Dans quelle mesure peut-on se libérer du passé ?
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«
L'idée de "se libérer" du pas sé implique que d'une certaine manière nous sommes prisonniers de notre pas sé.
C omment c omprendre cette idée du passé
comme prison, qui ne va pas de soi (puisque, après tout, le passé est le pass é, il n'existe plus) ? En quel sens peut-on ou doit-on s'en libérer ? Si le pas sé
joue un rôle de modèle, la vie ou le prés ent est réduit à une répétition.
Le passé joue un rôle de déterminis me pour qui n'arrive pas à s'en libérer.
Dans quelle
m e s u r e l e p a s s é est-il la marque de ce que nous sommes, et dans quelle mesure pouvons-nous dépasser notre pass é ? E n q u e l s e n s l'homme peut-il
"revenir" sur son pass é pour s'en libérer ? Se libérer, est-ce revenir sur s on passé ? Est-c e l'oublier ? La psychanalys e ne nous aide-t-elle pas au contraire
à nous libérer du passé par s a c ompréhension, s on acceptation ? Le pass é n'es t-il pas donné une fois pour toutes, ce sur quoi l'on aurait d'autant moins de
prise et qui aurait donc d'autant plus de poids et d'influenc e qu'il n'existerait plus , qu'on ne pourrait pas revenir sur lui ? Références utiles : Nietzsche,
Deuxièmes C onsidérations inactuelles , "D e l'utilité de l'histoire" ; Sartre, L'Être et le N éant, "Le passé comme projet".
1.
Le passé possède une irrésistible force contraignante.
A .
Il es t encore actif dans le présent, c ar il détermine la situation actuelle.
Notre temps présent est un legs du passé et nous n'en sommes que les héritiers.
B.
Il possède un poids immense grâce aux traditions, aux coutumes ou à la mémoire.
Nous percevons le présent au travers des opinions, des préjugés ou
des habitudes que nous a transmis le passé.
Il exerce une contrainte durable sur notre esprit.
C .
Il pèse sur la réalité et sur notre esprit, mais doit-on pour autant estimer qu'il es t absolument indépass able?
2.
Les techniques de libération du passé.
A .
La c ure psyc hanalytique ou l'étude historique critique permettent d'ôter au passé son caractère aliénant.
Elles le mettent à distance, l'objectivisent et
réduisent sa forc e.
D a n s l a trente et unième des « Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse » (1932), intitulé « La
décomposition de la personnalité psychique », Freud décrit le but du traitement ps ychanalytique par cette formule : « Là où
« ç à » était, « je » dois devenir », où le « ça » représente l'inconsc ient.
Il est remarquable que la traduction de la phrase
allemande ait prêté à c ontroverses.
P our c omprendre l'enjeu de cette phrase, il faut garder à l'esprit que la psychanalys e, avant d'être une dis cipline,
voire une scienc e, est avant tout une thérapie, une façon de guérir des patients.
Dans notre texte, Freud affirme « C 'est que l'être humain tombe malade en raison du conflit entre les revendications
de la vie puls ionnelle et la résistance qui s'élève en lui c ontre elles ».
La maladie provient d'un c onflit entre les normes
« éthiques, esthétiques et sociales » et des désirs qui « semblent remonter d'un véritable enfer ».
O r ces désirs censurés ne sont pas plus cons cients que la censure elle-même.
Le malade subit donc un c ombat interne
dont il n'a ni la maîtrise, ni la connaissanc e : « La psychanalyse entreprend d'élucider ces cas morbides inquiétants, elle
organis e de longues et minutieus es recherches, elle se forge des notions de sec ours et des cons tructions scientifiques et,
finalement peut dire au moi : « il n'y a rien d'étranger qui se soit introduit en toi, c'es t une part de ta propre vie psyc hique
qui s'est s oustraite à ta cons cience et à la maîtrise de ton vouloir.
»
En quoi consiste alors le traitement ? A traduire l'inconscient en consc ient : « O n ne prête pas assez attention dans
cette affaire à un point es sentiel, à savoir que le conflit pathogène des névrosés n'est pas comparable à une lutte normale
que des tendances p s y c h i q u e s s e livrent sur le même terrain [...] Il y a lutte entre des forces dont quelques-unes ont
atteint la phase du [...] cons cient, tandis que les autres n'ont p a s d é p a s s é la limite de l'inconsc ient.
C 'est pourquoi le
conflit ne peut aboutir que lorsque les deux se retrouvent s ur le même terrain.
Et je crois que la seule tâche de la thérapeutique consiste à rendre cette
rencontre pos sible.
» (« Introduction à la psychanalyse »).
Le but de la c ure est donc de faire que le patient, au lieu de subir un conflit dont il n'a pas la maîtrise, puisse prendre consc ience de celui-ci.
Un conflit
qui existe mais n'est pas pos é ne peut être résolu.
