David HUME
Extrait du document
«
« Parmi un millier d'opinions différentes que les hommes divers
entretiennent sur le même sujet, il y en a une, et une seulement, qui est
juste et vraie.
Et la seule difficulté est de la déterminer et de la rendre
certaine.
Au contraire, un millier de sentiments différents, excités par le
même objet, sont justes, parce qu'aucun sentiment ne représente ce qui
est réellement dans l'objet.
Il marque seulement une certaine conformité
ou une relation entre l'objet et les organes ou facultés de l'esprit, et si
cette conformité n'existait pas réellement, le sentiment n'aurait jamais
pu, selon toute possibilité, exister.
La beauté n'est pas une qualité
inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l'esprit
qui la contemple, et chaque esprit perçoit une beauté différente.
Une
personne peut même percevoir de la difformité là où une autre perçoit de
la beauté.
Et tout individu devrait être d'accord avec son propre
sentiment, sans prétendre régler ceux des autres.
» HUME.
QUESTIONS
1.
Dégagez l'idée principale du texte et les étapes de son argumentation.
2.
Expliquez :
a.
« aucun sentiment ne représente ce qui est réellement dans l'objet » ;
b.
« la beauté n'est pas une qualité inhérente aux choses ».
3.
Peut-on se tromper en disant qu'une chose est belle ?
QUESTION 1
Hume soutient que «la beauté n'est pas une qualité inhérente aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans
l'esprit qui la contemple ».
Cela signifie qu'il n'y a de beauté que pour un esprit capable de la ressentir : autant de
sentiments, autant de beautés.
Le texte procède en deux moments : une opposition, puis la conclusion, qui fait office
de thèse.
1.
Il oppose d'abord le registre de la vérité théorique à celui de la vérité artistique.
Même si l'on trouve de nombreuses
opinions différentes sur un sujet et qu'on a du mal à déterminer laquelle est la bonne, il demeure qu'il n'y en a qu'une.
Car la vérité désigne une adéquation entre ce que l'on pense et la chose.
En revanche, le sentiment a en lui-même son
propre critère.
Il varie en fonction des personnes (l'âge, le sexe, le caractère, l'éducation...) et n'est pas spécifique à
l'objet.
Deux individus peuvent ressentir des sentiments différents et même opposés devant un même objet.
2.
Puisque le beau relève du sentiment, alors, il n'est pas universel.
C'est le ressenti particulier de chaque individu qui
le détermine, pour cet individu et non pour un autre.
QUESTION 2
a.
« aucun sentiment ne représente ce qui est réellement dans l'objet »
Cela signifie que le sentiment est un état de l'âme et non une propriété des choses.
La nostalgie n'est pas dans la
musique que l'on écoute, mais dans notre esprit, qui brasse ses souvenirs.
La preuve : la même musique peut susciter
un sentiment très différent chez quelqu'un d'autre et même chez nous, à d'autres moments de notre existence.
b.
« la beauté n'est pas une qualité inhérente aux choses »
Il n'y a pas de beauté ou de laideur en soi.
Car la beauté relève du sentiment.
Puisque le sentiment est subjectif (voir
2 a.), la beauté l'est aussi.
On pourrait confronter la démarche de Hume à celle de Platon qui, dans l'Hippias majeur,
oppose « ce que c'est que » le beau (l'essence du beau, ti esti), à ses diverses manifestations, « ce qui » est beau.
Hippias, lui, cherche des exemples : une belle jeune fille, une belle cuillère...
Hume lui répondrait sans doute de se fier à
son sentiment : si telle jeune fille paraît belle à Hippias, alors elle « est» telle, telle pour lui.
QUESTION 3
[Introduction]
Deux cas de figure peuvent se présenter lorsqu'on affirme qu'une chose « est » belle.
Soit on en est intimement
convaincu, parce que notre sentiment ne laisse aucune place au doute ; soit on la dit telle pour se conformer à un
jugement répandu, sans pour autant ressentir au fond de soi cette beauté.
Dans le premier cas, on est honnête avec
soi-même, mais rien ne nous assure que la chose soit belle dans l'absolu : elle l'est pour nous, mais l'est-elle pour les
autres ? Dans le second cas, on se trompe soi-même, par crainte de passer pour un idiot, et l'on se conforme au goût
des autres.
Or pouvons-nous affirmer la Joconde «belle », Si nous n'éprouvons pas au fond de nous un sentiment de
beauté ? Pourquoi untel s'extasie t-il devant un portrait de Picasso, alors que tel autre le trouve difforme ?
La question posée est celle du jugement de goût.
Se demander si l'on peut se tromper en disant qu'une chose est belle
revient à affronter un paradoxe : comment ne pas faire confiance à son sentiment devant une oeuvre d'art ? Mais
comment partager ce sentiment, pour être en mesure de discuter avec autrui de la beauté ? Comment être fidèle à ce
que l'on ressent sans pour autant compromettre la possibilité même d'une esthétique, d'une « science » du beau ?
[I.
On ne peut pas se tromper lorsqu'on affirme qu'une chose est belle ].
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- David HUME - Traité de la nature humaine - livre I, quatrième partie, section VI
- David HUME
- David HUME
- David HUME
- David HUME