Dans quelles mesures peut-on affirmer que la conscience n'est pas un donné mais une tâche ?
Extrait du document
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Introduction
La conscience se définit comme la capacité à se représenter soi-même dans le monde.
Qu'est-ce qui est doté de conscience ? En
général on attribue la conscience à l'homme, mais on peut observer chez les êtres vivants des signes de degrés plus ou moins élevés
de conscience.
Une souris, par exemple, a une certaine forme de conscience, parce que, percevant le monde, elle peut s'y adapter,
essayer plusieurs suites d'actions pour franchir des obstacles.
A un certain niveau d'organisation, le vivant a donc une conscience et
celle-ci lui est « donnée » à la naissance parce qu'il nait avec un corps doté d'un système nerveux qui lui permet de sentir et d'agir.
On voit que la conscience admet des degrés selon le niveau d'évolution de l'espèce et qu'elle est « donnée ».
Mais, au sein d'une
même espèce, ne varie-t-elle pas d'individu en individu ? Chez l'homme qui possède sans doute la conscience la plus développée, ne
voit-on pas des individus « prendre » conscience et d'autres « perdre » conscience ? Un homme ivre ou hébété peut devenir
inconscient, il ne se « rendra plus compte de ce qu'il fait », il ne contrôlera plus le sens de ses paroles, les conséquences de ses actes.
Si la conscience est donnée cela n'empêche donc pas qu'elle puisse se perdre et qu'il faille l'entretenir pour la préserver.
Or pourquoi
faudrait-il entretenir et développer la conscience ? L'homme inconscient ne mesure pas la portée de ses actes, le sens de ses paroles, il
ne vit pas du tout comme celui qui se représente soi-même dans le monde.
Se représenter soi-même dans le monde, être conscient,
est la condition pour évaluer les tenants et les aboutissants de ses actions, les orienter vers des valeurs.
En effet, être capable de sortir
de la présentation immédiate du monde pour se re-présenter des mondes possibles fonde la possibilité de donner un sens au monde
réel.
Or cela pose un problème : si la conscience était « donnée » toute entière, comment pourrait-elle s'échapper du monde pour le
repenser sous un nouvel angle ? Il faut que la conscience se modifie elle-même pour modifier sa représentation du monde.
Problématique
Si la conscience reste « donnée », elle est inerte comme le monde qu'elle doit dépasser pour le représenter, ne faut-il donc pas qu'elle
évolue dans un effort ?
I.
La conscience est à la fois donnée et évolutive
1)
La conscience est ce qui distingue le vivant de la matière inerte.
Selon Bergson, c'est la capacité du vivant à stocker de
l'information qui lui permet de choisir entre des possibles et donc d'avoir une conscience du monde.
Il donne l'exemple d'un être
aussi élémentaire que l'amibe : « elle est déformable à volonté, elle est donc vaguement consciente ».
2)
La conscience est « donnée ».
Elle est déterminée par une structure nerveuse fixée par l'évolution biologique.
Cette structure
est donc « donnée » à chaque vivant existant.
3)
Rôle essentiel du développement personnel.
Si la structure nerveuse est la condition nécessaire de la conscience, elle n'en est
pas la condition suffisante.
L'apport de l'expérience est essentiel.
Par exemple, un enfant qui resterait à l'écart du monde
pendant que son corps se développe aurait sans doute une forme de conscience très pauvre.
II.
La différence irréductible de la conscience
1)
La conscience comme qualité irréductible.
La conscience est le mouvement réflexif dans lequel l'en-soi s'élève au pour-soi.
La
conscience est l'évènement dans lequel l'être se réfléchit.
Une fois le pour-soi acquis, la différence est irréductible.
Pascal dit que
l'homme est un « roseau pensant », roseau qui est infime au vu de l'univers mais qui dépasse l'univers tout entier dans son
élévation au pour-soi, parce que l'univers reste en-soi, irréfléchi, aveugle, perdu.
2)
Etre conscient présente donc une différence de nature et non de degré.
C'est la différence de nature entre l'en-soi et le poursoi.
Elle est « sans degré ni partie ».
3)
La conscience est universelle.
Selon Kant, il y a une universalité de la « raison théorique » (conscience cognitive) et une
universalité de la « raison pratique » (conscience morale).
Cela signifie qu'il y a le même écart entre le conscient et le nonconscient, entre l'en-soi et le pour-soi, qu'entre le particulier et l'universel.
III.
L'ouverture illimitée du non-pensé
1)
Le travail du négatif.
C'est ainsi que Hegel désigne le mouvement par lequel l'esprit va de l'en-soi au pour-soi.
Même si la
conscience est « donnée », elle doit affronter son négatif le non-conscient dans l'expérience
pour s'effectuer, sortir de l'en-soi.
2)
« L'appel de la conscience ».
C'est ainsi que Heidegger appelle le souci qui nait dans
l'angoisse, où l'homme face au vide décide de donner sens à son existence.
C'est une
réaction de la conscience qui demande à être conscience de soi lorsqu'elle se trouve
éparpillée dans l'altérité.
Cela signifie que nous vivons d'abord sur le mode du
conformisme et de l'identification aux autres et que notre identité personnelle se conquiert
dans une prise de conscience de soi.
3)
Le mal.
L'existence du mal pousse la conscience à réagir par souci moral.
Le mal est lié
à l'en-soi, il est ce qu'on ne peut pas expliquer et qui s'abolira avec la conscience qu'on en
prendra.
La conscience devient plus une tâche contre ce donné irréductible qu'un simple
attribut du psychisme humain.
La conscience est une tâche parce qu'elle œuvre à donner
sens au monde.
Conclusion
La conscience est donnée dans la mesure où elle est considérée comme une faculté, c'està-dire comme un attribut psychique.
A ce niveau, elle peut se développer dans la lutte pour
l'existence, au sens biologique.
Mais la conscience conçue comme un pour-soi qui s'élève face au
monde se développe dans un travail qu'on a nommé avec Hegel « le travail du négatif ».
Le sens
de ce « travail du négatif », de cette tâche, est de lutter contre le mal..
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