Dieu est-il mort ?
Extrait du document
«
Comment Dieu pourrait-il être mort puisque c'est un être divin ? La phrase de Nietzsche est provocante.
" Dieu
est mort ", cela semble absurde.
Et cela n'implique-t-il pas que Dieu n'est pas, n'a jamais été, sinon une illusion
rassurante ? C'est à partir du moment où la croyance en Dieu décline dans les sociétés européennes que Nietzsche
prononce son aphorisme.
Si Dieu se définit par sa fonction sociale, psychologique, à partir du moment où il est
remplacé dans cette fonction par une autre illusion, il devient inutile, donc n'est plus.
Le sujet demande de rendre
compte du caractère paradoxal de la phrase de Nietzsche, de voir exactement ce qu'elle signifie et ce qu'elle
implique pour le destin de la civilisation et son rapport à Dieu, mais d'un point de vue général, sans aller chercher les
détails de la déchristianisation historique.
L'expression de Nietzsche permet une série de questions : si Dieu est
mort, qui l'a tué ? De quoi est-il mort ? Comment est-il né ? Qu'est-ce qui l'a remplacé ? N'est-ce pas une autre
forme de Dieu, ou une idole de plus ? Ou est-ce vraiment le crépuscule des idoles, la fin de toutes les valeurs
prétendument transcendantes ? Le Profil sur Nietzsche de G.
Décote ou l'introduction au Crépuscule des idoles (coll.
Hatier) seront un bon point de départ
Où est allé Dieu ? Je vais vous le dire ! Nous l'avons tué - vous et moi !
Nous sommes tous ses assassins !
« Ce tout ce qui est écrit, je n'aime que ce que l'on écrit avec son sang.
»
Cette phrase de Nietzsche suffit à caractériser son oeuvre.
Car, même si
Nietzsche a beaucoup lu, le véritable laboratoire de sa pensée est son propre
vécu.
D'où une pensée angoissée, lucide, qui oscille entre le pessimisme et la
gaieté.
Une pensée éclatée, contradictoire.
Un immense pied de nez à la
morale hypocrite, à l'érudition bête, à l'Etat oppresseur.
Une entreprise de
Nietzsche est totalement originale dans l'histoire de la philosophie
occidentale.
Que se propose-t-il, en effet, sinon, dans une philosophie « à
coups de marteau », de « briser les vieilles tables », de « surmonter la
métaphysique », de « surmonter les philosophes par l'annihilation du
monde de l'être » ? Pourquoi ? Parce que ce monde fictif a nié la vie terrestre,
en faisant croire qu'elle n'était rien.
Les philosophes « essentialistes » et les prêtres ont dévalorisé la vie, le
corps, les instincts.
Ils ont accolé à leur oeuvre de nihilisation de l'idée de
Dieu, de Vérité, de Bien.
Ces valeurs, assumant un rôle répressif, exténuent
en l'homme « le vouloir-vivre ».
C'est ce pessimisme qui a engendré le «
dernier homme », las, épuisé, qui voudrait mourir, se fondre dans « le grand
néant ».
C'est pourquoi Nietzsche se sépare de Schopenhauer, philosophe qui
affirme que le fond de toute vie est souffrance, qui prône la sanctification par la douleur, qui affirme la béatitude de
la mort.
A ce nihilisme passif, Nietzsche oppose un nihilisme actif afin de détruire tout ce qui s'oppose à la vie.
Dans « Ainsi parlait Zarathoustra », qui est son oeuvre la plus célèbre, publiée au cours des années 1883-1885, on
voit Zarathoustra redescendre de la montagne où il est resté dix ans, se nourrissant de sagesse et de solitude.
Dix
ans au cours desquels il a laissé le feu couver sous la cendre.
Et voici qu'il veut maintenant embraser le monde des
hommes, proclamer la nouvelle qui le réjouit.
Cette nouvelle ce n'est pas moins que « la mort de Dieu ».
Nouvelle
déjà proclamée, pour la première fois, par un insensé, au livre troisième du « Gai savoir » (1882) :
« N'avez-vous pas entendu parler de cet homme insensé qui, ayant allumé une lanterne en plein midi, courait sur la
place du marché, criant sans cesse : Je cherche Dieu Je cherche Dieu! - Et comme là-bas se trouvaient
précisément assemblés beaucoup de ceux qui ne croyaient pas en Dieu, il provoqua une grande hilarité.
L'a-t-on
perdu ? dit l'un.
S'est-il égaré comme un enfant ? dit un autre.
Ou bien se cache-t-il quelque part ? A-t-il peur de
nous ? S'est-il embarqué ? A-t-il émigré ? L'insensé se précipita au milieu d'eux et les perça de ses regards.
Où est
allé Dieu ? cria-t-il, je vais vous le dire! Nous l'avons tué - vous et moi! Nous sommes tous ses assassins ! »
Nietzsche est convaincu que l'humanité est arrivée au seuil d'une nouvelle période que l'on pourrait qualifier de
nihiliste et qui se caractérise par l'apparition d'immoralistes, de libres penseurs qui vivent en marge de la religion,
mais aussi et surtout par une irréligiosité pratique chez une majorité d'hommes - irréligiosité induites par la vie
moderne et l'habitude du travail qui a détruit de génération en génération « l'instinct religieux ».
Au siècle du « positivisme » scientifique, de l'industrialisation et des révolutions politiques, la croyance au Dieu
chrétien est tombée en discrédit.
« Dieu est mort », c'est d'abord un fait, une évidence.
Tant que valait le
christianisme, l'homme savait pourquoi il était là, il pouvait donner un sens à sa souffrance, combler le vide, « la
porte se fermait à un nihilisme suicidaire ».
Certes, tout cela s'accompagnait d'un renoncement à la vie, mais ce
«nihilisme passif » restait une volonté, car « l'homme préfère le néant à ne rien vouloir ».
Dieu mort, la fameuse
question de Schopenhauer: « L'existence a-t-elle un sens ? », prend toute sa force.
Et il insensé, dans « Le Gai
savoir », de s'écrier: «Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon tout
entier ? Qu'avons-nous fait, à désenchaîner cette terre de son soleil ? »
La mort de Dieu, c'est la disparition de la « mer » et du « soleil », de l'horizon tout entier.
Et en ce siècle de « vide »
ou de « néant infini », toute l'ingéniosité des hommes consiste à découvrir l'ivresse dans la musique, l'enthousiasme
aveugle pour des hommes singuliers ou des événements ; ou bien, plus modestement, dans le travail sans relâche, le
sacrifice de soi à la science ou à un parti politique.
En fait, au lieu de croire en Dieu, on ne croit provisoirement en
rien.
Alors, pourquoi Nietzsche présente-t-il la mort de Dieu comme un événement joyeux, comme un événement
énorme, sans précédent dans l'histoire des hommes.
C'est un événement joyeux, parce que c'est la fin de la.
»
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