Désir et action ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
DÉSIR : Tension vers un objet que l'on se représente comme source possible de satisfaction ou de plaisir.
Comme
objet, c'est ce à quoi nous aspirons; comme acte, c'est cette aspiration même.
Le désir se distingue de la volonté, qui n'est pas un simple mouvement mais une organisation réfléchie de moyens en
vue d'une fin.
Le désir peut aller sans ou contre la volonté (un désir, par exemple, que je sais interdit et que je ne
veux pas réaliser); la volonté peut aller sans le désir (la volonté d'ingurgiter un médicament quand, pourtant, je ne
le désire pas).
Finalement, on peut dire que vouloir, c'est désirer au point d'agir effectivement pour atteindre ce qu'on désire.
Ce
qu'on veut, c'est toujours ce qu'on fait, de même que ce qu'on fait, c'est toujours ce qu'on veut.
On peut
finalement considérer la volonté comme une espèce de désir, c'est-à-dire comme le désir dont la satisfaction
dépend de nous.
En quel sens le désir est-il synonyme de servitude ? Il nous met en rapport avec un objet unique et donc exclusif
de tous les autres.
Ainsi, le désir nous accapare, il nous rend indifférents à ce qui ne le concerne pas directement,
et surtout il limite notre capacité d'agir: en ce sens, nous sommes déterminés par lui, à l'image des objets naturels
déterminés par leur cause.
Or, le déterminisme s'oppose frontalement à la liberté, qui définit précisément la capacité
d'un sujet à dépasser la nécessité de ses désirs, à se rendre indifférent à ceux-ci.
De ce premier point de vue, le désir semble inconciliable avec la morale puisqu'il nous inscrit dans l'ordre naturel au
même titre que les choses.
Mais s'il est communément admis que le désir constitue une forme d'esclavage, c'est
aussi qu'il nous oppose continuellement à la réalité.
Cette dernière coïncide rarement avec nos attentes, ce
pourquoi nous ne l'acceptons pas comme telle : l'homme désirant est aussi un « homme révolté ».
La plus
élémentaire des sagesses ne consiste-t-elle pas dans ces conditions, et comme le préconise Descartes (15961650), à plutôt « changer mes désirs que l'ordre du monde » ? Il ne s'agit pas de s'attaquer à la réalité et à la
résistance qu'elle oppose à nos désirs, à notre idéal de bonheur, mais plutôt d'accepter les choses telles qu'elles
sont, sans prétendre les transformer radicalement.
Dans la troisième partie du « Discours de la méthode », Descartes
affirme qu'une de ses règles d'action est « de tâcher plutôt à me vaincre que
la fortune, et à changer mes désirs plutôt que l'ordre du monde »
(« Fortune » désigne ici le cours changeant de la nature).
Pour comprendre cette maxime, qui semble d'un conformisme révoltant, il faut
savoir qu'elle fait partie d'une morale « par provision », c'est-à-dire qu'elle ne
correspond pas à la morale définitive de Descartes, mais s'intègre à un
ensemble de règles provisoires et révisables, dictées par l'urgence de la vie et
de l'action, alors même que la raison et la recherche recommandent la
prudence.
Le « Discours de la méthode » présente la biographie intellectuelle de
l'auteur, et les principaux résultats auxquels il est parvenu par une démarche
aussi singulière que révolutionnaire.
Afin de parvenir à une certitude absolue
et indubitable, Descartes décide de remettre au moins temporairement en
cause la totalité de ses opinions.
Pour parvenir « à la connaissance vraie de
tout ce qui est utile à la vie », il se voit obligé de rejeter la totalité de ce qu'il
avait cru.
Dans les « Méditations », il décrit ainsi son attitude :
« Je suppose que toutes les choses que je vois sont fausses ; je
me persuade que rien n'a jamais été de tout ce que ma mémoire remplie de
songes me représente ; je pense n'avoir aucun sens… ».
Il faut comprendre que ce doute est une démarche intellectuelle qui a pour but de détruire le « palais » de
l'ancienne métaphysique, qui n'était bâti que « sur du sable et de la boue », pour reconnaître le véritable palais des
sciences sur le roc de la certitude.
Mais une question nouvelle apparaît : pendant que je détruis mon ancienne demeure, pour en reconstruire une
nouvelle, où vais-je loger ?
« Car ce n'est pas assez, avant de recommencer à rebâtir le logis où l'on demeure, que de l'abattre […] il faut aussi
s'être pourvu de quelque autre où o puisse être logé commodément pendant le temps qu'on y travaillera.
»
Pendant que le doute m'oblige à n'admettre aucun principe, comment vais-je vivre, et vivre au milieu des
autres, sur quels principes vais-je régler mes actes, moi qui rejette tous les principes ? Sur quels critères vais-je
choisir d'agir, pendant que je doute de tout ? La démarche intellectuelle de Descartes l'oblige à être irrésolu en ses
jugements, de tout passer au crible du doute, mais « les actions de la vie ne souffrent aucun délai.
»
« Ainsi, afin que je ne demeurasse point irrésolu en mes actions pendant que la raison m'obligerait de l'être en mes
jugements, et que je ne laissasse pas de vivre dès lors aussi heureusement que je pourrais, je formais une morale
par provision.
».
»
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