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De quoi y a-t-il histoire ?

Extrait du document

« Autrui m'est-il indispensable? L'homme ne vit pas seul, il est confronté en permanence à d'autres personnes.

L'existence la plus quotidienne n'en finit pas de nous mettre en contact avec l'altérité.

M ais qu'est ce qu'autrui? C 'est d'abord l'autre, le différent.

Mais généralement nous privilégions sous le nom d'autrui les seuls êtres humains parce que je sens, je présuppose qu'ils partagent avec moi une façon d'être, de voir le monde que le reste des choses n'ont pas.

Pourtant, l'homme vit d'abord dans la solitude de sa conscience et loin d'avoir besoin de l'autre, il semble même être gêné par la présence d'autrui.

C 'est que le rapport entre humains se définit souvent par le conflit, l'autre a envers moi de l'agressivité.

Et pourtant l'homme pourrait vraiment être humain sans l'autre? Pourrait-il survivre sans l'aide des autres? 1.

L'individu est solitaire et autrui n'est qu'une gêne à son épanouissement La réflexion classique ne prend pas en compte l'existence et la dimension d'autrui.

C eci est particulièrement net chez Descartes.

En effet, à travers le cogito, la pensée ne se prend elle-même comme objet de réflexion.

Dans le "je pense, je suis", l'individu est dans la solitude et il naît à la conscience d'autrui, sans l'aide de personne d'autre.

La conscience de soi est ici première et ne passe pas par l'autre dont l'existence est d'ailleurs provisoirement mise en doute. De plus, la loi de la vie humaine, c'est le conflit, c'est l'asservissement de la conscience d'autrui.

Hegel affirme que toute conscience poursuit la mort de l'autrui.

"C hacun tend à la mort de l'autre." L'autre est en effet ce qui entrave ma liberté, qui peut être dangereux pour moi puisque je ne peux pas le maîtriser, ni savoir ce qu'il va faire.

Et Kant n'hésite pas à dire que l'homme "abuse à coup sûr de sa liberté à l'égard de ses semblables"( Philosophie de l'histoire).

De même que Rousseau affirme que "on fait souvent ce qui déplaît à autrui." Beaucoup de philosophes admettent en effet que l'homme est naturellement insociable et que le propre de toute relation inter-humaine est le conflit. Freud plus tard voit dans tout homme un penchant à l'agression.

"le prochain n'est pas seulement une aide[...] mais aussi une tentation, celle de satisfaire sur lui son agression, d'exploiter sans dédommagement sa force de travail[...], de s'approprier ce qu'il possède, de l'humilier, de lui causer des douleurs, de le martyriser et de le tuer."( Malaise dans la civilisation) Sartre ira même jusqu'à dire que "l'enfer c'est les autres". L'homme dès lors ne semble pas avoir besoin d'autrui, plus même, autrui semble être une gêne, un obstacle à son propre épanouissement. 2.

L'homme ne peut vivre seul, il a besoin de l'autre Et pourtant, il est reconnu par beaucoup de philosophes dans la tradition, que l'homme ne peut vivre seul, que c'est un animal social et politique.

Pour Kant, les hommes se rassemblent parce qu'ils savent que cela est nécessaire pour leur survie.

Il est plus sécurisant de vivre à plusieurs, la réciprocité des services permet à chacun de vivre mieux et de ne pas être à la merci des conditions et des phénomènes naturels. Mais il ne s'agit pas d'avoir besoin d'autrui pour vivre.

Nous avons besoin d'autrui parce qu'il nous aide à nous constituer, mais aussi parce qu'il donne épaisseur et sens au monde.. En effet, sans autrui, sans le regard d'autrui sur soi, on ne saurait atteindre la conscience de soi.

C 'est une erreur d'imaginer que je puisse me découvrir en faisant abstraction du monde et des autres, comme le suggère le doute cartésien.

Le regard que l'on peut avoir sur soi dépend du regard qu'autrui a de soi : l'autre est un médiateur entre moi et moi-même.

A insi pour Hegel une conscience ne peut être véritablement une conscience que si elle est reconnue comme tel par une autre conscience. Dans une même lignée, Sartre affirme que je me vois tel qu'autrui me voit et autrui est constitutif de la conscience de soi spontanée que chacun a : ce qu'on est pour soi, c'est d'abord ce qu'on est pour autrui. Sartre, dans L'Être et le Néant (3e partie, ch.

I, I), pose que la présence d'autrui est essentielle à la prise de conscience de soi.

Il en fait la démonstration par l'analyse de la honte.

