Désobéir peut-il etre un devoir ?
Extrait du document
«
Problématique:
Toute la difficulté de cette question vient du fait que les lois positives, cad les règles en vigueur dans un Etat, constituent précisément le critère grâce auquel les juges, les gouvernants et même les gouvernés y distinguent ce qui est juste de ce qui
ne l'est pas.
Pour considérer une loi comme inique et pour estimer juste le fait de lui désobéir, il faut adopter des critères de jugement distincts de ceux qui sont proposés par l'ordre juridique en place.
On dissocie alors fortement la légalité et la légitimité,
comme le fait Rousseau dans le "Contrat social".
Toutefois, comment sera choisi le critère grâce auquel on décidera que telle loi ou tel régime sont justes ou illégitimes ? Est-il fourni par la conscience morale ? Mais ses prescriptions varient d'une personne à l'autre.
L'enjeu du débat est donc la possibilité de trouver un critère de jugement possédant l'objectivité du droit positif et la légitimité absolue que revêt à nos yeux la voix de notre conscience.
[Bien des êtres sont devenus des criminels parce qu'ils n'avaient pas le courage ou la conscience d'agir en hommes libres.
En bien des cas, la désobéissance est un impératif éthique.]
Avant d'obéir, il faut réfléchir
C'est fuir toute responsabilité morale que de se cacher derrière l'autorité, que de dire: «Je ne fais qu'obéir aux ordres.» Il est des circonstances où, pour des raisons éthiques, c'est un devoir de refuser de se plier à ce que l'autorité nous
impose de faire.
"Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen.
Par l'obéissance, il assure l'ordre ; par la résistance il assure la liberté.
Et il est bien clair que l'ordre et la liberté ne sont point séparables, car le jeu des forces, c'est-à-dire la
guerre privée, à toute minute, n'enferme aucune liberté ; c'est une vie animale, livrée à tous les hasards.
Donc les deux termes, ordre et liberté, sont bien loin d'être opposés ; j'aime mieux dire qu'ils sont corrélatifs.
La liberté ne va pas
sans l'ordre ; l'ordre ne vaut rien sans la liberté.
Obéir en résistant, c'est tout le secret.
Ce qui détruit l'obéissance est anarchie ; ce qui détruit la résistance est tyrannie.
Ces deux maux s'appellent, car la tyrannie employant la force contre les opinions, les opinions, en retour, emploient la
force contre la tyrannie ; et inversement, quand la résistance devient désobéissance, les pouvoirs ont beau jeu pour écraser la résistance, et ainsi deviennent tyranniques.
Dès qu'un pouvoir use de force pour tuer la critique, il est
tyrannique." ALAIN
L'équilibre entre ordre et liberté, quine vont pas l'un sans l'autre, permet seul d'échapper à la tyrannie.
On retrouve ici des idées classiques voisines de celles que Rousseau, par exemple, a exprimées : il n'y a pas de liberté sans lois.
A
des thèmes classiques, se surajoute l'idée qu'il faut obéir en résistant.
Il y a, chez Alain, une méfiance à l'égard du pouvoir politique anonyme.
Obéir sans approuver, tel est le secret de l'homme libre, du vrai citoyen.
Les notions de résistance et d'obéissance (sous-entendu à l'autorité souveraine) constituent les éléments pivots du raisonnement d'Alain.
Vous devrez donc très soigneusement les expliquer (ainsi que la liberté et l'ordre qui leur
correspondent).
Ce texte expose différents points de vue sur l'équilibre entre l'ordre et la liberté, de manière à bien faire saisir sa nécessité.
Une soumission aveugle peut conduire au crime
Le psychologue Stanley Milgram, au cours d'expériences en laboratoire effectuées entre 1950 et 1963, a montré que ce qui s'est passé dans les camps de concentration nazis pouvait à tout moment se reproduire.
Son livre, Soumission à
l'autorité, prouve que l'on peut aisément, sous couvert d'autorité, pousser un être à torturer une victime innocente et sans défense.
