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Diriez-vous avec Épicure que: le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse ?

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La première et principale leçon d’Epicure est donc celle-ci : ne pas céder aux désirs vains ; se contenter des désirs naturels. Vivre en accord avec la nature consiste d’abord à ne pas céder au vertiges des désirs illusoires. Epicure les nomme vains, notre époque parlerait d’une course à la consommation.
Il y a plus. Certes tout plaisir est un bien en soi. Mais certains plaisirs peuvent se révéler nuisibles. Certes toute souffrance est un mal, mais endurer certaines douleurs peut se révéler utile. Il ne faut pas rechercher tout plaisir, ni fuir toute douleur : il faut savoir raisonner, calculer les conséquences. Il ne faut pas céder à l’attrait de l’immédiat, mais avoir une certaine intelligence du plaisir. On voit que nous sommes loin de l’image du « bon vivant », de celui qui jouit de façon primaire de tous les plaisirs qui s’offrent à lui.


« Selon Épicure, nous ne désirons pas une chose parce qu'elle est bonne, mais, au contraire, nous jugeons qu'une chose est bonne parce que nous la désirons ; ainsi, si nous sommes attentifs, la nature nous renseigne sur ce qui est bon ou mauvais par le plaisir qui suit la satisfaction d'un désir ou au contraire par la douleur et la souffrance qui peut en résulter ou qui peut résulter de la non-satisfaction de certains désirs effrénés.

D'ailleurs, l'observation de la nature et des vivants indique que la fin de la nature est le plaisir ; les hommes, comme tout être vivant, recherchent naturellement le plaisir, mais les hommes ont perverti cette recherche naturelle du plaisir par la recherche de plaisirs qu'Épicure appelle des plaisirs vains, que nous pourrions appeler des plaisirs artificiels car ils sont provoqués principalement par la vie sociale. Dès lors, il devient possible d'indiquer en quoi consiste le rôle de la conscience et de la réflexion : puisque tous les désirs et par suite tous les plaisirs ne se valent pas, sans cesse il faut un examen de la pensée pour choisir le meilleur ; seul un calcul de la raison permet de choisir entre la satisfaction d'un plaisir immédiat qui risque de nous conduire à des souffrances ultérieures et une souffrance temporaire qui peut nous conduire à un plaisir plus intense ou plus noble Heureusement la nature nous fournit le critère pour établir ces choix : les plaisirs qui résultent de la simple satisfaction des besoins nécessaires à la vie sont toujours entièrement satisfaisants alors que ceux qui résultent de la satisfaction de désirs qui dépassent les simples besoins occasionnent toujours de la souffrance.

On voit donc par là que l'épicurisme n'aboutit absolument pas à une débauche des sens ni à la recherche effrénée du plaisir - contrairement à la réputation qui lui est souvent faite.

Le but de la vie morale est bien le bonheur entendu comme plaisir ou absence de souffrance ; en ce sens on peut parler de l'hédonisme d'Épicure puisqu'il s'agit d'une doctrine qui fait du plaisir le but de la vie ; mais cette recherche du plaisir ne doit pas être aveugle, elle doit être éclairée par la réflexion, par la conscience morale qui sait mesurer, tempérer la satisfaction des désirs grâce aux critères fournis par la nature elle-même qui nous guide pour ne satisfaire que les besoins strictement nécessaires à la vie. Évaluation critique de cette conception de la conscience morale : l'épicurisme a évidemment l'avantage de simplifier la compréhension de l'exigence morale en l'appuyant sur ce qu'il y a de plus naturel en nous : la recherche du plaisir ; pourtant il paraît difficile de soutenir qu'elle rende plus facile d'accès l'accomplissement de l'idéal moral : en effet notre appréciation de la différence entre les plaisirs qui correspondent à des besoins naturels et ceux qui résultent de la satisfaction de désirs "artificiels" paraît extrêmement difficile à établir ; nous verrons par la suite que cette distinction est peut-être même impossible à établir pour l'être humain.

Mais ce qui est remarquable, c'est que toute morale qui s'appuie sur la notion de plaisir, semble oublier le rôle positif que joue l'acceptation de la souffrance dans le renforcement de la conscience morale : le stoïcisme insiste au contraire sur cette dimension de la conscience morale. Une des constances de la philosophie d'Epicure est de vanter le plaisir.

On retrouve la formule « Le plaisir est notre bien principal et inné » dans la « Lettre à Ménécée ».

Mais l'épicurisme ne correspond guère à l'image populaire que l'on en garde : celle du « bon vivant ».

Dans cette lettre, on lit : « Tout plaisir est de par sa nature propre un bien, mais tout plaisir ne doit pas être recherché ».

C'est à une compréhension véritable du plaisir, et à une gestion rationnelle des désirs que la philosophie d'Epicure nous invite, philosophie des « sombres temps », de l'époque troublée, violente, des successeurs d'Alexandre le Grand. La « Lettre à Ménécée » est une description de la méthode apte à nous procurer le bonheur.

Car si tous les hommes cherchent le bonheur, ils sont, selon le mot d'Aristote, comme des archers qui ne savent pas où est la cible, incapables de la définir et de l'atteindre. Epicure commence par expliquer que nous n'avons rien à redouter des dieux, vivants bienheureux qui ne se soucient pas des hommes, et que la mort n'est rien pour nous.

Débarrassés du souci du jugement divin et de la survie de l'âme, nous sommes alors aptes à bien vivre notre vie présente.

Bien vivre notre existence veut dire parvenir au bonheur ici-bas, et cela n'est possible que par un bon usage des plaisirs et des désirs. L'homme est un être de désir, et selon qu'il parvient ou échoue à satisfaire ses désirs, il est heureux ou misérable. Or, le bonheur est d'abord l'absence de souffrance physique ou psychologique.

C'est pourquoi Epicure déclare : « Une théorie non erronée des désirs sait rapporter tout choix à la santé du corps et à la tranquillité de l'âme puisque c'est là la perfection même de la vie heureuse.

Car tous nos actes visent à écarter la souffrance et la peur.

» Eprouver du plaisir, c'est d'abord combler un manque : boire quand on a soif, se rassurer quand on a peur.

En soi, un plaisir est toujours bon, une souffrance, un désir non comblé, toujours mauvais.. »

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