Dieu est-il, comme le dit Spinoza, un asile de l'ignorance ?
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«
VOCABULAIRE:
RELIGION
Étymologie discutée.
Cicéron fait dériver le mot du latin relegere qui s'oppose à neglegere comme le soin et le
respect s'opposent à la négligence et à l'indifférence.
D'autres font dériver le mot de religare: La religion est avant
tout le lien qui rattache l'homme à la divinité : «La religion consiste dans un sentiment absolu de notre
dépendance.» (Schleiermacher).
La religion c'est le sentiment que l'homme ne s'est pas donné lui-même l'existence,
qu'il dépend d'un Être qui le dépasse infiniment.
Sociologiquement, les religions sont les divers cultes organisés (avec
leurs dogmes et leurs rites) pour rendre hommage à Dieu.
Dieu
Les attributs de Dieu, comme entité transcendante créatrice du monde, sont traditionnellement : sur le plan
métaphysique, l'éternité, l'immutabilité, l'omnipotence et l'omniscience ; et sur le plan moral, l'amour, la souveraine
bonté et la suprême justice.
(Note : 16)
APPROCHE: En premier lieu, il est nécessaire de se reporter à l'appendice du livre 1 de l'Ethique de Spinoza, texte
dans lequel vous trouverez la citation dans son contexte.
En effet, afin de pouvoir traiter le sujet qui vous est
demandé, vous devez commencer par expliquer le sens de la formule de Spinoza.
Le terme d'asile est à comprendre
comme le lieu dans lequel on se réfugie, comme lorsqu'on parle d'une demande d'asile.
Dire ainsi que Dieu est « asile
de l'ignorance, c'est dire que la croyance en l'existence de Dieu a pour cause notre ignorance.
Les hommes se
croyant libres, considèrent que tout dans la nature a été créé pour leur usage par un individu à leur image qu'ils
nomment Dieu.
On a ainsi affaire à un préjugé séduisant auquel peu de gens échappent.
Il s'agit de remarquer que la
connaissance des causes échappe aux hommes qui ne connaissent que des effets et l'utilité leur apparaît comme
l'attribut essentiel de tout élément.
En outre ils passent leur temps à se prononcer sur les causes des choses.
Ils
ignorent ainsi ce qui les détermine à vouloir et cette ignorance de la cause conduit à la poser comme inexistante et
ils agissent donc toujours en vue d'une fin et c'est à partir de leur propre modèle d'action qu'ils interrogent toute
chose en se posant la question: « en vue de quoi? ».
On a ainsi deux schémas de causalité, la causalité libre et la
causalité finale et c'est à partir de là que les hommes vont entreprendre d'interroger la nature et les choses
naturelles vont leur apparaître comme des moyens.
Or une telle idée les conduit alors à penser un auteur de la
nature l'ayant ainsi agencée selon une intention.
Ils vont donc penser un Dieu à l'image de l'homme c'est ce qu'on
nomme l'anthropomorphisme (consiste à donner à Dieu ou aux dieux des attributs humains).
Un tel préjugé va se
tourner en superstition dans laquelle l'homme implorera et rendra un culte ceci par peur et par ignorance.
C'est de
cette manière présentée rapidement que Spinoza s'attache à rendre compte de notre croyance en Dieu.
Cette
croyance est ainsi considérée comme une simple superstition dont la cause est notre ignorance.
S'agit-il dès lors de
penser que la religion peut être assimilée à cette ignorance ? Il serait bon ici de se demander si on peut, de manière
aussi radicale, identifier la religion et la superstition.
En d'autres termes, cette critique de la superstition est-elle
nécessairement une critique de la religion ? Vous pouvez ici penser aux analyses d'Alain indiquées plus bas qui
s'attachent à distinguer la foi de la croyance.
Vous pouvez également vous reporter aux analyses de Kant dans la
Critique de la raison pure lorsqu'il distingue la foi du savoir.
Sur ce point, lisez attentivement l'explication des
citations de Kant dans notre fiche n°10 sur la connaissance sous la rubrique « Les fiches sur les notions ».
Vous
pouvez vous demander si la croyance en Dieu implique nécessairement un anthropomorphisme et un
anthropocentrisme par exemple, pour reprendre les termes de Spinoza.
La religion ne peut-elle pas avoir aussi une
fonction sociale ? Vous pouvez ici revenir sur le sens premier du terme religion qui signifie « lier ».
Pensez, par
exemple, à l'analyse que fait Rousseau à la fin du Contrat social lorsqu'il aborde la question de la religion civile.
Il
montre ainsi que pour donner une unité au contrat que les individus ont passé entre eux, il est nécessaire de penser
un lien qui relève d'un acte de foi.
Tel est le rôle de la religion civile.
Longtemps tenue pour la servante de la théologie, la philosophie est devenue à partir des temps modernes le
principal vecteur d'un mouvement d'émancipation et de désengagement à l'égard de la religion, et le principal artisan
d'une laïcisation des représentations du monde et de l'homme.
Le philosophe, en effet, ne veut prendre pour guide
que la seule raison.
Or, le spectacle de certaines religions passées ou contemporaines, ainsi que l'observait Bergson
dans Les deux sources de la morale et de la religion, est « humiliant pour l'intelligence ».
Les religions apparaissent
bien souvent comme des tissus d'erreurs et d'absurdités auxquelles se « cramponne » avec ténacité l'humanité.
Comment ne pas évoquer par exemple l'Inquisition, cette procédure ecclésiastique instaurée contre les hérétiques,
au nom de la vérité, et qui devait conduire, en 1600, à l'exécution d'un Giordano Bruno parce qu'il soutenait l'infinité
de l'espace, ou à la condamnation d'un Galilée parce qu'il proclamait l'héliocentrisme ! Le' progrès de la connaissance
scientifique peut, dans ces conditions, être comparé à une longue marche ou à une longue lutte de la Raison et des
Lumières contre l'obscurantisme religieux et les ténèbres de la superstition.
Cette vue fut partagée par Spinoza.
Accusé, à son corps défendant, d'être athée, il expliqua dans son Traité
théologicopolitique comment les hommes qualifient de divin ce qui dépasse leur compréhension et dont ils ignorent la
cause.
La religion est ainsi le fruit des prétentions de « l'humaine déraison » qui, parce qu'elle ignore les causes
naturelles des choses, oppose la Nature à Dieu, et fait de ce dernier un principe d'explication universel.
C'est
pourquoi Dieu peut être dit « l'asile de l'ignorance ».
Mais cette idée est-elle suffisante pour rendre compte du rôle
de la religion ?
La critique spinoziste de la religion, qui est au fond la critique banale de l'athéisme depuis Lucrèce jusqu'aux.
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