LA SOUMISSION LIBREMENT CONSENTIE
En 1963, à l'université de Yale, Stanley Milgram organise une des premières expériences de psychologie sociale sur le concept de soumission à l'autorité.
Ses conclusions sont édifiantes...
Posez vous la question, en qui reconnaissez vous
l'autorité ?
Cette expérience historique de psychologie sociale date de 1963 et a été mise en image dans le film " I comme Icare " avec Yves Montand.
On peut aussi la retrouver dans le "petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens" de
Beauvois et Joule.
Tout commence par une petite annonce publiée par voie de presse :
" Laboratoire de l'université X recherche volontaires pour participer à une expérience sur la mémoire .
Rémunération 50 Francs de l'heure " Lorsqu'un volontaire se présente au laboratoire, on lui explique qu'il tombe bien car un autre
volontaire est déjà arrivé juste avant lui .
Le laboratoire a justement besoin de deux personnes , une pour jouer le rôle du professeur et l'autre pour jouer le rôle de l'élève.
Les deux volontaires font rapidement connaissance en attendant
d'être convoqués par Milgram, le psychologue qui organise l'expérience.
Celui ci leur explique qu'ils vont participer une expérience destinée à vérifier les effets de la punition sur l'apprentissage et la mémoire.
Le rôle du professeur est
simple .
Il suffit de lire à l'élève une liste de 50 paires de mots du genre : Le ciel gris, Le chien jaune, Le chat vert etc...
L'élève devra mémoriser les associations de mots et ensuite répondre correctement aux questions du professeur.
Si le professeur dit " le nuage ", l'élève devra répondre " noir " En cas d'erreur , le professeur devra administrer à l'élève ,
une punition sous la forme d'une petite décharge électrique.
le voltage des décharges augmentant avec le nombre d'erreurs.
Il est procédé à un faux tirage au sort et l'on demande à la personne qui s'est présentée de jouer le rôle du professeur.
En fait , celui qui doit jouer le rôle de l'élève est un complice de Milgram car le but réel de l'expérience est d'étudier la soumission à l'autorité (soumission librement consentie chez Beauvois et Joule) et non les effets de la punition sur la
mémoire.
On installe donc "l'élève" sur une fausse chaise électrique mais le "professeur" n'en sait rien.
Il pense que tout est réel .
"L'élève" qui est un acteur spécialement choisi pour son aptitude à faire semblant de recevoir de vraies
décharges électriques fait mine de s'inquiéter quand on l'attache sur la chaise et demande si les chocs électriques risquent de lui faire mal.
On lui répond que la douleur sera supportable mais que c'est nécessaire pour le bon déroulement
de l'expérience et l'on fait passer le professeur derrière un pupitre comportant des curseurs gradués de 25 volts en 25 Volts.
Des petits panneaux sont inscrits au dessus des séries de curseurs :" choc léger ", " choc moyen ", " choc violent ",
" choc extrêmement violent " , " choc dangereux " , " choc très dangereux " , " mort ! "
Milgram qui représente l'autorité scientifique en blouse blanche demande alors au professeur de commencer la lecture des associations de mots.
Une fois que la liste a été mémorisée par l'élève , le professeur commence à poser les
questions.
A partir d'un moment , l'élève se trompe obligatoirement car mémoriser 50 associations de mots en une seule lecture est quasiment impossible.
Milgram qui supervise l'expérience demande donc au professeur d'administrer la punition à l'élève, au départ 25 volts mais au fur et à mesure des nombreuses erreurs de l'élève, les décharges qui deviennent de plus en plus fortes
commencent à faire crier l'élève de douleur.
Il veut savoir jusqu'où celui qui joue le rôle du professeur va accepter de torturer un inconnu sous prétexte qu'une autorité scientifique lui en donne l'ordre .
L'élève va supplier le professeur d'arrêter l'expérience tandis que
l'expérimentateur va lui ordonner de continuer .
Même lorsque l'élève simulera le coma ! Milgram ordonnera d'assimiler cela à une mauvaise réponse et demandera au professeur de continuer l'expérience.
Le professeur devra faire un choix ..
désobéir à l'autorité ou continuer jusqu'à la mort de l'élève.
