocres ou ne sont pas les chefs-d'œuvre).
L'action est donc
combinée pour nous donner l'impression de cette toute-puissance de la volonté.
Jamais un de ces hasards fortuits
et redoutables qui si souvent mettent la volonté en présence d'une sorte de fatalité.
Les romantiques feront, au
contraire, grand usage de ces sortes de fatalités.
Hernani, Ruy Blas sont poursuivis par des puissances mystérieuses
et hostiles, contre lesquelles leur intelligence et leur héroïsme doivent nécessairement se briser.
Vous pouvez expliquer cette conception cornélienne de la vie en reprenant ce que nous avons dit pour le sujet
précédent; on la retrouve plus ou moins chez tous les contemporains de Corneille.
Vous pouvez aussi la discuter, la
juger.
Et ce jugement comportera, pour ainsi dire, deux moments : 1° l'affirmation de Lanson est-elle absolument
vraie? 2° dans la mesure où elle l'est, devons-nous y voir une critique, plus ou moins grave, du génie cornélien? Elle
est certainement vraie, dans la plupart des cas ; et c'est pour cela que nous n'avons pus cherché à lui opposer une
contrepartie.
Mais il est vrai également que dans les chefs d'oeuvre et même dans les bonnes pièces de Corneille, le
spectateur n'y songe pas.
Il admire lu volonté, comprend sa puissance et ne se préoccupe pas des hasards contre
lesquels elle ne pourrait rien.
Faut-il préférer à de pareils sujets ceux qu'évoque Jules Lemaître dans la dissertation
qui va suivie, ceux où la vie est le jouet des hasards, hasards des sentiments et hasards des événements? C'est
une question de goût personnel..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- STRAUSS: «...il y a dans l'homme quelque chose qui n'est point totalement asservi à sa société et par conséquent [...] nous sommes capables, et par là obligés, de rechercher un étalon qui nous permette de juger de l'idéal de notre société comm
- ARISTOTE: «Comme la politique utilise les autres sciences pratiques, qu'elle légifère sur ce qu'il faut faire et éviter, la fin qu'elle poursuit peut embrasser la fin des autres sciences, au point d'être le bien suprême de l'homme.»
- « Et la plupart des hommes, encore qu'ils aient assez d'usage du raisonnement pour faire quelques pas dans ce domaine (pour ce qui est, par exemple, de manier les nombres jusqu'à un certain point), n'en font guère d'usage dans la vie courante [...]. » Ho
- Corneille a écrit de la tragédie : « Sa dignité demande quelque grand intérêt d'Etat ou quelque passion plus noble et plus mâle que l'amour, telles que sont l'ambition ou la vengeance, et veut donner à craindre des malheurs plus grands que la perte d'une
- Expliquer et discuter ce jugement de Barbey d'Aurevilly sur La Fontaine : « Il y a eu des conteurs et des poètes avant et depuis La Fontaine. Mais il n'y en a jamais eu ayant joint, dans une fusion de cette harmonie, à la poésie la plus divine une bonhom