DESCARTES: le corps comme statue et comme machine
Extrait du document
«
Je suppose que le Corps n'est autre chose qu'une statue ou machine de
terre, que Dieu forme tout exprès, pour la rendre la plus semblable à nous
qu'il est possible : en sorte que, non seulement il lui donne au dehors la
couleur et la figure de tous nos membres, mais aussi qu'il met au dedans
toutes les pièces qui sont requises pour faire qu'elle marche, qu'elle
mange, qu'elle respire, et enfin qu'elle imite toutes celles de nos fonctions
qui peuvent être imaginées procéder de la matière, et ne dépendre que
de la disposition des organes.
Nous voyons des horloges, des fontaines
artificielles, des moulins et autres semblables machines, qui n'étant faites
que par des hommes, ne laissent pas d'avoir la force de se mouvoir
d'elles-mêmes en plusieurs diverses façons ; et il me semble que je ne
saurais imaginer tant de sortes de mouvements en celle-ci, que je
suppose être faite des mains de Dieu, ni lui attribuer tant d'artifice, que
vous n'ayez sujet de penser, qu'il y en peut avoir encore davantage.
a) Situation du texte.
Descartes étudie l'homme, et pour ce, voulant travailler le corps, use d'une fiction :
l'automate.
Pour mieux en comprendre le fonctionnement, il use de métaphores avec usages de modèles
mécaniques.
Nous assistons à une démonstration valorisant de façon ultime le modèle rationnel pour
comprendre le vivant mais, paradoxalement, en mettant entre parenthèses, la vie.
b) Mouvement du texte.
• 1er moment (- « [...] disposition des organes ») : étude du vocabulaire.
Il s'agit d'une fiction (je suppose)
qui ne se contente pas de présenter une mécanique (machine de terre) mais rêve d'une apparence artistique
(couleur et figure des membres).
Nous voici devant un automate.
Cette fabrication implique une rivalité de pouvoir entre Dieu (pour le Corps) et l'homme (pour les machines
merveilleuses).
Le savant joue donc ici à être Dieu.
On distingue le dehors du dedans, tout en faisant référence au visible.
Noter l'importance accordée aux «
pièces requises pour faire qu'elle marche » ce qui implique une analyse décomposant en éléments le corps à
la manière des rouages d'une machine.
Le terme de fonction ne renvoie pas à une opération chimique mais à
une « disposition » ou engrenage d'organes.
• 2e moment (de « Nous voyons des horloges [...] » jusqu'à la fin) : le modèle mécanique et non la vie.
Le
problème est le mouvement.
Il réclame autonomie « machine [...] se mouvoir d'elles-mêmes » et combinaison
(diverses façons).
Le modèle d'étude sera donc inspiré des dessins d'anatomie, relevés à partir des
dissections où on met en relief les articulations du squelette, où les fonctions vitales sont réduites à des
mouvements répétitifs et physiques.
La référence à l'horloge, à la fontaine artificielle met l'accent sur la
perfection de la répétition et surtout sur la finesse de la mécanique des rouages internes.
C'est le début de
l'Homme-machine.
L'homme-machine dérive de l'animal-machine de Descartes mais La Mettrie entend pousser le mécanisme
cartésien jusqu'au maximum de ses conséquences logiques: tout ce que la métaphysique cartésienne
attribuait à l'âme (pensées, ides innées) peut être expliqué matériellement.
Tout en l'homme n'est que
mécanisme et il revient à la science d'en rendre compte.
c) Conclusion.
L'obstacle à la connaissance : la technique.
Certes, la recherche du vivant est axée sur
l'étude du mouvement.
Mais le modèle technique implique répétition impeccable, hors du temps, sans
imprévu, sans échange avec l'extérieur.
Monde clos contraire à la notion de vie.
C'est le pouvoir du « maîtres
et possesseurs de la nature » (Discours de la méthode, chap.
VI) et non une attention à l'élan créateur du
vital..
»
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