Seule la c laire cons cience des désirs qui agitent le patient, et des choix qu'il doit faire entre ses dés irs et
s e s normes, peut amener à la guérison.
Supprimer le refoulement c onduit à remplacer une censure dont je n'ai pas conscience, par un jugement et un choix
conscient : « En amenant l'inconscient dans la conscience, nous s upprimons les refoulements [...] nous transformons le conflit pathogène en un conflit
normal, qui, d'une manière ou d'une autre, finira bien par être rés olu.
»
A utrement dit, la cure n'a d'autre but que de remplacer chez le patient le ça, l'inconscient, par la cons cience.
De favoriser le jugement et le choix et
d'éliminer un conflit vécu mais ni connu ni maîtrisé.
Le psychanalys te n'a donc pas à tranc her le conflit à la place de son patient, ni à transformer celui-ci.
A
l'invers e, il doit permettre à ce dernier sa propre repris e en main.
Là où le patient était un individu scindé, déchiré entre c onscienc e et inconscient , la cure
devrait favoriser une réunification du sujet.
« V ous vous étiez fait de la guérison du nerveux une autre idée, vous vous étiez figuré, qu'après s'être soumis au travail pénible d'une ps ychanalys e, il
deviendrait un autre homme ; et voilà que je viens vous dire que sa guérison consiste en ce qu'il a un peu plus de conscient et un peu moins d'incons cient
qu'auparavant ! Or, vous sous-estimez certainement l'importance d'un changement intérieur de cet ordre.
»
Le but du traitement analytique tel que le déc rit Freud est de rendre au sujet, déchiré par un conflit dont il n'a pas cons cience, la maîtrise de soi.
Loin que la
psychanalyse soit une apologie de l'inconscient, elle s 'ass igne comme but la promotion du sujet, de la conscience, et la réduction du ç a, de l'incons cient.
Ni
confes seur, ni gourou, le psychanalyste, sachant que tout être humain est d'abord et avant tout un être scindé, déchiré, « déc omposé » pour reprendre le
mot de Freud, s'efforce de favoris er la recomposition du sujet et l'avènement de la maîtrise de la conscience.
B.
L'homme est capable de proc éder à des inventions techniques, à des progrès dans les sc ienc es, à des réformes ou à des révolutions dans les domaines
politique et éthique.
Introduire de la nouveauté est toujours possible grâce aux efforts de l'imagination ou du s avoir, et c 'es t ainsi que l'emprise du pas sé
peut être dépass ée.
C .
Toutefois, cette dis c u s s i o n l a i s s e indiscuté le présupposé majeur de la question.
Si l'on s'interroge sur la possibilité de s'affranchir du pas sé, c'est
qu'implicitement on le considère comme un o b s t a c l e ou comme une limite à la liberté.
Il faut donc à présent aus si s e demander s i le p a s s é est
néc essairement une prison.
3.
Il est possible mais pas nécessairement souhaitable de se libérer du passé.
A .
C onserver a u p a s s é s a forc e e s t indispens able à l'individu, car l'homme s'appuie sur lui pour définir son identité.
M on p a s s é et mon expérience
constituent le socle de mon caractère et de ma personnalité.
B.
Le pass é est l'un des éléments fondamentaux d'une société.
C .
C ertes , une société s e rass emble autour d'un projet commun pour l'avenir, mais elle est a u s s i fondée sur une mémoire collective, s ur des valeurs
héritées du passé et cons tamment rappelées .
Le passé joue un rôle unificateur nécess aire aux s ociétés.
L'idée de "se libérer" du passé implique que d'une c ertaine manière nous sommes prisonniers de notre passé.
C omment comprendre cette idée du passé
comme prison, qui ne va pas de soi (puisque, après tout, le passé est le pass é, il n'existe plus) ? En quel sens peut-on ou doit-on s'en libérer ? Si le pas sé
joue un rôle de modèle, la vie ou le prés ent est réduit à une répétition.
Le passé joue un rôle de déterminis me pour qui n'arrive pas à s'en libérer.
Dans quelle
m e s u r e l e p a s s é est-il la marque de ce que nous sommes, et dans quelle mesure pouvons-nous dépasser notre pass é ? E n q u e l s e n s l'homme peut-il
"revenir" sur son pass é pour s'en libérer ? Se libérer, est-ce revenir sur s on passé ? Est-c e l'oublier ? La psychanalys e ne nous aide-t-elle pas au contraire
à nous libérer du passé par s a c ompréhension, s on acceptation ? Le pass é n'es t-il pas donné une fois pour toutes, ce sur quoi l'on aurait d'autant moins de
prise et qui aurait donc d'autant plus de poids et d'influenc e qu'il n'existerait plus , qu'on ne pourrait pas revenir sur lui ? Références utiles : Nietzsche,
Deuxièmes C onsidérations inactuelles , "D e l'utilité de l'histoire" ; Sartre, L'Être et le N éant, "Le passé comme projet"..
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