J'ai honte de moi tel que j'apparais à autrui, par exemple si je suis surpris à faire un geste maladroit ou vulgaire.

La honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un.

Elle est immédiate, non réflexive.

La honte est un frisson immédiat qui me parcourt de la tête aux pieds sans préparation discursive.

L'apparition d'autrui déclenche aussitôt en moi un jugement sur moi-même comme objet, car c'est comme objet que j'apparais à autrui.

La honte est, par nature, reconnaissance.

Je reconnais que je suis comme autrui me voit.

La honte est honte de soi devant autrui; ces deux structures sont inséparables.

Ainsi j'ai besoin d'autrui pour saisir à plein toutes les structures de mon être.

A utrui, c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi et que je ne suis pas.

La présence d'autrui explicite le «Je suis je» et le médiateur, c'est-à-dire l'intermédiaire actif, l'autre conscience qui s'oppose à ma conscience, c'est l'autre.

Le fait premier est la pluralité des consciences, qui se réalise sous la forme d'une double et réciproque relation d'exclusion : je ne suis pas autrui et autrui n'est pas moi.

C 'est par le fait même d'être moi que j'exclus l'autre comme l'autre est ce qui m'exclut en étant soi. A vec la honte nous sommes en présence d'un de ces exemples-types, qui, comme nous l'avons dit', font preuve.

La même analyse pourrait être faite, comme Sartre lui-même le suggère, sur la fierté ou l'orgueil, et ce serait un bon exercice pour le lecteur de la tenter.

Sur cette médiation entre moi et moi par l'autre, Sartre se reconnaît tributaire de Hegel, qui a montré, dans la Phénoménologie de l'Esprit, que la lutte pour la reconnaissance doit avoir pour aboutissement cette certitude : je suis un être pour soi qui n'est pour soi que par un autre.

L'intérêt de la formule de Sartre, c'est qu'elle pose le problème d'autrui en deçà, en quelque sorte, de la question de la connaissance de soi et qu'elle en apparaît comme le fondement. 3.

Autrui comme fondement de mon être m'oblige à le respecter A insi, pour Levinas, le fait qu'autrui soit au fondement même de mon être, soit la condition nécessaire de ma propre constitution, m'oblige à respecter autrui. Pour lui, le visage d'autrui porte l'interdiction de la violence, le "tu ne tueras point".

A utrui est donc avant tout celui qui fait naître en moi l'exigence éthique. En effet, tant que l'homme ne vit sans connaître l'homme, il ne peut pas faire la différence entre ce qui lui appartient, le monde et ce qui n'est pas lui.

Levinas affirme que le règne du même est le règne de la guerre.

L'irruption d'autrui dans mon monde, me confronte avec ce que je ne peux maîtriser.

A utrui me résistera toujours.

Même sous la menace, il peut user de sa liberté et refuser de me donner ce que je lui demande.

Autrui est donc ce qui interrompt l'illusion de puissance et la violence de l'individu. S'ouvrir à autrui est donc un gage d'humilité, la prise de conscience que je ne suis pas le centre du monde, que je ne suis unique et seul au monde.

A insi, comme l'explique Freud, le petit enfant est persuadé que tous ses désirs seront assouvis selon le principe de plaisir, c'est à travers ce que les autres lui accordent ou lui interdisent qu'il prend conscience qu'il ne lui est pas tout permis de faire, en quelque sorte, qu'il n'est pas le maître du monde. Respecter autrui, c'est alors le poser comme limite à mon droit naturel d'user de toutes choses et des autres à mon profit.

A utrui me destitue de mon amour-propre et de l'égocentrisme. Dans un premier temps, l'individu s'éprouve lui-même par l'introspection, dans la solitude de sa conscience et si l'autre intervient, c'est généralement pour entraver sa liberté et son bonheur.

Mais nous vivons dans un monde où la rencontre de l'autre est perpétuel, nous partageons le monde avec autrui. L'homme est un être social, d'une part parce qu'il a besoin de l'aide des autres pour subsister mais aussi parce que sans l'autre, l'homme ne peut pas réellement prendre conscience de lui-même, seul la médiation par autrui lui permet de savoir ce qui lui appartient et ce qui lui est étranger.

Mais, d'autre part, de par ce fait même, l'homme a une obligation envers autrui, celle du respect.

Et la confrontation avec ce dernier lui permet de trouver l'humilité et d'abandonner l'idée qu'il est le maître du monde.

Cette limitation par l'autre de ma puissance est la seule condition pour me faire devenir pleinement humain.. »

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