Dans une action collective, qui est responsable ?
Extrait du document
«
Contrairement à l'action individuelle, qui est celle d'un individu unique, l'action collective est celle de plusieurs
individus.
Le première question qui se pose quand on passe du singulier au pluriel est de savoir si l'action collective
doit être comprise comme une somme d'action individuelle, ou bien si elle constitue une réalité à part entière, que
l'on ne peut pas comprendre seulement en additionnant les actions individuelles.
On peut prendre l'exemple d'une
manifestation, qui est une action collective.
Est-ce que le sens total de cette action peut se comprendre à partir du
fait que des individus marchent dans la rue pour protester, ou bien est-ce que le fait qu'ils le fassent à plusieurs
changent le sens de cette action ? Il semble bien que ce sens change effectivement.
Mais alors se pose la question
de la responsabilité de l'action collective.
Si l'action collective est bien l'action du groupe en tant que groupe,
comment assigner une responsabilité à quelqu'un ? On peut ici réfléchir à partir de la structure de l'action.
Dans
l'action il y a trois grandes phases, que sont la délibération (évaluer les moyens dont on dispose), la décision (se
déterminer pour un parti), et l'accomplissement (le passage à l'acte).
Dès lors on peut se demander si la
responsabilité dans l'action collective doit revenir à ceux qui calculent et décident, ou à ceux qui agissent.
I.
Celui qui est responsable, c'est celui qui décide, car il oriente l'action
On peut tout d'abord penser que la phase la plus importante de l'action est celle de la décision, car c'est à
ce moment que l'on se détermine pour telle ou telle action.
Si l'on prend le cas d'une structure hiérarchique de type
militaire, on peut penser que les soldats sont de simples exécutants qui ne font qu'obéir aux ordres, et que c'est le
chef militaire qui est responsable de l'action collective militaire (en effet puisque le soldat doit obéir, si le chef donne
l'ordre de tirer, il tire, mais c'est le chef qui est responsable de l'action, car sans lui le soldat n'aurait pas tiré).
Ainsi,
Dans le Phédon, Platon explique par la voix de Socrate, que ce sont les chefs de la cité qui sont responsable des
actions des citoyens de la cité.
Socrate déplore que ces chefs ne soient pas capables de prendre de bonnes
décision servant le bien commun, et se plaignent pourtant des actions des citoyens, alors que ce sont eux qui en
sont responsables.
Ainsi on peut considérer que dans une action collective, c'est le chef, celui qui prend la décision,
qui est responsable de l'action.
II.
La responsabilité incombe à ceux qui accomplissent l'action
Dire que c'est celui qui décide qui est responsable de l'action collective, c'est présupposer qu'il y a toujours
un décideur à la source d'une action, or ce n'est pas nécessairement le cas.
Pour s'en convaincre, on peut prendre
l'exemple de la révolution française de 1848, telle que la décrit Flaubert au début de L'éducation sentimentale.
Dans
la description qu'en donne Flaubert, on voit bien qu'il s'agit d'une révolte spontanée des étudiants et des ouvriers,
qui n'est menée par aucun chef particulier.
Dès lors, s'il n'y a pas d'instance décisionnaire assignable, on peut
penser que ce sont ceux qui accomplissent l'action qui sont responsables.
Mais on peut aussi considérer que si celui
qui accomplit l'action est responsable, ce n'est pas seulement parce qu'il n'y a pas de décideur pour le groupe dans
son ensemble, mais parce que chacun décide quand même pour lui d'obéir ou pas aux ordres.
C'est ainsi que Kant
explique dans la Critique de la raison pratique, que chacun connaît toujours quel est son devoir, et qu'il ne peut
jamais se prévaloir du fait qu'il ne fait qu'obéir à un ordre, parce que l'homme est un être rationnel, c'est-à-dire
capable de se fixer lui-même les actions à accomplir, selon des principes moraux.
III.
La responsabilité incombe à la fois à ceux qui décident et à ceux qui agissent.
Les deux conceptions que nous avons développées plus haut manquent en réalité le fait qu'une action
collective est une réalité à part entière, qui ne peut pas être pensée à partie de l'action individuelle.
En effet,
comme l'explique Hannah Arendt dans Condition de l'homme moderne, l'action collective est une action qui
nécessite deux choses.
Il faut d'une part des individus qui propose des buts à accomplir, et d'autre part d'autres
individus qui acceptent ces buts, et les reprennent à leur compte.
Ainsi si l'on prend l'exemple des crimes contre
l'humanité perpétrés par les Nazis durant le seconde guerre mondiale, les dirigeants Nazis sont responsables d'avoir
proposé des buts criminels, mais les soldats qui ont accepté de réaliser ces buts sont également responsables, car
s'il n'avaient pas accepté d'accomplir les ordres, ces crimes n'auraient pas eu lieu.
Conclusion
Dans l'action collective, on peut considérer que ce sont ceux qui décident qui sont responsables, car ce
sont eux qui donnent l'orientation de l'action.
Mais d'autre part, on se rend compte qu'il y a des actions où il n'y a
pas de décideurs que l'on puisse tenir pour responsables, et l'on est alors bien obligé de reconnaître que ceux qui
ont accompli spontanément l'action sont tout de même responsables.
En réalité, le propre de l'action collective est
le fait que des buts proposés par certains soient accomplis par d'autres.
Or dans cette structure les deux
contribuent à l'accomplissement de l'action, donc les deux sont responsables..
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