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David HUME

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Un pyrrhonien ne peut s'attendre à ce que sa philosophie ait une influence constante sur l'esprit ; ou, si elle en a, que son influence soit bienfaisante pour la société. Au contraire, il lui faut reconnaître, s'il veut reconnaître quelque chose, qu'il faut que périsse toute vie humaine si ses principes prévalaient universellement et constamment. Toute conversation et toute action cesseraient immédiatement, et les hommes resteraient dans une léthargie totale jusqu'au moment où l'inassouvissement des besoins naturels mettrait une fin à leur misérable existence. Il est vrai, un événement aussi fatal est très peu à craindre. La nature est toujours trop puissante pour les principes. Bien qu'un pyrrhonien puisse se jeter, lui et d'autres, dans une confusion et un étonnement momentanés par ses profonds raisonnements, le premier et le plus banal événement de la vie fera s'envoler tous ses doutes et tous ses scrupules, et il le laisse identique, en tout point, pour l'action et pour la spéculation, aux philosophes de toutes les autres sectes et à tous les hommes qui ne se sont jamais souciés de recherches philosophiques. Quand il s'éveille de son rêve, il est le premier à se joindre au rire qui le ridiculise (...). Il y a, certes, un scepticisme plus mitigé, une philosophie académique, qui peut être à la fois durable et utile et qui peut, en partie, résulter du pyrrhonisme, de ce scepticisme outré, quand on en corrige, dans une certaine mesure, le doute indifférencié par le sens commun et la réflexion. Les hommes, pour la plupart, sont naturellement portés à être affirmatifs et dogmatiques dans leurs opinions ; comme ils voient les objets d'un seul côté et qu'ils n'ont aucune idée des arguments qui servent de contrepoids, ils se jettent précipitamment dans les principes vers lesquels ils penchent, et ils n'ont aucune indulgence pour ceux qui entretiennent des sentiments opposés. Hésiter, balancer, embarrasse leur entendement, bloque leur passion et suspend leur action. Ils sont donc impatients de s'évader d'un état qui leur est aussi désagréable, et ils pensent qu'ils ne peuvent s'en écarter assez loin par la violence de leurs affirmations et l'obstination de leurs croyances. Mais si de tels raisonneurs dogmatiques pouvaient prendre conscience des étranges infirmités de l'esprit humain, même dans son état de plus grande perfection, même lorsqu'il est le plus précis et le plus prudent dans ses décisions, une telle réflexion leur inspirerait naturellement plus de modestie et de réserve et diminuerait l'opinion avantageuse qu'ils ont d'eux-mêmes et leur préjugé contre leurs adversaires (...). En général, il y a un degré de doute, de prudence et de modestie qui, dans les enquêtes et les décisions de tout genre, doit toujours accompagner l'homme qui raisonne correctement. David HUME

« Un pyrrhonien ne peut s'attendre à ce que sa philosophie ait une influence constante sur l'esprit ; ou, si elle en a, que son influence soit bienfaisante pour la société.

Au contraire, il lui faut reconnaître, s'il veut reconnaître quelque chose, qu'il faut que périsse toute vie humaine si ses principes prévalaient universellement et constamment.

Toute conversation et toute action cesseraient immédiatement, et les hommes resteraient dans une léthargie totale jusqu'au moment où l'inassouvissement des besoins naturels mettrait une fin à leur misérable existence.

Il est vrai, un événement aussi fatal est très peu à craindre.

La nature est toujours trop puissante pour les principes.

Bien qu'un pyrrhonien puisse se jeter, lui et d'autres, dans une confusion et un étonnement momentanés par ses profonds raisonnements, le premier et le plus banal événement de la vie fera s'envoler tous ses doutes et tous ses scrupules, et il le laisse identique, en tout point, pour l'action et pour la spéculation, aux philosophes de toutes les autres sectes et à tous les hommes qui ne se sont jamais souciés de recherches philosophiques.

