Des sociologues expliquent certaines attitudes contemporaines, comme le refus du travail ou d'avoir des enfants, par la crainte de lendemains de plus en plus incertains. Parmi les causes d'une possible angoisse face à l'avenir, quelle est, ou quelles son
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L'homme, comme toute forme vivante, est un être de consommation. Sa condition première d'existence, c'est par conséquent de trouver à se nourrir. Or, aujourd'hui, plus que jamais, cette « quête » fondamentale pour la « nourriture » passe par la recherche d'un emploi, l'exercice d'un véritable « travail ». A l'autre bout de la chaîne de questions bien connue qui va de « comment » à « pourquoi l'homme ? », les scientifiques répondent prudemment que le but de la « machine-homme » est d'améliorer sa propre espèce via le brassage génétique de la reproduction. Aussi, quand des sociologues expliquent les refus contemporains de travailler et de faire des enfants par le caractère incertain de l'avenir, ils se doivent de constater tout d'abord que de telles attitudes isolent l'homme de son sens, le coupent de son amont, comme de son aval, de l'homme nourri comme de l'homme nourricier. Ce qui ressemble à son suicide quasiment biologique est trop radical pour être récent, même si la question demeure de savoir si la peur des années à venir justifie de pareils comportements.
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Des sociologues expliquent certaines attitudes contemporaines, comme le refus du travail ou d'avoir des enfants, par la crainte de
lendemains de plus en plus incertains.
Parmi les causes d'une possible angoisse face à l'avenir, quelle est, ou quelles sont, celle(s) qui
vous touche(nt) le plus et pourquoi ? Si, à l'inverse, vous envisagez le futur avec optimisme, vous développerez vos raisons.
Dans tous
les cas, vous organiserez votre pensée dans un développement structuré.
L'homme, comme toute forme vivante, est un être de consommation.
Sa condition première d'existence, c'est par conséquent de
trouver à se nourrir.
Or, aujourd'hui, plus que jamais, cette « quête » fondamentale pour la « nourriture » passe par la recherche d'un
emploi, l'exercice d'un véritable « travail ».
A l'autre bout de la chaîne de questions bien connue qui va de « comment » à « pourquoi
l'homme ? », les scientifiques répondent prudemment que le but de la « machine-homme » est d'améliorer sa propre espèce via le
brassage génétique de la reproduction.
Aussi, quand des sociologues expliquent les refus contemporains de travailler et de faire des enfants par le caractère incertain de
l'avenir, ils se doivent de constater tout d'abord que de telles attitudes isolent l'homme de son sens, le coupent de son amont, comme
de son aval, de l'homme nourri comme de l'homme nourricier.
Ce qui ressemble à son suicide quasiment biologique est trop radical
pour être récent, même si la question demeure de savoir si la peur des années à venir justifie de pareils comportements.
Ces comportements, Michel et, dans la Sorcière, ne les décelait-il pas déjà au Moyen Age ? « Le serf [...] si pauvre, si misérable, craint
excessivement d'empirer son sort en multipliant des enfants qu'il ne pourra nourrir.
» Autre aspect d'une même attitude de refus :
Jacques Lacarrière évoque dans les Hommes ivres de Dieu la vie de ceux qui, dès les premiers siècles du christianisme, vendent ce
qu'ils possèdent, distribuent leur argent aux pauvres et renoncent au monde.
Vendre ses biens et donner son argent correspond ici au
refus de l'aspect social du monde.
Il est probable que ces hommes — qui par ailleurs refusaient la procréation — aujourd'hui
commenceraient par refuser le travail.
Evidemment leurs motifs s'enracinaient dans le désir de toucher par le dénuement à un absolu.
Mais cette recherche même ne trahit pas autre chose qu'une frustration ressentie à l'intérieur du carcan social.
Pour le serf de Michelet,
il est clair que c'est la peur de l'avenir qui lui fait craindre d'avoir des enfants, et s'il n'arrête pas le travail c'est que le seigneur veille.
Dans les villes, beaucoup moins bien contrôlées que les campagnes, la mendicité se propage, on se mutile même pour en vivre ! Ces
attitudes ont l'âge de notre société.
Et il semble qu'à travers les siècles, lorsqu'on cherche à refuser son emprise, on soit contraint pour
être efficace de s'attaquer au couple travail-argent et au renouvellement de ses membres.
La manifestation la plus proche que nous
puissions en trouver avant d'aborder ses formes tout à fait actuelles est peut être le fait de ces anarchistes de la première moitié de
notre siècle qui allaient jusqu'à se faire stériliser pour ne pas donner au monde de nouvelle « chair à canon ».
Si cette forme bien
radicale n'est plus tout à fait répandue aujourd'hui (encore qu'une « rock-star » anglaise y ait souscrit) c'est peut-être parce que, de
façon masquée, le refus de procréer habite chacun un peu plutôt que certains tout à fait.
Aujourd'hui plutôt que de ne pas faire
d'enfant, ou en fait peu, et seulement si l'on est sûr de pouvoir leur assurer un avenir correctement balisé.
