DESCARTES: parvenir à la connaissance des choses sans aucune crainte d'erreur
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«
(...) Nous allons énumérer ici tous les actes de notre entendement par
lesquels nous pouvons parvenir à la connaissance des choses sans aucune
crainte d'erreur ; il n'y en a que deux : l'intuition' et la déduction.
Par intuition j'entends, non pas le témoignage changeant des sens ou le
jugement trompeur d'une imagination qui compose mal son objet, mais la
conception d'un esprit pur et attentif, conception si facile, si distincte
qu'aucun doute ne reste sur ce que nous comprenons ; ou, ce qui est la
même chose, la
conception ferme d'un esprit pur et attentif qui naît de la seule lumière de la
raison et qui, étant plus simple, est par suite plus pure que la déduction
même, qui pourtant elle aussi ne peut être mal faite par l'homme (...).
Ainsi,
chacun peut voir par intuition qu'il existe, qu'il pense, que le triangle est
défini par trois lignes seulement, la sphère par une seule surface, et des
choses de ce genre, qui sont bien plus nombreuses que ne le pourraient
croire la plupart des hommes, parce qu'ils dédaignent de tourner leur esprit
vers des choses si faciles (...).
On a déjà pu se demander pourquoi, outre l'intuition, nous avons ajouté un autre mode de
connaissance qui se fait par déduction, opération par laquelle nous entendons tout ce qui se conclut
nécessairement d'autres choses déjà connues avec certitude, bien qu'elles ne soient pas ellesmêmes évidentes, pourvu seulement qu'elles soient déduites à partir de principes vrais et connus par
un mouvement continu et ininterrompu de la pensée qui a une intuition claire de chaque chose.
C'est
ainsi que nous savons que le dernier anneau d'une longue chaîne est relié au premier, même si nous
n'embrassons pas d'un seul et même coup d'oeil tous les intermédiaires dont dépend ce lien, pourvu
que nous ayons parcouru ceux-ci successivement et que nous nous souvenions que du premier au
dernier chacun tient à ceux qui lui sont proches.
Nous distinguons donc ici l'intuition de la déduction
certaine en ce qu'on conçoit en celle-ci un mouvement ou une certaine succession, tandis que dans
celle-là, il n'en est pas de même ; et qu'en outre pour la déduction une évidence actuelle n'est pas
nécessaire comme pour l'intuition, mais plutôt qu'elle reçoit en un sens sa certitude de la mémoire.
D'où il résulte qu'au sujet des propositions, qui sont la conséquence immédiate des premiers
principes, on peut dire, suivant la manière différente de les considérer, qu'on les connaît tantôt par
intuition, tantôt par déduction ; mais les premiers principes eux-mêmes ne peuvent être connus que
par intuition ; et au contraire les conséquences éloignées ne peuvent l'être que par déduction.
Idéalement, l'évidence serait requise pour toute vérité.
Elle n'est pourtant nécessaire que pour les premiers
principes.
Pour les propositions dérivées des évidences premières, la déduction suffira.
Pour Descartes, intuition
et déduction constituent sur le modèle de la géométrie, l'ordre véritable de l'esprit en quête de vérité certaine.
Il y a deux moyens, et deux seulement, d'obtenir des connaissances certaines : l'intuition et la déduction.
Purement intellectuelle, l'intuition désigne chez Descartes la conception pure que l'entendement se fait d'une
idée, telle que cette idée lui apparaît si claire et si distincte qu'on ne peut en douter.
Elle renferme une
évidence (littéralement : ce dont la vérité se voit d'elle-même) qui se présente alors comme le critère le plus
parfait de la certitude.
L'évidence suppose l'attention de l'esprit.
Une représentation intuitive est toujours actuelle.
Elle est aussi
immédiate.
La certitude d'une idée évidente se manifeste à l'esprit dans l'instant même où il la conçoit.
Elle n'a
pas besoin d'être conclue, c'est-à-dire établie par la médiation d'un raisonnement (ce caractère rapproche
l'intuition cartésienne des « vérités du coeur » selon Pascal.
D'où le terme de « facilité » qui caractérise ici
l'intuition : une idée « simple », ou « facile » (intuitive), est une idée qui se conçoit sans le secours d'une autre
idée déjà connue.
L'évidence de l'intuition s'oppose au faux, mais aussi au douteux, c'est-à-dire au vraisemblable.
Pour Descartes,
il n'y a pas de milieu entre le vrai et le faux.
Le second moyen, la déduction, est celui par lequel on conclut nécessairement une chose d'une autre déjà
connue.
La déduction est bien un moyen pour la certitude (Descartes parle de « déduction certaine »), parce
que la conclusion est nécessaire, ou, si l'on veut, que les conséquences sont « logiques ».
Mais elle n'intervient
que par défaut d'intuition : lorsque la chaîne des raisonnements est trop longue pour que l'ensemble puisse être
saisi d'un seul coup d'oeil de l'esprit.
Pour Descartes, la déduction n'est nécessaire que par impossibilité d'une
évidence intuitive pour les conséquences éloignées.
L'évidence de l'intuition est bien alors le critère idéal de la
vérité et son point de départ obligé : la certitude de l'intuition tient à son évidence ; la certitude de la
déduction à ce qu'elle conclut à partir d'évidences..
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