De quoi est faite la rigueur d'un raisonnement ?
Extrait du document
«
Introduction.
Un raisonnement est une suite discursive de propositions aboutissant à une conclusion, c'est-à-dire à
une proposition terminale qui résulte plus ou moins nécessairement des propositions précédentes.
C'est dans la
déduction que cette nécessité logique est la plus rigoureuse : la conclusion y apparaît comme une conséquence
nécessaire des principes posés.
C'est donc sur la déduction que nous étudierons d'abord « de quoi est faite la
rigueur d'un raisonnement », quitte à examiner ensuite si nos conclusions peuvent s'étendre aux autres types.
I.
La rigueur de la déduction.
Pourquoi la déduction est-elle la forme la plus rigoureuse du raisonnement? C'est parce qu'elle part de principes
clairement formulés et qu'elle progresse de proche en proche, à partir de là, jusqu'à la conséquence à l'aide de
concepts nettement définis.
Dans le cas du syllogisme, un concept intermédiaire suffit : le moyen terme, et le
rapport logique est ici très simple : c'est un rapport d'inclusion du moyen terme dans le grand terme, attribut de la
conclusion, et du petit terme, sujet de la conclusion, dans le moyen.
Dans la déduction constructive telle que la
démonstration mathématique, la chose est plus complexe; on a besoin, le plus souvent, d'une pluralité de concepts
intermédiaires et ces concepts ne s'incluent plus les uns les autres, ils se construisent les uns avec les autres; mais
ce sont toujours ces concepts intermédiaires qui jouent le rôle essentiel, avec les liaisons logiques qui les unissent.
Ainsi, comme l'a affirmé HAMELIN, c'est le moyen terme (au sens large, c'est-à-dire le concept intermédiaire) qui est
la « pièce maîtresse », le "principe générateur", la « cheville ouvrière » du raisonnement.— Observons d'ailleurs que,
le concept étant lui-même un système de rapports, on peut dire avec HAMELIN que « le moyen terme, c'est le
rapport »; et le raisonnement, c'est « l'intelligence elle-même n en tant que faculté de saisir les rapports.
La rigueur
du raisonnement dépend de la rigueur, c'est-à-dire de la cohérence logique de ces rapports, et c'est lorsqu'ils sont
parfaitement rigoureux que le raisonnement se parfait en intuition intellectuelle qui assure, comme le recommandait
DESCARTES, la continuité logique de la pensée.
II.
Les autres types de raisonnement.
Cette analyse de la déduction nous éclaire sur le degré de rigueur qu'on peut
attendre des autres types de raisonnement.
A.
— L'induction, dans la mesure où elle est, à proprement parler, un
raisonnement, utilise, elle aussi, des concepts.
Mais ici, ces concepts doivent
être élaborés et déterminés grâce à l'expérience.
D'autre part, l'induction
expérimentale étant amplifiante, le problème se pose, dans chaque cas, de
savoir jusqu'où s'étend le domaine dans lequel ces concepts sont applicables,
c'est-à-dire dans quelle mesure on peut généraliser.
On conçoit dès lors que
la rigueur de l'induction soit moindre que celle de la déduction.
B.
— Bien moindre encore est la rigueur du raisonnement par analogie, celui-ci
se fondant plutôt sur des ressemblances qualitatives et extérieures que sur
des concepts bien définis et exprimant des propriétés essentielles des êtres
ou des phénomènes.
En outre, la liaison entre les concepts, loi lorsqu'ils
existent, y est faible et incertaine et ne présente plus aucune nécessité
logique.
Aussi le raisonnement par analogie manque-t-il de rigueur : à vrai
dire, c'est à peine un raisonnement.
C.
— Il existe enfin des formes non logiques de raisonnement, telles que le raisonnement affectif, le raisonnement
enfantin, etc., dans lesquelles les concepts, d'ailleurs plus ou moins flottants, ne sont plus que des prétextes par
lesquels on s'efforce de justifier après coup la conclusion.
C'est dire que ces formes de raisonnement sont dénuées
de toute rigueur.
Conclusion.
La rigueur d'un raisonnement est donc faite : 1° de la détermination précise des concepts qui y entrent
(d'où la nécessité de la définition); — 2° de la rigueur (c'est-à-dire de la cohérence logique) des rapports établis
entre ces concepts.
"Tout raisonnement, dit D.
ROUSTAN (La Raison et la vie, p.
101), est une substitution de
termes et la rigueur du raisonnement est en proportion de la similitude [nous dirions : de l'équivalence] des termes
substitués"..
»
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