DESCARTES
Extrait du document
«
DESCARTES : LE BEAU EST SUBJECTIF ET RELATIF
On peut faire de la beauté une réalité en soi, voire transcendante et absolue.
Ainsi pour la tradition platonicienne, le beau est-il un
aspect du Bien : son éclat, sa splendeur.
Mais on peut également nier, comme ici Descartes, que la beauté soit une qualité
objective et la réduire à une simple qualité subjective.
« Pour votre question, savoir si on peut établir la raison du beau, c'est tout de même que
ce que vous demandiez auparavant, pourquoi un son est plus agréable que l'autre, sinon
que le mot beau semble plus particulièrement se rapporter au sens de la vue.
Mais
généralement, ni le beau ni l'agréable ne signifient rien qu'un rapport de votre jugement à
l'objet ; et parce que les jugements des hommes sont si différents, on ne peut dire que le
beau ni l'agréable aient aucune mesure déterminée.
Et je ne le saurais mieux expliquer,
que j'ai fait autrefois, en ma Musique ; je mettrai ici les mêmes mots, parce que j'ai le livre
entre les mains "Entre les objets d'un sens, le plus agréable à l'esprit n'est pas celui qui
est perçu avec le plus de facilité, ni celui qui est perçu avec le plus de difficulté.
C'est celui
dont la perception n'est pas assez facile pour combler l'inclination naturelle par laquelle
les sens se portent vers leurs objets, et n'est pas assez difficile pour fatiguer le sens."
J'expliquais "ce qui est perçu facilement ou difficilement par le sens" comme, par exemple,
les compartiments d'un parterre qui ne consisteront qu'en une ou deux sortes de figures,
arrangées toujours de même façon, se comprendront bien plus aisément que s'il y en avait
dix ou douze, et arrangés diversement ; mais ce n'est pas à dire qu'on puisse nommer
absolument l'un plus beau que l'autre mais, selon la fantaisie des uns, celui de trois sortes
de figures sera le plus beau, selon celle des autres, celui de quatre, ou de cinq, etc.
Mais ce qui plaira à plus de
gens, pourra être nommé simplement le plus beau, ce qui ne saurait être déterminé.
» DESCARTES, Lettre à
Mersenne, 18 mars 1630
Questions indicatives
qu'est-ce que « le beau » et « l'agréable » pour Descartes ? comment comprenez-vous « un rapport de votre jugement l'objet » ?
Pourquoi, selon Descartes, « on ne peut dire que le beau ni l'agréable aient aucune mesure déterminée »?
Que pensez-vous de l'exemple du parterre et de l'analyse qu'en fait Descartes ?
Importance de la notation « absolument » dans « nommer absolument l'un plus beau que l'autre » ?
Comment comprenez-vous : « pourra être nommé simplement le plus beau » ?
Il peut être éclairant de comparer la position de Descartes (et sa démarche d'approche) au problème du jugement esthétique
selon Kant.
Le jugement déterminant part de l'universel pour l'appliquer au particulier.
A l'inverse du jugement réfléchissant qui part du
particulier pour rejoindre l'universel.
Par exemple, lorsque nous disons que les chats sont des félins, nous subsumons la catégorie "chat" sous celle de "félin" comme
plus générale parce que nous possédons déjà cette généralité.
En revanche, lorsque nous disons que ce tableau de Picasso est un
chef d'oeuvre, nous n'usons pas de la notion de chef d'oeuvre comme d'un outil pour la connaissance.
Le jugement de goût qui porte sur les oeuvres est un jugement réfléchissant cad qu'il n'est pas un jugement de connaissance.
En
revanche, le jugement déterminant n'est pas celui par lequel nous apprécions la beauté, mais celui par lequel nous connaissons.
On en trouve un exposé intéressant dans De la Philosophie de Michel Gourinat, Hachette :
* l'appréciation de l'agréable est individuelle (page 238) ;
* le goût juge universellement (page 238) ;
* le jugement scientifique manque la beauté (page 239) ;
* le jugement rattache le particulier au général (page 239) ;
* dans le jugement déterminant (empirique ou scientifique) * le général est donné d'avance (page 240);
* le jugement réfléchissant (esthétique) prétend sans preuve à l'universalité (page 240) ;
* on peut discuter, mais non disputer du goût (page 248) ;
* l'universalité du jugement de goût est purement subjective (page 251).
ordre des idées
1) Le "beau" est une sorte d' "agréable" : celui qui se rapporte « plus particulièrement » à la vue (car il se rapporte aussi à l'ouïe).
2) Or l'agréable n'est pas une qualité objective mais subjective : il ne signifie « qu'un rapport de votre jugement à l'objet » (un
objet en soi, n'est ni agréable ni désagréable, il ne l'est que pour quelqu'un).
- Analyse de "l'agréable" : c'est ce dont la perception n'est ni trop facile, ni trop difficile.
- Un exemple : un parterre dont les figures seront ordonnées, régulières et pas trop nombreuses, sera généralement jugé
agréable.
Mais chacun préférera tel ou tel arrangement.
3) Donc on ne saurait mesurer objectivement le beau.
On peut simplement dire si une chose plaît à plus ou moins de gens, et en
ce sens seulement on peut la dire plus ou moins belle..
»
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