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DESCARTES: tuyaux et ressorts

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Je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose, sinon que les effets des machines ne dépendent que de l'agencement de certains tuyaux, ou ressorts, ou autres instruments, qui, devant avoir quelque proportion avec les mains de ceux qui les font, sont toujours si grands que leurs figures et mouvements se peuvent voir, au lieu que les tuyaux ou ressorts qui causent les effets des corps naturels sont ordinairement trop petits pour être aperçus de nos sens. Et il est certain que toutes les règles des mécaniques appartiennent à la physique, en sorte que toutes les choses qui sont artificielles, sont avec cela naturelles. Car, par exemple, lorsqu'une montre marque les heures par le moyen des roues dont elle est faite, cela ne lui est pas moins naturel qu'il est à un arbre de produire des fruits. C'est pourquoi, en même façon qu'un horloger, en voyant une montre qu'il n'a point faite, peut ordinairement juger, de quelques-unes de ses parties qu'il regarde, quelles sont toutes les autres qu'il ne voit pas : ainsi, en considérant les effets et les parties sensibles des corps naturels, j'ai tâché de connaître quelles doivent être celles de leurs parties qui sont insensibles. DESCARTES


« "Je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose, sinon que les effets des machines ne dépendent que de l'agencement de certains tuyaux, ou ressorts, ou autres instruments, qui, devant avoir quelque proportion avec les mains de ceux qui les font, sont toujours si grands que leurs figures et mouvements se peuvent voir, au lieu que les tuyaux ou ressorts qui causent les effets des corps naturels sont ordinairement trop petits pour être aperçus de nos sens.

Et il est certain que toutes les règles des mécaniques appartiennent à la physique, en sorte que toutes les choses qui sont artificielles, sont avec cela naturelles.

Car, par exemple, lorsqu'une montre marque les heures par le moyen des roues dont elle est faite, cela ne lui est pas moins naturel qu'il est à un arbre de produire des fruits.

C'est pourquoi, en même façon qu'un horloger, en voyant une montre qu'il n'a point faite, peut ordinairement juger, de quelques-unes de ses parties qu'il regarde, quelles sont toutes les autres qu'il ne voit pas : ainsi, en considérant les effets et les parties sensibles des corps naturels, j'ai tâché de connaître quelles doivent être celles de leurs parties qui sont insensibles." DESCARTES DIRECTIONS DE RECHERCHE • Descartes ne fait-il aucune différence « entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose » ? • S'il en fait une, vous paraît-elle essentielle ? Justifiez votre réponse. • En raison de quoi Descartes affirme-t-il que « toutes les choses qui sont artificielles, sont avec cela naturelles » ? Que signifie "avec cela" ? • Comment comprenez-vous Y « exemple » invoqué par Descartes ? En quoi — selon Descartes — cet exemple prouve-t-il « quelque chose », et quoi ? • Comment Descartes justifie-t-il son entreprise ? Quelle est cette entreprise ? • Que pensez-vous de l'argumentation de Descartes et de son objet ? • En quoi peut-on dire que ce texte présente un intérêt philosophique ? Quel est-il ? Dans ce texte extrait du paragraphe 203 de la quatrième partie des Principes de la philosophie, Descartes compare en trois mouvements les objets produits par l'homme et les objets naturels, les plantes et les animaux : les uns comme les autres sont en un sens naturels et sont soumis de la même manière aux lois de la nature.

Dans un premier temps, Descartes établit la ressemblance entre êtres naturels et objets artificiels, puis, dans un second temps, montre en quel sens même les objets artificiels sont naturels.

En conséquence, dans le dernier mouvement, il en conclut que la manière de connaître les uns et les autres est analogue. 1.

La ressemblance entre les êtres naturels et les objets artificiels. A.

Descartes s'oppose dès la première phrase à la fois à nos croyances ordinaires et à la philosophie aristotélicienne encore prédominante au XVII ième siècle, et contre laquelle il a constamment lutté.

Nous opposons spontanément les êtres naturels, comme les plantes et les animaux, aux artefacts produits par l'homme.

De même Aristote oppose les êtres naturels et les êtres artificiels : les premiers sont produits par des êtres qui appartiennent à la même espèce qu'eux. B.

Il n'y a aucune différence essentielle entre les artefacts et les êtres naturels : la différence est purement quantitative.

Autrement dit, les éléments qui composent les corps des êtres naturels et ceux qui composent les artefacts sont les mêmes à ceci près que ces derniers sont d'une taille relativement grande et sont visibles, tandis que les premiers sont très petits et donc invisibles.

Descartes désigne ces éléments par les termes « tuyaux, ressorts ou autres instruments », c'est-à-dire par les noms des éléments qui composent les artefacts.

Descartes pose en effet comme principe que ces instruments « doivent avoir quelque proportion avec les mains de ceux qui les font » : autrement dit, les êtres naturels, étant les produits de Dieu, sont plus complexes, alors que les artefacts sont les produits des hommes, qui ne peuvent construire des objets qu'avec des éléments qu'ils peuvent manipuler et qui sont donc relativement gros. Les effets des êtres naturels et des artefacts, c'est-à-dire les mouvements apparents, sont donc le produit mécanique des éléments corporels. 2.

« Toutes les choses qui sont artificielles sont avec cela naturelles » A.

Les corps des artefacts sont produits par les mécaniciens, conformément aux lois de la physique.

En effet, les lois auxquelles obéissent les roues dans les montres ou les pistons dans les automates gouvernent aussi les pierres, et plus généralement l'ensemble de la nature. En conséquence, l'opposition entre l'artificiel et le naturel n'est qu'apparente : les objets artificiels sont naturels. B.

Descartes illustre cette thèse par un exemple : les mouvements de la montre sont naturels, tout comme l'est pour l'arbre la production de fruits.

Autrement dit, les mouvements de la montre sont le produit de la composition de la montre conformément aux lois de la nature, tout comme la production des fruits est déterminée par les lois de la nature. 3.

La connaissance des êtres naturels. A.

Descartes inverse constamment l'analogie entre artefacts et êtres naturels : après avoir montré que les êtres naturels sont analogues aux êtres artificiels, il a montré que les êtres artificiels peuvent être qualifiés de naturels.

Il inverse une dernière fois l'analogie : puisque les êtres naturels et les êtres artificiels sont fortement semblables, la manière de connaître les êtres naturels peut être modelée sur la manière de connaître les artefacts. B.

Nous pouvons donc inférer, à partir de ce que nous percevons des êtres naturels, ce que nous n'en percevons pas, comme nous le faisons pour les artefacts. Discussion. La thèse de Descartes est à la fois extrêmement originale et en même temps particulièrement pertinente : il est vrai que nous opposons spontanément les artefacts aux êtres naturels, en particulier aux animaux.

Ceux-ci paraissent capables de se mouvoir par eux-mêmes, et en outre, tout comme nous, ils semblent en mesure de sentir et de désirer.

Alors que les artefacts doivent être créés par les hommes et ne ressentent rien.. »

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