David HUME
Extrait du document
«
Tous les objets de la raison humaine ou de nos recherches peuvent se
diviser en deux genres, à savoir les relations d'idées et les faits.
Du
premier genre sont les sciences de la géométrie, de l'algèbre et de
l'arithmétique et, en bref, toute affirmation qui est intuitivement ou
démonstrativement certaine.
Le carré de l'hypoténuse est égal au carré
des deux côtés, cette proposition exprime une relation entre ces figures.
Trois fois cinq est égal à la moitié de trente exprime une relation entre
ces nombres.
Les propositions de ce genre, on peut les découvrir par la
seule opération de la pensée, sans dépendre de rien de ce qui existe dans
l'univers.
Même s'il n'y avait jamais eu de cercle ou de triangle dans la
nature, les vérités démontrées par Euclide conserveraient pour toujours
leur certitude et leur évidence.
Les faits, qui sont les seconds objets de la raison humaine, on ne les
établit pas de la même manière ; et l'évidence de leur vérité, aussi
grande qu'elle soit, n'est pas d'une nature semblable à la précédente.
Le
contraire d'un fait quelconque est toujours possible, car il n'implique pas
contradiction et l'esprit le conçoit aussi facilement et aussi distinctement
que s'il concordait pleinement avec la réalité.
Le soleil ne se lèvera pas
demain, cette proposition n'est pas moins intelligible et elle n'implique
pas plus contradiction que l'affirmation : il se lèvera.
Nous tenterions donc
en vain d'en démontrer la fausseté.
Si elle était démonstrativement
fausse, elle impliquerait contradiction et l'esprit ne pourrait jamais la
concevoir distinctement.
Le calcul qui rend une conclusion immanquable est, on l'a vu, le critère de vérité que Leibniz oppose à l' « intuition »
cartésienne.
Mais pour l'intelligence humaine, toute vérité ne se prête pas de la même façon au calcul; et il faut
distinguer entre deux sortes de vérités : les « vérités de raisonnement » et les « vérités de fait ».
(Hume reprendra
cette distinction de Leibniz entre les genres de vérité.)
1.
Les « relations d'idées ».
Relevant du domaine mathématique, elles sont établies par démonstration, c'est-à-dire
selon des raisons nécessaires.
Leibniz les appelait aussi « vérités nécessaires » ou « vérités identiques ».
Elles
atteignent donc une parfaite certitude.
Elles sont également vraies a priori, c'est-à-dire indépendamment de
l'observation et de l'expérience : elles ne dépendent pas de l'état du monde, et « on peut les découvrir par la seule
opération de la pensée ».
Enfin, puisque leur certitude tient, comme leur nom l'indique, au caractère nécessaire de la
relation qu'elles établissent entre leurs éléments (par exemple, en mathématiques, entre deux grandeurs), elles ne
tiennent pas à la nature des éléments eux-mêmes.
Quand le texte parle de certitude intuitive ou d'évidence, ce n'est
pas de l'intuition chez Descartes qu'il faut le rapprocher : ce qui est, pour Hume, « évident » n'est pas ce que l'idée
représente, mais bien la forme de la relation qui unit ses éléments (sur le caractère formel de telles vérités).
2.
Les « faits ».
Pareils aux « vérités de fait » de Leibniz, et contrairement aux « relations d'idées », les raisonnements
portant sur les faits sont contingents : « le contraire d'un fait n'implique pas contradiction », autrement dit il est
toujours concevable, et donc possible — même s'il ne se produit jamais.
Hume en tire une conséquence très importante
: la certitude d'un raisonnement portant sur les faits ne pourra jamais être aussi parfaite que la certitude d'une «
relation d'idées », puisqu'un fait n'a aucune nécessité logique de se produire.
Il verra là un argument en faveur de son
scepticisme : dans le domaine des faits, il faut se contenter d'une vérité probable, et penser la connaissance en
termes de croyance et non de certitude.
Remarques sur l'objet du texte.
Le statut des mathématiques dans l'histoire de la pensée mérite une attention particulière.
La certitude et l'évidence
de leurs propositions, dans le cadre d'un système d'axiomes déterminé, contraste avec les difficultés rencontrées
lorsqu'il est question de faits d'expérience.
L'évidence empirique de ces derniers n'a rien d'une évidence rationnelle.
Comment rendre compte de cette différence et en tirer les conséquences pour comprendre la spécificité de chaque
type de science ? Si la pensée veut se comprendre elle-même en tant qu'elle a égard à des objets de réflexion
distincts, elle ne peut faire l'économie d'une analyse de son propre fonctionnement, et des principes dont il relève dans
les différentes formes de son activité.
Le texte de Hume s'articule autour d'une thèse centrale : la distinction des
objets de la raison humaine correspond à la distinction des statuts et des formes d'activité de la pensée elle-même.
Analyse de la construction du texte.
Après l'énoncé de la thèse générale, le texte comporte deux grands moments, qui correspondent aux deux termes de la
distinction (entre relations d'idées et faits).
La première phrase expose une distinction clé, que les deux grands.
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