Quand il s'éveille de son rêve, il est le premier à se joindre au rire qui le ridiculise (...). Il y a, certes, un scepticisme plus mitigé, une philosophie académique, qui peut être à la fois durable et utile et qui peut, en partie, résulter du pyrrhonisme, de ce scepticisme outré, quand on en corrige, dans une certaine mesure, le doute indifférencié par le sens commun et la réflexion.

Les hommes, pour la plupart, sont naturellement portés à être affirmatifs et dogmatiques dans leurs opinions ; comme ils voient les objets d'un seul côté et qu'ils n'ont aucune idée des arguments qui servent de contrepoids, ils se jettent précipitamment dans les principes vers lesquels ils penchent, et ils n'ont aucune indulgence pour ceux qui entretiennent des sentiments opposés. Hésiter, balancer, embarrasse leur entendement, bloque leur passion et suspend leur action.

Ils sont donc impatients de s'évader d'un état qui leur est aussi désagréable, et ils pensent qu'ils ne peuvent s'en écarter assez loin par la violence de leurs affirmations et l'obstination de leurs croyances.

Mais si de tels raisonneurs dogmatiques pouvaient prendre conscience des étranges infirmités de l'esprit humain, même dans son état de plus grande perfection, même lorsqu'il est le plus précis et le plus prudent dans ses décisions, une telle réflexion leur inspirerait naturellement plus de modestie et de réserve et diminuerait l'opinion avantageuse qu'ils ont d'eux-mêmes et leur préjugé contre leurs adversaires (...).

En général, il y a un degré de doute, de prudence et de modestie qui, dans les enquêtes et les décisions de tout genre, doit toujours accompagner l'homme qui raisonne correctement. Le scepticisme strict est impraticable parce qu'il est, comme dit Spinoza, condamné au silence de peur d'admettre quelque chose qui ait odeur de vérité.

L'approche « dogmatique » de la vérité aurait pourtant tort de triompher trop vite.

Hume montre ici qu'il peut exister un scepticisme modéré qui n'empêche ni d'affirmer, ni de croire, ni d'agir. Dans le premier paragraphe, Hume objecte au scepticisme « outré » (la doctrine de Pyrrhon d'Élis) son impossibilité à être une philosophie pratiquement applicable dans la vie.

L'objection est décisive, mais un tel scepticisme demeure théoriquement valable et les doutes qu'il suscite résultent de « profonds raisonnements ». Il faudra donc — c'est l'objet de la deuxième partie — substituer à ce scepticisme « outré » un scepticisme « mitigé », qui n'empêche pas de croire, ni d'agir, mais permet de battre en brèche le dogmatisme spontané de l'esprit humain.

Ce scepticisme mitigé aura alors comme principale vertu de montrer le caractère peu assuré de nos opérations cognitives, même les plus fiables, c'est-à-dire de poser le problème de la vérité en termes de croyance, et non de certitude. Introduction : Cet extrait de L’Enquête sur l’entendement humain de Hume a pour objet une étude des causes ainsi que la critique du dogmatisme.

L’opposition du dogmatisme au scepticisme structure effectivement le texte avec la figure éminente du doute.

Néanmoins au-delà de la critique du dogmatisme, Hume en montre le fondement tout psychologique de ce dernier et la naturalité de ce point de vue affirmatif en rapport notamment à un besoin impérieux d’ordre.

Mais Hume critique aussi la valeur du doute du scepticisme pyrrhonien qui est destructeur aussi de toute science.

Ainsi ce texte se structure logiquement en trois moments : l’étude de la naturalité du dogmatisme et sa critique (1 ère partie : du début de texte à « ils n'ont aucune indulgence pour ceux qui entretiennent des sentiments opposés »), le refus dogmatique du doute et ses raisons (2nd partie : de « Hésiter, balancer, embarrasse leur entendement » à « par la violence de leurs affirmations et l'obstination de leurs croyances ») ; enfin la déclinaison du scepticisme académique (3ème partie : de « Mais si de tels raisonneurs dogmatiques pouvaient prendre conscience des étranges infirmités de l'esprit humain » à la fin du texte).

C’est suivant ces trois moments que nous entendons rendre compte du texte.. »

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