Diderot, Le paradoxe sur le comédien
Extrait du document
«
Indications générales
Diderot (1713-1784) est un des plus célèbres représentants des Lumières en
France.
Il est connu notamment pour avoir dirigé avec d'Alembert l'édition de
l'Encyclopédie, qui fait la somme de tous les savoirs et savoir-faire de son
temps, symbole de la diffusion de la connaissance rationnelle («les
Lumières») à un public élargi.
Son oeuvre personnelle est multiforme,
souvent au carrefour de la philosophie et de la littérature.
Elle pose
notamment la question de la représentation artistique, en peinture, mais
aussi sur la scène.
Citation
«Réfléchissez un moment sur ce qu'on appelle au théâtre être vrai.
Est-ce
montrer les choses comme elles sont en nature ? Aucunement.
Le vrai en ce
sens ne serait que le commun.
Qu'est-ce donc que le vrai de la scène ?
C'est la conformité des actions, des discours, de la figure, de la voix, du
mouvement, du geste, avec un modèle idéal imaginé par le poète, et
souvent exagéré par le comédien».
(Le Paradoxe sur le comédien, 1773.)
Explication
La vérité de l'art n'est pas la vérité naturelle.
Ce n'est pas l'adéquation à ce qui est, mais l'adéquation à un idéal.
Le paradoxe sur le comédien consiste en cela que c'est l'artifice le plus grand qui produira le plus grand effet de
réalité.
Le comédien, d'après Diderot, ne doit pas «vivre» son personnage: il doit l'incarner face aux autres, et
cela suppose une grande maîtrise de lui-même.
Exemple d'utilisation
Le texte de Diderot est intéressant à évoquer dans une discussion sur la mimesis: l'art imite-t-il ou non la nature?
Cette imitation est-elle ce qui fait la force de l'art (Aristote*), ou ce qui en fait la faiblesse (Platon*)? Ce que
Diderot souligne, c'est que, pour que l'imitation soit efficace, il faut qu'elle soit un véritable processus d'imitation,
mettant ce qu'elle imite à distance, et non pas la réalité même.
L'acteur fait voir la réalité en la re-présentant.
«Une femme malheureuse et vraiment malheureuse pleure et ne vous touche point».
SUJETS TYPES: L'activité de l'artiste relève-t-elle du travail ou du jeu ? En quoi consiste la vérité de l'oeuvre
d'art?
Contresens à ne pas commettre
Pour Diderot, le plaisir esthétique ne s'adresse pas seulement aux sens.
Il s'adresse également, de manière
subtile, à la raison, qui calcule les formes les plus utiles: en architecture notamment, et aussi en peinture, il y a
certaines proportions mathématiques (le «nombre d'or») qui produisent le plus grand effet d'harmonie, tout en
étant ce qui produit l'édifice le plus solide.
C'est pourquoi l'acteur, lui aussi, doit calculer son effet - même si ce
calcul est si fin qu'il finit par ressembler à un instinct (l'acteur n'est pas un robot).
Ainsi, il s'agit bien, pour
Diderot, d'imiter le réel, mais le réel n'est pas le naturel ou le spontané, ce qui se montre à nous de la manière la
plus immédiate, c'est un idéal épuré - de même que le triangle conçu dans l'esprit du géomètre est plus réellement
triangle que n'importe quelle équerre en bois..
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