Descartes: l'âme et Dieu
Extrait du document
«
Descartes ne s'arrête pas à ces premiers résultats.
Le doute ressurgit.
La certitude
rationnelle peut-elle nous suffire ? La confiance dans la méthode mathématique est-elle
légitime ? L'évidence ne nous trompe-t-elle pas ? Descartes étend son doute à toute
certitude présente, même mathématique, et part à la recherche d'un fondement absolu,
métaphysique, de toute connaissance, sur lequel reposerait l'édifice scientifique lui-même.
1.
« Des choses que l'on peut révoquer en doute »
A.
Le doute volontaire
Pour établir quelque chose de ferme dans les sciences, il faut, une « fois dans sa vie »,
rejeter toutes les opinions reçues jusque-là, et partir à la recherche d'une première vérité,
d'un fondement inébranlable, sur lequel construire l'édifice du savoir.
Cette première vérité, si elle existe, doit être absolument indubitable, c'est-à-dire
qu'aucune hypothèse, même la plus extrême, ne doit pouvoir me la faire mettre en doute
une seule seconde.
Or, ce n'est le cas, nous allons le voir, d'aucune de nos certitudes
habituelles.
Le doute est ici volontaire et méthodique ; il est une manière de mettre à l'épreuve toutes les certitudes dans le
but d'en trouver une qui satisfasse aux exigences de la philosophie.
Le but du doute est de cesser de douter.
B.
Et si la vie n'était qu'un songe ?
Puisqu'ils me trompent quelquefois (illusions d'optique, hallucinations...), mes sens ne sont pas dignes de confiance.
Leur témoignage ne peut constituer un fondement valable.
Je rétorquerai : « Je suis du moins sûr que le monde existe, que je suis dans cette chambre.
» Mais ce n'est pas
vrai : lorsque je rêve, je suis sûr également que mes sensations correspondent à quelque chose, que je fais ceci ou
cela, et pourtant il n'en est rien.
L'existence du monde n'est donc pas assurée.
Mes représentations sont en moi, et
peut-être ne renvoient-elles à rien.
comme dans les songes.
Mon corps lui-même n'est peut-être pas plus réel que
dans mes rêves.
La certitude rationnelle des mathématiques doit, elle aussi, être mise en doute.
Un Dieu trompeur, ou du moins un
Malin Génie, pourrait faire que je me trompe toutes les fois que je fais l'addition de 2 et de 3.
Cette hypothèse, peu
probable, n'est pas vaine : elle sert la rigueur du doute.
Situation vertigineuse : me voici seul, sans corps, privé de
monde comme de toute certitude ; je perds pied, rien ne résiste ; trouverai-je un sol ferme où m'appuyer ?
2.
La découverte d'un fondement
A.
« Ego sum, ego existo »
C'est le doute lui-même qui me fera toucher ce sol.
Car pendant que je doute de l'existence de toutes choses, y
compris de la mienne, une chose du moins reste hors de doute : l'existence de ma pensée qui doute.
Rien ne peut me
faire douter de mon existence, puisque tout doute la suppose.
L'existence qui se révèle est celle de la pensée : « Cogito, ergo sum », je pense, donc je suis, écrivait Descartes
dans Le Discours de la méthode.
Cette formule, non reprise dans les Méditations, n'exprime pas un raisonnement, en
dépit du « donc », mais une intuition immédiate : pour moi, exister, c'est penser, penser, c'est exister.
Voilà le roc
inexpugnable, la première et absolument certaine vérité.
Elle doit donc devenir le modèle de toute vérité : toute idée ayant une aussi grande clarté et une telle distinction
sera légitimement tenue pour vraie.
Ainsi la pensée devient-elle la mesure de l'être.
B.
« Je ne suis qu'une chose qui pense »
Cette expérience métaphysique ne me révèle ni comme être corporel ni comme animal raisonnable (cela reste dans
le doute), mais seulement comme être pensant, immatériel, comme une âme dont tout l'être consiste à se manifester à
soi-même, en une conscience de soi immédiate.
L'esprit se révèle ainsi plus aisé à connaître que le corps, et distinct
de lui.
Par « pensée », on ne doit pas entendre forcément une activité intellectuelle, mais toute activité de l'esprit, qui par
nature se sent lui-même.
Être une chose qui pense, c'est donc être une chose « qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui
nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent ».
Imagination et sensation ne sont ici considérées qu'en tant que vécus internes, subjectifs, sans que la question de
l'existence des choses extérieures, auxquelles elles semblent renvoyer, ne soit réglée (l'hypothèse du rêve n'est pas
levée).
3.
Le primat de l'entendement
A.
le morceau de cire
Pour l'instant, il n'est pas assuré que le monde existe.
Pourtant, je crois bien connaître des choses par l'entremise
de mes sens.
Par exemple ce morceau de cire.
Il est dur, froid, jaune comme le miel, et garde quelque parfum de fleur.
Mais voici qu'il fond devant la flamme, et perd toutes ses qualités : il devient mou, chaud, blanc, son odeur
s'évanouit.
Pourtant, je juge que c'est la même cire qui demeure ; je ne la connaissais donc pas seulement par ses
qualités, puisqu'elles ont disparu, mais par quelque chose de constant qui n'est pas objet des sens.
Ce quelque chose est l'étendue géométrique abstraite (la matière tri-dimensionnelle en général – idée claire et
distincte) qui n'est pas perçue par les sens (ceux-ci n'atteignent que couleur, odeur, dureté...), mais conçue par.
»
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