Dans tout amour, n'aime-t-on jamais que soi?
Extrait du document
«
L'amour est ce sentiment dans lequel je me sens comme dépossédé de moi-même en raison du fait que toute mes
pensées sont tournées vers l'aimé(e).
Aimer un être c'est lui vouloir du bien, et en ce sens l'amant est près à tout
et parfois même au pire pour réaliser cette exigence.
Dans cette perspective, l'amour apparaît fondamentalement comme étant un sentiment désintéressé.
Il s'apparente
alors à la dévotion puisque je considère l'autre comme étant infiniment supérieur à moi.
Mais l'amour est-il en son
essence de l'ordre de la dévotion ?
Nous avons tous entendu au cours de conversations portant sur l'amour, nos amis parler de leurs déceptions
amoureuses : « je ne l'aime plus, il ne me fait plus de cadeaux » ou « je me suis trompé, il ne répondait pas à mes
désirs.
».Ici on constate avant tout qu'en amour il s'agit d'aimer mais aussi d'être aimé.
Or cette preuve d'amour
passe souvent par la réalisation de la part de l'aimé des désirs de l'amant.
Ainsi l'aimé(e) est parfois utilisé(e),il ou
elle devient un moyen pour satisfaire des désirs flattant l'image de l'amant.
Dans cette perspective l'amour semble
être un phénomène narcissique où l'aimé(e) est utilisé(e) au gré des fantasmes de l'amant.
Mais peut-on affirmer
que l'amour est fondamentalement un phénomène narcissique ? Dans tout amour, n'aime-t-on jamais que soi ?
L'amour revêt plusieurs formes, en ce sens il s'agira de savoir si un amour désintéressé est possible.
I L'amour et la question du choix
A : Dans De l'Amour, Stendhal montre qu'aimer c'est doter de perfections.
La seconde idée c'est d'affirmer que
l'attribution de ces qualités est due au travail de l'imagination qui projette sur l'être aimé des qualités qu'il ne
possède pas en lui-même.
Ce phénomène c'est ce que Stendhal appelle la cristallisation amoureuse.
Comme le
rameau effeuillé plongé dans la mine de sel qui ressort avec des cristaux sur les branches, l'amant cristallise sur
l'aimé des qualités qu'il ne possède pas intrinsèquement.
Ainsi tomber amoureux revient donc à inventer un être
doué de perfections nées de la seule imagination créatrice, l'aimé n'étant rien d'autre qu'un miroir de mes propres
fantasmes.
Stendhal a très bien décrit ce processus psychologique sous le nom de cristallisation.
Une branche banale, jetée
dans les salines de Salzbourg, est retirée toute couverte de cristaux, étincelante comme un bijou.
C'est une image
exacte de ce qui se passe dans l'état de passion.
Une femme médiocre paraîtra divine à celui qui en est
passionnément amoureux, parce que tous ses rêves, tous ses souvenirs viennent « cristalliser » sur l'objet de sa
passion.
C'est sans doute pour cela que les amours des autres nous sont généralement incompréhensibles.
L'objet
de la passion apparaît le plus souvent dérisoire pour celui qui en juge de l'extérieur, objectivement.
C'est le
passionné qui l'enrichit de tout ce qu'il projette sur lui.
On a dit que l'amour était comme les auberges espagnoles.
Dépouiller les êtres de tout ce que nos passions leur prêtent, c'est les réduire à eux-mêmes, cad souvent à peu de
chose.
Le héros de Proust note avec lucidité qu' « Albertine n'était, comme une pierre autour de laquelle il a neigé,
que le centre générateur d'une immense construction qui passait par le plan de mon cœur.
» Proust a montré en des
analyses admirables, que l'objet d'une passion était son prétexte plutôt que sa source.
Ce sont les femmes à peine
connues et restées mystérieuses qui suscitent les passions les plus intenses, précisément parce que rien ne fait
alors obstacle au processus de cristallisation Tout ce qui est susceptible d'accroître le mystère de l'objet aimé (par
exemple lorsque celui-ci se dérobe à notre approche) intensifie la passion, précisément parque le phénomène de la
cristallisation, de la projection psychologique est favorisé par l'éloignement, l'évanescence de l'être aimé.
B : Pour Freud, l'amour est essentiellement un phénomène de transfert : en
psychanalyse le transfert est ce procédé par lequel le patient au cours d'une
analyse projette des affects anciens sur son analyste, et soit le prend en
grippe ou soit en tombe amoureux.
Le phénomène de transfert permet ainsi au
patient de ramener à la conscience des pulsions refoulées ouvrant ainsi la
voie à la guérison de névroses qui troublent la vie psychique du patient.
Audelà des visées thérapeutiques, le transfert est instructif sur l'amour.
En effet
ne projetons-nous pas dans l'aimé des qualités ou des trais d'une figure
autrefois aimée.
Ne disons-nous pas parfois que l'aimé me fait penser à
quelqu'un qui est parfois sans nous l'avouer la réplique d'une figure autrefois
aimée.
Ainsi l'amour apparaît ici comme un phénomène narcissique, car l'aimé
n'est pas aimé pour lui-même mais plutôt pour ce à quoi il fait penser, un
objet de désirs autrefois aimé.
II L'amour et la question du don
A : Dans Les Passions de l'âme art 82, Descartes considère qu'en amour « on
se considère comme joint et uni à la chose aimée » de sorte qu'on « préfère
tellement la chose aimée à soi-même qu'on ne craint pas de mourir pour la
conserver.
».
Ici l'amour apparaît comme dévotion.
Pour Descartes, la
dévotion est la plus haute forme d'amour car on aime l'aimé plus que soi.
Elle
se distingue de l'affection et de l'amitié.
Dans l'affection on estime l'objet de
son amour moins que soit, dans l'amitié on estime l'objet à l'égal de soi.
Le problème avec l'amour comme dévotion
c'est qu'il peut être dangereux pour l'amant qui peut être près à tout pour l'objet de son amour.
L'amour comme
dévotion est alors une dépossession de soi où l'amant oublieux de lui-même est un mort en sursis.
B : Pour Kant l'amour comme don peut être à la source de l'action morale.
Selon Kant il existe deux types d'amour :.
»
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