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DESCARTES: Considérant quelles sont mes erreurs...

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Considérant quelles sont mes erreurs... je trouve qu'elles dépendent du concours de deux causes, à savoir de la puissance de connaître qui est en moi et de la puissance d'élire ou bien de mon libre arbitre : c'est-à-dire de mon entendement et ensemble de ma volonté. Car par l'entendement seul, je n'assure ni ne nie aucune chose, mais je conçois seulement les idées des choses, que je puis assurer ou nier. Or en le considérant ainsi précisément, on peut dire qu'il ne se trouve jamais en lui aucune erreur, pourvu qu'on prenne le mot d'erreur et sa propre signification. Et encore qu'il y ait peut-être une infinité de choses dans le monde dont je n'ai aucune idée en mon entendement on ne peut pas dire pour cela qu'il soit privé de ces idées comme de quelque chose qui soit dû à sa nature mais seulement qu'il ne les a pas... Je ne puis pas aussi me plaindre que Dieu ne m'a pas donné un libre arbitre ou une volonté assez ample et parfaite puisqu'en effet je l'expérimente si vague et si étendue qu'elle n'est renfermée dans aucunes bornes... D'où est-ce donc que naissent mes erreurs? C'est à savoir de cela seul que, la volonté étant beaucoup plus ample et plus étendue que l'entendement, je ne la contiens pas dans les mêmes limites, mais que je l'étends aussi aux choses que je n'entends pas ; auxquelles étant de soi indifférente, elle s'égare fort aisément et choisit le mal pour le bien et le faux pour le vrai. Ce qui fait que je me trompe et que je péché. DESCARTES

« Considérant quelles sont mes erreurs...

je trouve qu'elles dépendent du concours de deux causes, à savoir de la puissance de connaître qui est en moi et de la puissance d'élire ou bien de mon libre arbitre : c'est-à-dire de mon entendement et ensemble de ma volonté.

Car par l'entendement seul, je n'assure ni ne nie aucune chose, mais je conçois seulement les idées des choses, que je puis assurer ou nier.

Or en le considérant ainsi précisément, on peut dire qu'il ne se trouve jamais en lui aucune erreur, pourvu qu'on prenne le mot d'erreur et sa propre signification.

Et encore qu'il y ait peutêtre une infinité de choses dans le monde dont je n'ai aucune idée en mon entendement on ne peut pas dire pour cela qu'il soit privé de ces idées comme de quelque chose qui soit dû à sa nature mais seulement qu'il ne les a pas... Je ne puis pas aussi me plaindre que Dieu ne m'a pas donné un libre arbitre ou une volonté assez ample et parfaite puisqu'en effet je l'expérimente si vague et si étendue qu'elle n'est renfermée dans aucunes bornes... D'où est-ce donc que naissent mes erreurs? C'est à savoir de cela seul que, la volonté étant beaucoup plus ample et plus étendue que l'entendement, je ne la contiens pas dans les mêmes limites, mais que je l'étends aussi aux choses que je n'entends pas ; auxquelles étant de soi indifférente, elle s'égare fort aisément et choisit le mal pour le bien et le faux pour le vrai.

Ce qui fait que je me trompe et que je péché. (Introduction) Descartes propose dans ce passage une théorie du jugement qui lui est suggérée par ses réflexions sur le problème de l'erreur. Ce problème de l'erreur — Pourquoi les hommes se trompent-ils dans leurs jugements? — est ici posé dans un contexte théologique; c'est en quelque sorte une laïcisation du problème du mal.

Vous savez certainement énoncer ce vieux problème théologique : Si l'homme a été créé par un Dieu souverainement bon, l'homme a nécessairement reçu de ce Créateur une bonne nature.

Dès lors comment se fait-il que l'homme se conduise mal, si souvent? Comment se fait-il que la créature d'un Dieu bon puisse pécher? Dans la Méditation précédente (3) Descartes a démontré que Dieu, être souverainement parfait, existait; le fantôme du « Malin génie » est exorcisé.

Mais alors Descartes est conduit à se poser le problème du mal, dans le cadre de ses Méditations, c'est-à-dire dans le cadre du problème de la Connaissance.

Le mal dans la connaissance c'est l'erreur.

Or, d'une part, «je reconnais qu'il est impossible que jamais Dieu me trompe puisqu'en toute fraude et tromperie il se rencontre quelque sorte d'imperfection ».

Mais, d'autre part, «revenant à moi », l'expérience me fait connaître que je suis néanmoins sujet à une infinité d'erreurs ».

Donc puisqu'il « est vrai que plus l'artisan est expert, plus les ouvrages qui sortent de ses mains sont parfaits et accomplis », comment peut-il se faire que moi, créature d'un Dieu parfait, je sois sujet à cette imperfection qu'est l'erreur? (Explication et commentaire) Descartes affirme d'abord que mes erreurs « dépendent du concours de deux causes », à savoir de ma faculté de connaître ou entendement, et de ma « puissance d'élire », c'est-à-dire de mon libre arbitre.

Les jugements que nous portons ne mettent pas seulement en jeu l'entendement qui nous propose ses représentations, ses idées, mais aussi la volonté (le libre arbitre) qui dispose en quelque sorte de ces idées, qui décide d'affirmer ou de nier.

Il y a deux moments dans tout jugement : la conception de l'idée et un acte de la volonté, qui prenant ses responsabilités, décide d'affirmer que cette idée est vraie — ou de la nier.

Car, « par l'entendement seul je n'assure ni ne nie aucune chose, mais je conçois seulement les idées des choses » et c'est la volonté qui « assure ou nie ».

La théorie cartésienne du jugement est une théorie volontariste.

Le principe de l'assentiment réside dans la volonté.

C'est autre chose nous dit Descartes « de voir un homme qui court et d'assurer qu'on le voit ». A première vue cette thèse peut surprendre.

Je n'ai pas l'impression de pouvoir croire ce que je veux, de disposer librement de mon assentiment.

Mais Descartes répondrait que la volonté ne détermine la croyance qu'indirectement par l'intermédiaire de l'attention.

Il a même écrit au R.

P.

Mesland qu'« il nous est toujours libre de nous empêcher d'admettre une vérité évidente ».

Il suffit pour cela que, par un coup de force de notre volonté, nous détournions notre attention de l'évidence.

En somme, s'il est vrai qu'on ne croit que ce qu'on voit il faut ajouter qu'on ne voit que ce qu'on regarde et qu'on regarde ce qu'on veut. Cette doctrine étant précisée et puisque pour Descartes le jugement dépend « de mon entendement et ensemble de ma volonté », il nous faut nous demander comment l'erreur peut venir se glisser dans le jeu conjugué de l'entendement et de la volonté. « ...

Dans l'entendement ne se trouve jamais aucune erreur.

Et encore qu'il y ait peut-être une infinité de choses dans le monde dont je n'ai aucune idée en mon entendement on ne peut pas dire pour cela qu'il soit privé de ces idées comme de quelque chose qui soit dû à sa nature, mais seulement qu'il ne les a pas...

». »

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