Les résultats sont effrayants ! Sur 40 personnes testées tout niveau social confondu , 67% des professeurs ont étés jusqu'à la mort de l'élève.
Le reste a abandonné l'expérience vers 300 volts quand l'élève simulait le coma !
Aucun d'eux n'a abandonné quand l'élève hurlait de douleur .
Bien sur , ce n'est pas de bon coeur qu'ils ont poussés les curseurs jusqu'à la mort simulée de l'élève attaché sur la chaise électrique .
Milgram le dit lui même " J'observai un
homme d'affaires équilibré et sur de lui entrer dans le laboratoire le sourire aux lèvres .
En l'espace de 20 minutes , il était réduit à l'état de loque parcourue de tics, au bord de la crise de nerfs .
Il tirait sans cesse sur le lobe de ses
oreilles et se tordait les mains.
A un moment il posa sa tête sur son poing et murmura "Oh mon dieu , qu'on arrête !" Et pourtant il continua à exécuter toutes les instructions de l'expérience et obéit jusqu'à la fin." Trois semaines plus tard ,
quand les professeurs était convoqués pour s'expliquer sur leurs comportements sadiques , il rejetaient immanquablement la faute sur l'autorité scientifique .
Ils n'avaient fait qu'obéir aux ordres et rien de plus ! Ils n'avaient rien à se reprocher.
Désobéissance dans certaines circonstances
- La nature de la loi prévoit la désobéissance : tout interdit ouvre la possibilité de sa transgression.
La loi va de pair avec la liberté.
Comment passer de cette possibilité théorique à une possibilité réelle sans offenser la raison ?
- Dans certaines circonstances, il y aurait suspension de l'obligation habituelle (le médecin qui ment au malade incurable : sa désobéissance au devoir de vérité se justifie par le souci de ne pas faire souffrir moralement, et inutilement).
C'est alors e respect de la personne qui dirige la désobéissance.
- Contradiction classique entre l'état de guerre et l'interdiction de tuer.
La décision est purement individuelle : l'objecteur de conscience va jusqu'au bout de son refus, mais e citoyen peut choisir de faire la guerre pour défendre une patrie
où s'incarnent des valeurs à ses yeux positives.
- De tels cas s'accompagnent de problèmes de conscience.
Rousseau distingue ainsi le citoyen de son rôle momentané de soldat : ce dernier peut désobéir à la loi « normale » parce qu'il a en quelque sorte un statut d'exception.
Mais de
telles règles d'exception ne peuvent durer.
La loi n'est pas toujours juste
Injuste et immoral sera celui qui, de par son action, cautionne un ordre politique despotique, des lois iniques.
Être moral, c'est aussi avoir la force de résister à un pouvoir institué, qu'il soit étatique, ou plus discrètement social, familial,
individuel.
Il en va de la dignité et de la liberté de l'homme.
Fallait-il obéir à la légalité des lois du III ième Reich.
Si le droit est toujours plus ou moins lié à des rapports de forces et si la loi consacre le pouvoir du plus fort, il en résulte que la légalité ne coïncide pas toujours avec la légitimité (ce qui est juste).
Le droit ne peut donc être assimilé à ce qui
a été ou à ce qui est et l'exigence du droit ne peut être enfermée dans les lois positives.
Le droit est aussi un idéal qui exprime ce qui doit ou devrait être.
Antigone est là pour nous rappeler que les lois du coeur, qui sont des lois non
écrites, sont parfois plus profondes et plus vraies que les lois positives, que les « lois écrites » de la Cité.
Il y a aussi, comme le dit Kant, au-dessus des lois positives qui changent d'un pays à un autre, d'une époque à l'autre, des lois non
écrites qui sont intemporelles et que les hommes ne peuvent transgresser sans renoncer à leur humanité.
De même, au-dessus des droits positifs particuliers et variables, il y a des droits universels et inaliénables : droit à la vie, à l'éducation, à l'instruction, au travail, à la participation à la vie politique, à la propriété.
Ces droits sont appelés «
droits naturels » parce qu'ils tiennent à la nature de l'homme..
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