Descartes et le langage
Extrait du document
«
Tous les hommes sans exception, même fous ou stupides, sont capables de
parler ou d'employer des signes pour faire connaître leur pensée.
Au contraire, il
n'existe aucun animal qui soit capable d'employer le langage, sinon pour le
répéter sans le comprendre (les pies ou les perroquets par exemple).
Si les
animaux ne parlent pas, ce n'est donc pas par défaut d'organes convenables les imitations peuvent être très bonnes pour certains oiseaux -, mais ils ne
pensent pas ce qu'ils disent, et ne sont pas capables d'inventer un système de
signes pour se faire comprendre.
Seul l'homme dispose d'une raison, les animaux
n'en ont aucune.
Même l'animal le plus doué n'est pas capable d'égaler l'enfant le
plus stupide.
Enfin, si les animaux avaient la moindre trace de raison, ils seraient
en mesure de nous le faire savoir, ce qui n'a jamais eu lieu.
La faculté de
langage est donc étroitement liée à la raison : elle y trouve son origine et sa
capacité de développement.
Parler ne consiste donc pas à associer des mots,
mais à penser ce que l'on dit, et à dire ce que l'on pense.
De tous les arguments qui nous persuadent que les bêtes sont dénuées
de pensée, le principal, à mon avis, est que bien que les unes soient plus
parfaites que les autres dans une même espèce, tout de même que chez les hommes, comme on peut voir
chez les chevaux et chez les chiens, dont les uns apprennent beaucoup plus aisément que d'autres ce qu'on
leur enseigne ; et bien que toutes nous signifient très facilement leurs impulsions naturelles, telles que la
colère, la crainte, la faim, ou d'autres états semblables, par la voix ou par d'autres mouvements du corps,
jamais cependant jusqu'à ce jour on n'a pu observer qu'aucun animal en soit venu à ce point de perfection
d'user d'un véritable langage c'est-à-dire d'exprimer soit par la voix, soit par les gestes quelque chose qui
puisse se rapporter à la seule pensée et non à l'impulsion naturelle.
Ce langage est en effet le seul signe
certain d'une pensée latente dans le corps ; tous les hommes en usent, même ceux qui sont stupides ou
privés d'esprit, ceux auxquels manquent la langue et les organes de la voix, mais aucune bête ne peut en
user ; c'est pourquoi il est permis de prendre le langage pour la vraie différence entre les hommes et les
bêtes.
DESCARTES
QUELQUES DIRECTIONS DE RECHERCHE
• Rapprocher : « bien que les unes (les bêtes) soient plus parfaites que les autres dans une même espèce » de « tous
les hommes en usent (du véritable langage) même ceux qui sont stupides ou privés d'esprit.
»
• Rapprocher : « exprimer soit par la voix soit par le geste » de « tous les hommes en usent, même...
ceux auxquels
manquent la langue et les organes de la voix.
»
• En quoi ces différentes remarques sont-elles nécessaires à l'argumentation de Descartes ?
• Qu'est-ce que « l'impulsion naturelle »?
• Qu'est-ce que « la seule pensée »?
• Comment est caractérisé ici « un véritable langage »? (Comparer avec les œuvres de linguistes tels que Martinet ou
Benvéniste.)
• Quel est l'enjeu de ce texte?
— Décider s'il existe un langage animal ?
— Déterminer les caractéristiques du langage spécifiquement humain ?
— Déterminer ce qui peut différencier les hommes et les bêtes ?
• En quoi donc, ce texte présente-t-il un intérêt philosophique ?
I - LES TERMES DU SUJET
Le texte ne comporte pas de terme spécifiquement technique.
Son abord est simple.
On s'interrogera cependant sur l'expression "un véritable langage", en relation avec ce que Descartes nomme la
pensée.
On sera sensible aussi aux termes "signifier", "exprimer" afin de cerner les fonctions de ce que Descartes nomme le
véritable langage.
II - ANALYSE DU PROBLÈME
La lecture superficielle du texte indique une problématique générale : doit-on avec Descartes, refuser aux animaux.
»
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