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DESCARTES

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Me proposant de traiter ici de la lumière, la première chose dont je veux vous avertir est qu'il peut y avoir de la différence entre le sentiment que nous en avons, c'est-à-dire l'idée qui s'en forme en notre imagination par l'entremise de nos yeux, et ce qui est dans les objets qui produit en nous ce sentiment, c'est-à-dire ce qui est dans la flamme ou dans le Soleil, qui s'appelle du nom de Lumière. Car encore que chacun se persuade communément que les idées que nous avons en notre pensée sont entièrement semblables aux objets dont elles procèdent, je ne vois point toutefois de raison qui nous assure que cela soit ; mais je remarque, au contraire, plusieurs expériences qui nous en doivent faire douter. Vous savez bien que les paroles, n'ayant aucune ressemblance avec les choses qu'elles signifient, ne laissent pas de nous les faire concevoir, et souvent même sans que nous prenions garde au son des mots, ni à leurs syllabes ; en sorte qu'il peut arriver qu'après avoir ouï un discours, dont nous aurons fort bien compris le sens, nous ne pourrons pas dire en quelle langue il aura été prononcé. Or, si des mots, qui ne signifient rien que par l'institution des hommes, suffisent pour nous faire concevoir des choses avec lesquelles ils n'ont aucune ressemblance, pourquoi la Nature ne pourra-t-elle pas aussi avoir établi certain signe, qui nous fasse avoir le sentiment de la lumière, bien que ce signe n'ait rien en soi qui soit semblable à ce sentiment ? Et n'est-ce pas ainsi qu'elle a établi les ris et les larmes, pour nous faire lire la joie et la tristesse sur le visage des hommes ? DESCARTES

« " Me proposant de traiter ici de la lumière, la première chose dont je veux vous avertir est qu'il peut y avoir de la différence entre le sentiment que nous en avons, c'est-à-dire l'idée qui s'en forme en notre imagination par l'entremise de nos yeux, et ce qui est dans les objets qui produit en nous ce sentiment, c'est-à-dire ce qui est dans la flamme ou dans le Soleil, qui s'appelle du nom de Lumière.

Car encore que chacun se persuade communément que les idées que nous avons en notre pensée sont entièrement semblables aux objets dont elles procèdent, je ne vois point toutefois de raison qui nous assure que cela soit ; mais je remarque, au contraire, plusieurs expériences qui nous en doivent faire douter. Vous savez bien que les paroles, n'ayant aucune ressemblance avec les choses qu'elles signifient, ne laissent pas de nous les faire concevoir, et souvent même sans que nous prenions garde au son des mots, ni à leurs syllabes ; en sorte qu'il peut arriver qu'après avoir ouï un discours, dont nous aurons fort bien compris le sens, nous ne pourrons pas dire en quelle langue il aura été prononcé.

Or, si des mots, qui ne signifient rien que par l'institution des hommes, suffisent pour nous faire concevoir des choses avec lesquelles ils n'ont aucune ressemblance, pourquoi la Nature ne pourra-t-elle pas aussi avoir établi certain signe, qui nous fasse avoir le sentiment de la lumière, bien que ce signe n'ait rien en soi qui soit semblable à ce sentiment ? Et n'est-ce pas ainsi qu'elle a établi les ris et les larmes, pour nous faire lire la joie et la tristesse sur le visage des hommes ?" DESCARTES La thématique générale du texte Descartes s'interroge sur le rapport entre les objets que nous entreprenons de connaître et le « sentiment » que nous en avons.

Pour rendre manifeste l'illusion qu'il y a à croire spontanément à leur ressemblance, il recourt à une analogie. Analogie : au sens général, ressemblance entre deux choses que l'on compare sous un aspect déterminé.

Identité de rapports. Il y a selon lui le même rapport entre la réalité objective et le sentiment humain qui en est formé qu'entre les choses désignées et les mots, purement conventionnels — donc arbitraires, qui servent à les désigner.

Cette analogie conduit donc à penser le sens du monde, et à supposer une problématique de la connaissance comme déchiffrement de ce monde. La construction du texte • Première phrase : énoncé, à propos d'un domaine précis d'investigation (la lumière) de la thèse fondamentale du texte : affirmation de la différence entre la réalité objective et le sentiment qu'en a l'homme. • Deuxième phrase : évocation de l'illusion commune dont la thèse du texte prend le contre-pied. • Les phrases suivantes du texte (jusqu'à la fin) développent une argumentation sous forme d'analogie.

À l'instar du langage humain qui établit de façon conventionnelle un rapport entre des mots et des choses, la réalité naturelle peut se comprendre par un ensemble de signes qui la font connaître sans pourtant lui ressembler.

La dernière phrase du texte, évoquant les signes des dispositions affectives de l'homme (rires et larmes), parachève l'argumentation.. »

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