DESCARTES: Prenons pour exemple ce morceau de cire...
Extrait du document
«
Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche : [...] sa couleur,
sa figure, sa grandeur sont apparentes ; il est dur, il est froid [...].
Mais voici que,
cependant que je parle, on l'approche du feu ; ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur
s'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient
liquide, il s'échauffe [...].
La même cire demeure-t-elle après ce changement ? Il faut
avouer qu'elle demeure, et personne ne le peut nier.
Qu'est-ce donc que l'on connaissait
en ce morceau de cire avec tant de distinction ? Certes ce ne peut être rien de tout ce
que j'y ai remarqué par l'entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous
le goût, ou l'odorat, ou la vue, ou l'attouchement, ou l'ouïe, se trouvent changées, et
cependant la même cire demeure.
Dans ses Méditations métaphysiques, Descartes expose son cheminement, partant de la
nécessité du doute à la première certitude du Cogito, suivie par la garantie d'un savoir
enfin possible grâce à la certitude de l'existence de Dieu.
Dans ce passage, extrait de la Méditation seconde, il n'est
pas encore parvenu à cette certitude.
Ainsi, comment un morceau de cire peut-il être encore de la cire, alors que sous
l'action de la chaleur, il change du tout au tout ?
Problématique
Sous leur apparente stabilité, les choses sont changeantes, au point qu'il est difficile d'en dégager des caractéristiques
solides.
Et pourtant, les images diverses par lesquelles je me représente la cire ne sont pas le fait de l'imagination.
Dès
lors, qu'est-ce, finalement, que ce morceau de cire ? Un objet doit toujours être identique à lui-même pour être
dénommé et connu en tant que tel.
Enjeux
Comment pouvons-nous penser les objets en eux-mêmes ? Les données que nous fournissent les sens et l'imagination
reproductrice ne sont-elles par erronées ? Pour être objective, la connaissance doit dépasser la multiplicité des
représentations sensibles.
Nos sensations à elles seules, même aidées de l'imagination, sont incapables de nous faire connaître un objet.
C'est ce
que démontre une célèbre analyse de Descartes, dans la deuxième de ses Méditations métaphysiques (1641), à propos
d'un morceau de cire.
Nous croyons spontanément que nous connaissons d'abord les objets à travers nos sensations.
Prenons l'exemple d'un
morceau de cire, propose Descartes.
Il « vient d'être tiré de la ruche : il n'a pas encore perdu la douceur du miel qu'il
contenait, il retient encore quelque chose de l'odeur des fleurs dont il a été recueilli; sa couleur, sa figure, sa
grandeur, sont apparentes; il est dur, il est froid, on le touche, et si vous le frappez, il rendra quelque son ».
On le
voit, nos sensations nous donnent de multiples informations sur le morceau
de cire.
Elles nous font connaître toutes ses qualités, gustatives, odorantes, visuelles, tangibles, sonores, et nous
croyons communément que la collection de ces qualités nous fait accéder à la connaissance distincte d'un tel objet.
Approchons néanmoins le morceau de cire du feu : «ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur s'évanouit, sa couleur
se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s'échauffe, à peine le peut-on toucher, et
quoiqu'on le frappe, il ne rendra plus aucun son ».
Toutes les qualités sensibles ont disparu, et pourtant nous savons
que le morceau de cire est toujours là, toujours le même.
Pour expliquer ce savoir, il faut faire appel à une autre source de connaissance que nos sensations.
Nous possédons en
particulier L'imagination, grâce à Laquelle nous sommes capables justement de nous représenter un objet sous de
nombreuses formes différentes.
Nous pouvons, par exemple, imaginer ce morceau de cire sous des formes ronde,
carrée, triangulaire, ou lui prêter, s'il fondait, une très grande étendue.
Mais, par l'imagination, nous ne pouvons nous
représenter qu'un très grand nombre de formes possibles ; nous ne pouvons ni en appréhender l'infinité, car
l'imagination est une faculté finie, ni saisir à travers elles l'unité de ces variations.
«Je ne saurais, écrit Descartes,
parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cette conception que j'ai de la cire ne s'accomplit pas
par la faculté d'imaginer.
»
Ainsi, puisque nous connaissons distinctement ce morceau de cire qui est là devant nous et que cette connaissance
ne se laisse expliquer ni par nos sensations ni par notre imagination, nous sommes conduits à poser que nous le
connaissons par un acte — une « inspection » — de l'esprit seul.
Il faut inverser la représentation traditionnelle qui.
»
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