Il en va de même pour le
travail, et ces changements s'inscrivent dans les structures de notre société, reflétant par là-même que d'une façon ou d'un autre ils
répondent à des opérations communes.
L'extension légale de la contraception et de l'avortement d'une part, et du travail à temps
partiel d'autre part, si elles semblent avoir peu en commun avec les refus radicaux des siècles précédents, pourraient bien cependant
être des symptômes différents d'une même incertitude.
Simplement, les sociétés, plus répressives, qui ont précédé, forçaient leurs
membres à adopter dans leur réaction à ces sociétés, le
manichéisme qui présidait à leurs structures mêmes.
La société était acceptée ou refusée avec le même jusqu'au-boutisme.
Celle
d'aujourd'hui offre une souplesse qui permet, pour simplifier, de l'accepter dans la mesure où on l'entend.
Cela explique que le refus global soit moins répandu aujourd'hui : il existe en fait chez chacun d'entre nous, mais est compensé par les
possibilités que l'on a de manifester de petits refus sélectifs.
Certains, toutefois, ne peuvent se contenter de cette compensation.
Sontils plus éclairés ? Paranoïaques ? Il y voient l'excipient sucré qui fait avaler à l'enfant le médicament qu'il refuserait autrement.
Les
tentatives de vie en communauté du début des années soixante-dix comme la multiplication du nombre des clochards dans les grandes
villes des années quatre-vingts sont le signe que certains ne peuvent accepter la société avec tout ce qu'elle apporte de stress et
d'incertitude.
Car elle en apporte.
La peur de perdre son travail augmente avec le chômage.
La peur du krach financier, de la crise
mondiale, augmente à mesure que la société industrielle devient une société financière.
Il en va différemment avec la peur de la
guerre, dont il semble qu'elle croît à mesure que les idées pacifistes se répandent : on irait se battre aujourd'hui avec la mort dans
l'âme plutôt que la fleur au fusil.
Il est vrai que la technique aujourd'hui, et l'arme nucléaire en particulier peut faire craindre la guerre
à une proportion de la population beaucoup plus large, et de façon beaucoup plus radicale.
Cette même technique a par ailleurs un
revers de médaille assez chargé dans le domaine civil : pollution régulière, pollution accidentelle sont à ajouter à la liste des motifs de
peur légitime de l'avenir.
L'avenir est menacé de tous les côtés.
On parle alors d'incertitude.
Mais l'avenir n'est-il pas, par essence, incertain ? Qui peut mettre un
verbe au futur en étant sûr de dire la vérité ? Il serait stupide de nier que des causes d'angoisse existent, et qu'elles sont nombreuses.
Mais si nous lisons à nouveau Jacques Lacarrière à propos de l'ère de la christianisation en Egypte, que trouvons-nous ? Un « climat
singulièrement irrationnel qui persistait en Orient depuis trois siècles : croyance en la fin imminente du monde, angoisse des êtres
devant le désordre d'un univers agonisant et d'une société qu'on juge à jamais corrompue ».
Aussi, optimisme béat ou pessimisme
amer face à l'avenir semble devoir être écartés d'un même geste.
Le pessimisme, parce que l'homme, seul animal à concevoir l'avenir,
sait aussi qu'il ne le maîtrise pas, et attend la fin du monde depuis qu'il sait que celui-ci avance.
Qui plus est, refus de travailler et de
faire des enfants sont sûrement les meilleurs moyens de mener la société à l'impasse tant redoutée.
Mais l'optimisme à tout cran ne
vaut guère mieux.
Il est la tête en l'air qui fait tomber dans le premier trou.
L'avenir gagnerait à être considéré avec pessimisme actif,
ou optimisme vigilant.
Le pessimisme dévoile les
obstacles, l'optimisme est nécessaire pour les surmonter.
Alors n'est-on pas sur la bonne voie ? Contrôler les naissances comme le
taux de C02 dans l'air, savoir se contenter du territoire intérieur aux frontières et bien d'autres choses encore fait qu'aujourd'hui des
mouvements de panique devant l'avenir, comme en l'an mil, sont peu probables.
Rien n'empêchera jamais certains de mal vivre le monde tel qu'il est, quel qu'il soit.
D'ailleurs ceux qui refusent de donner des enfants
à la société sont-ils les plus défavorisés.
Tout indique que ces derniers se posent moins que les autres ce genre de questions.
L'homme
qui refuse la société telle qu'elle est, avec tout ce qu'elle a de pesant, doit pourtant s'y soumettre ou se suicider.
L'alternative est trop
brutale.
La vie a parfois du bon, quant à l'incertitude du post-mortem, elle vaut bien celle du lendemain ! Alors on peut retourner à la
vie primitive, la mendicité tenant lieu de chasse, ou bien se suicider partiellement, en renonçant au prolongement de soi-même qu'est
un enfant.
Mais choisir n'empêchera pas de douter et ceux qui ont opté pour cette dernière solution, comme ceux qui sont restés dans
la « norme » se demanderont parfois si un sommeil sans rêve vaut mieux qu'un sommeil peuplé de rêves et de cauchemars..
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