Descartes: le corps et les passions
Extrait du document
«
La réflexion a engendré deux idées hétérogènes : celle d'étendue matérielle, celle de
pensée.
Comment rendre compte de l'unité de l'homme à partir de ce
dualisme tranché entre deux natures ?
DUALISME:
Théorie
philosophique qui distingue deux
plans de réalité distincts.
Dans
le cadre de la philosophie du
corps, théorie selon laquelle le
corps et l'âme sont deux êtres
distincts.
1.
De la mécanique à la vie
A.
L'animal-machine
La nature de l'âme est distincte de celle du corps.
Considérant le corps comme un pur objet matériel,
Descartes en fait une théorie mécaniste'.
L'organisme n'est qu'une grande machine perfectionnée,
entièrement explicable par les lois de la physique.
Inutile de recourir à un principe
immatériel d'animation pour expliquer la vie.
Tout n'est que leviers, tuyaux, chaudière...
L'animal, pure machine selon Descartes, ne ressent rien, il réagit de manière purement
mécanique.
Ce modèle est fécond pour les sciences – la médecine en particulier, qui cherche à comprendre le, fonctionnement
du corps pour agir sur lui.
Mais il est philosophiquement limité.
Il ne nous révèle pas l'être même du corps.
B.
L'union de l'âme et du corps
En effet, cette conception, utile scientifiquement, ne correspond pas à l'expérience vécue de notre corps.
Nous
n'utilisons pas notre corps comme un outil extérieur à nous-mêmes.
Le corps n'est pas une chose comme les autres ; il
est mon corps.
Si mon âme y était jointe comme à un simple objet, elle prendrait connaissance de son état comme un capitaine
constate les avaries sur son bateau, à distance et sans douleur.
Mais voilà, « je ne suis pas dans mon corps comme un
pilote en son navire » (Méditations métaphysiques, VI) : je ne constate pas les lésions de mon corps, je les ressens
violemment ; mon corps, c'est moi.
Je n'ai pas un corps comme on a une voiture ; je suis étroitement uni à lui ; bien plus, je ne forme qu'un seul tout
avec lui ; pourtant, je ne suis pas non plus mon corps, au sens où je m'y réduirais ; je suis âme et corps.
Il est quasi
impossible de concevoir cette union de deux natures distinctes ; pourtant, c'est un fait, puisque chacun la vit tous les
jours.
2.
Les passions et la liberté
A.
Les passions
Si l'âme meut volontairement le corps, le corps meut aussi l'âme.
Les passions sont l'ensemble des émotions de l'âme
qui sont causées par
les mouvements ou états non volontaires du corps (exemple : la faim).
La passion incline l'âme à vouloir des choses auxquelles elle a d'abord disposé le corps.
Ainsi la vue d'un fauve, en
accélérant mon rythme cardiaque, en nouant ma gorge, etc., dispose mécaniquement mon corps à fuir, pour faire
cesser ce malaise.
Mon âme, affectée de peur, croit vouloir la fuite alors que c'est le corps qui l'y entraîne.
Descartes raconte qu'il a ressenti longtemps une passion inexpliquée pour les femmes qui louchent.
Elle cessa le jour
où on lui rappela qu'il avait été, très jeune, amoureux d'une jeune fille qui louchait : l'amour s'était mécaniquement
associé, dans son cerveau, à l'image d'une fille qui louche.
Il était vain de chercher des raisonnements inconscients
pour expliquer sa passion ; elle n'était que mécanique.
Le seul inconscient, c'est le corps.
Les passions sont bonnes en elles-mêmes car elles nous meuvent.
Mais si elles ne sont pas réglées par la raison,
elles peuvent nous perdre, en nous menant où nous ne devrions pas.
L'énergie passionnelle doit nous servir, non nous
asservir.
B.
La générosité
Ne pouvant agir de front contre les passions, la volonté peut le faire indirectement, par une sorte de ruse.
Prenons
un exemple.
Comment vaincre la peur ? Non pas simplement en me disant qu'il ne faut pas avoir peur, mais en liant, par
l'habitude, à mes mouvements spontanés l'idée de tout ce que la fuite a d'inefficace, ou de honteux.
Ainsi, ma fuite
sera empêchée.
Le plus que la volonté puisse faire, en cas de passion violente, n'est donc pas de s'empêcher de la ressentir, mais
de ne pas consentir à ses effets.
Les exhortations sont inutiles, c'est la connaissance du mécanisme passionnel qui
permet de se dresser soi-même.
Mais alors que les faibles tentent de faire jouer les passions les unes contre les autres, sans trouver de vraie
stabilité, les âmes fortes opposent à toutes les passions la générosité*, qui est la passion – spirituelle – de la liberté..
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