Descartes a-t-il eu raison de dire que le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ?
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«
Descartes a-t-il eu raison de dire que le bon sens est la chose du monde la mieux partagée?
Cette pensée forme la première phrase du Discours de la Méthode.
Elle pose l'un des points originaux et essentiels,
l'un des dogmes de la philosophie cartésienne: l'égalité de la raison en tous les hommes.
La discussion de cette opinion ne doit se faire qu'après qu'on a établi avec précision la signification du mot : bon
sens dans la pensée de Descartes.
Or ce mot est susceptible de deux acceptions.
1° Bon sens : sens pratique, acquis principalement par l'expérience; équilibre des facultés, habitude de juger
froidement, sans donner dans les écarts d'imagination.
On dit d'un tomme qui possède ces facultés : c'est un homme
de bon sens.
Qualité assez rare, qui est loin, on le sait, d'être la mieux partagée.
Ce n'est pas d'elle que veut parler
Descartes.
2° Bon sens (pour les cartésiens) : raison pure.
Descartes dit ailleurs puissance de discerner le vrai d'avec le faux.
Autrement dit, par le terme bon sens, Descartes indique la présence dans l'esprit d'un petit nombre d'idées très
générales, ayant le caractère de la nécessité„ et guidant toutes les démarches de l'intelligence.
La plus usuelle est
l'idée de cause.
Sans ces idées, il n'y a.
pas d'opération intellectuelle possible.
Dans ce sens, on peut admettre que
tout homme les possède, et appliquer a la raison, comme le faisaient les cartésiens, la parole de saint Jean : "Lux
quae illuminat omnem hominem venientem in hunc mundum." "Lumière qui éclaire tout homme venant.
en Ce mande."
« Le bon sens est la chose du monde la mieux
partagée; car chacun pense en être si bien pourvu que
ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en
toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus
qu'ils en ont.
En quoi il n'est pas vraisemblable que tous
se trompent: mais plutôt cela témoigne que la
puissance de bien juger et distinguer le vrai d'avec le
faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens
ou la raison, est naturellement égale en tous les
hommes; et ainsi que la diversité de nos opinions ne
vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que
les autres, mais seulement de ce que nous conduisons
nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas
les mêmes choses.
Car ce n'est pas assez d'avoir
l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien.
Les
plus grandes âmes sont capables des plus grands vices
aussi bien que des plus grandes vertus; et ceux qui ne
marchent que fort lentement peuvent avancer
beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit
chemin, que ne font ceux qui courent et qui s'en
éloignent.
»
DESCARTES.
C'est par cet énoncé fracassant que Descartes ouvre le « Discours de la méthode, pour bien conduire
sa raison et chercher la vérité dans les sciences ».
Ce texte est le premier livre de philosophie en langue vulgaire, cad en français.
Ecrire en français un ouvrage de
philosophie et de science, que « même les femmes pourraient comprendre », manifeste une volonté de
démocratisation du savoir ; c'est vouloir que le plus grand nombre de lecteurs possible soit touché par la véritable
révolution qu'il prépare.
Nous oublions souvent que le « Discours » n'est qu'une petite préface à trois gros essais scientifiques qui
intéressaient les contemporains beaucoup plus que le « Discours ».
Cet ouvrage paraît en 1637, à peine quatre ans après le procès de Galilée.
Galilée fut traduit devant un tribunal de
l'Inquisition pour avoir confirmé l'hypothèse de Copernic selon laquelle « ce n'est pas le Soleil qui tourne autour de
la Terre, mais la Terre qui tourne autour du Soleil, et sur elle-même ».
Or, cette révolution scientifique, qui signe une révolution dans la façon de voir le monde et d'y définir la place de
l'homme.
Descartes en est partie prenante.
Il pratique la physique comme Galilée et aboutit à des thèses aussi
« dangereuses ».
Les résultats scientifiques et philosophiques auxquels il est parvenu, Descartes veut les livrer au.
»
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