DESCARTES: Il me semble que la différence qui est entre les plus grandes âmes et celles qui sont basses et vulgaires
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(...) Il me semble que la différence qui est entre les plus grandes âmes et
celles qui sont basses et vulgaires, consiste principalement, en ce que les
âmes vulgaires se laissent aller à leurs passions, et ne sont heureuses ou
malheureuses que selon que les choses qui leur surviennent sont agréables ou
déplaisantes; au lieu que les autres ont des raisonnements si forts et si
puissants que, bien qu'elles aient aussi des passions, et même souvent de
plus violentes que celles du commun, leur raison demeure néanmoins toujours
la maîtresse, et fait que les affections mêmes leur servent, et contribuent à la
parfaite félicité dont elles jouissent dès cette vie.
(...) Ainsi, ressentant de la
douleur en leur corps, elles s'exercent à la supporter patiemment, et cette
épreuve qu'elles font de leur force, leur est agréable, ainsi voyant leurs amis
en quelque grande affliction, elles compatissent à leur mal, et font tout leur
possible pour les en délivrer, et ne craignent pas même de s'exposer à la mort
pour ce sujet, s'il en est besoin.
Mais, cependant, le témoignage que leur
donne leur conscience, de ce qu'elles s'acquittent en cela de leur devoir, et
font une action louable et vertueuse, les rend plus heureuses, que toute la
tristesse, que leur donne la compassion, ne les afflige.
Et enfin, comme les plus grandes prospérités de
la fortune ne les enivrent jamais, et ne les rendent point plus insolentes, aussi les plus grandes
adversités ne les peuvent abattre ni rendre si tristes, que le corps, auquel elles sont jointes, en
devienne malade.
QUESTIONNEMENT INDICATIF
• Que signifie « passion » ici ?
• Le problème est-il, pour Descartes, d'avoir de faibles « passions » ou de fortes et violentes « passions » ?
• Que signifie « fortune » dans ce texte ?
• Les « grandes âmes » dédaignent-elles de « se rendre la fortune favorable en cette vie » ?
• Sens et valeur de la métaphore « des comédies » ?
• Sur quoi repose la force et la grandeur « des grandes âmes » ?
• Comment penser que « les plus grandes âmes » jouissent d'une parfaite félicité dès cette vie » ? Que signifie
félicité ?
Thèse et argumentation de Descartes:
La première moitié du texte est occupée par l'exposé de "la différence qui est entre les plus grandes âmes et
celles qui sont basses et vulgaires".
On peut noter d'emblée que l'enjeu de cette opposition n'est pas pure opposition entre raison et passion au sens
où les âmes basses ne connaîtraient que les passions et les âmes élevées que la raison.
Aucune communication
ne serait alors possible ni aucune conversion de l'âme.
Les âmes nobles connaissent au contraire l'épreuve des
passions et même "de plus violentes que celles du commun".
Précision qui peut s'expliquer par le fait que les âmes
élevées ont une conscience plus aigues et de leurs idées et de leurs sentiments.
Descartes affirme que la différence joue en faveur des hommes "nobles", cad qui savent bien conduire leur raison.
Ils savent en effet demeurer constants quelles que soient les circonstances extérieures, alors que ce qui rend
une âme "basse et vulgaire" c'est le fait de ne pas se gouverner elle-même et de se laisser au contraire ballotter
au gré des circonstances.
La conscience vulgaire est la conscience versatile, dont l'âme prend le parti du moment
présent.
Comment le sage peut-il alors demeurer constant à travers les caprices de la fortunes ? C'est qu'il est capable de
"raisonnements forts et puissants".
Cette affirmation ne désigne pas une intelligence supérieure: il serait peu
plausible de dire que le bonheur et la sérénité sont réservés à une élite.
Il s'agit d'une force de caractère contre
les vents et marées des sentiments et des passions.
Descartes précise alors ce qui fait la force du sage.
Il ne s'agit pas d'une "méthode coué" consistant à se répéter
qu'au fond tout va bien; mais une considération métaphysique de la distinction entre âme et corps.
La "parfaite félicité" est le bonheur non pas seulement théorique, contemplatif mais un bonheur pratique tourné
vers l'action.
C'est ce que tend à montrer l'analogie du théâtre.
Descartes s'inspire du stoïcisme: agir comme si
tout dépendait de nous se laisser affecter par les revers de fortune.
L'autre principe fidèle au stoïcisme exige un
détachement aux choses qui ne dépendent pas de nous.
Descartes ne recommande l'attitude du spectateur qu'en
ce qui concerne ce qui ne dépend pas de nous, ce qui nous arrive dans que nous puissions le changer.
Pour étayer ce commentaire
Changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde (Descartes).
Dans la troisième partie du « Discours de la méthode », Descartes affirme qu’une de ses règles d’action est « de.
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