Dans quelle mesure nos actes expriment-ils notre caractère ?
Extrait du document
«
Introduction.
— Les psychologues modernes ont bien mis en relief la continuité de la vie psychologique : tout se
tient dans l'homme ; ses actions dépendent de ce qu'il est et, par suite, expriment son caractère ; mais, par
ailleurs, son caractère est modifié par ses actes au point de n'être parfois que le reflet de toute la conduite passée.
Ainsi, nous sommes amenés à énoncer ces deux propositions antithétiques : d'une part, notre activité est une
résultante de notre caractère ; mais, d'autre part, notre caractère est une résultante de notre activité.
Nous
agissons d'après ce que nous sommes ; mais ce que nous sommes dépend de notre façon d'agir.
Ces pages ont pour objet de déterminer la part de vérité que renferme chacune de ces affirmations et de préciser
l'importance relative de l'action réciproque du caractère sur l'activité et de l'activité sur le caractère.
I.
— DANS QUELLE MESURE NOS ACTES EXPRIMENT NOTRE CARACTÈRE
A.
Nos actes expriment notre caractère.
— Nous avons une conscience très vive de notre liberté ; aussi nous
croyons-nous facilement capables de nous déterminer, dès que nous le voudrons, pour le parti jugé le meilleur.
Mais
cette prétention est bien naïve, et il suffit de s'observer impartialement pour voir qu'elle n'est pas fondée.
Nous
nous déterminons d'après notre caractère, et qui nous connaît bien prévoit avec une grande probabilité comment
nous réagirons dans les diverses circonstances qui peuvent se présenter : le professeur sait bien qui il devra
rappeler à l'ordre et qui remettra son devoir en retard ; les élèves qui se tiennent mal durant le cours d'un
professeur débonnaire seront impeccables dès qu'arrivera le maître qui ne tolère pas le moindre laisser-aller ; ils
savent comment se comporterait ce dernier s'ils ne changeaient pas d'attitude.
Nous, agissons suivant notre
caractère, et dans nos actes, notre caractère se manifeste d'une manière autrement claire et autrement sûre que
dans les confidences que nous pouvons faire à nos amis les plus intimes de ce que nous observons en nous-mêmes.
En effet, les actes délibérés sont exceptionnels dans notre vie.
Le plus souvent, nous agissons en nous laissant aller
à l'automatisme monté par une longue pratique ou suivant l'impulsion du moment, sans nous arrêter pour examiner
les divers partis que nous pourrions prendre et pour faire un choix : le choix est fait d'avance ; il est commandé par
notre tempérament et par nos habitudes.
Aussi notre conduite est-elle, pour ceux qui nous observent, le miroir le
plus expressif de ce que nous sommes.
Ensuite, les actes délibérés, comme les autres, manifestent le caractère de celui qui agit : le pouvoir de réfléchir et
d'exécuter avec énergie la décision prise ne fait pas moins partie du caractère que l'impuissance de l'aboulique ou
l'impulsivité de celui qui est incapable de réflexion.
On ne saurait donc le mettre en doute : nos actes expriment notre caractère.
Par suite, qui nous voit agir, nous
connaît d'ordinaire mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes.
B.
Précisions et réserves.
— Cependant, pour juger du caractère d'un individu d'après sa façon d'agir, il faut
savoir observer et avoir l'esprit critique.
Tout d'abord, si chacun de nos actes contient un reflet de tout ce que nous sommes, il ne suffit pas d'observer un
individu dans un cas particulier pour se faire une idée juste de son caractère : c'est l'ensemble de sa conduite qu'il
faut connaître.
Sans doute, tout se tient dans l'homme, et quiconque comprendrait parfaitement une seule de nos actions y
percevrait un retentissement de toutes nos tendances : jusque dans l'éclat de colère de celui qui est doux comme
un agneau, il reste quelque chose qui ne peut s'expliquer que par sa douceur habituelle ; les libéralités de l'avare ne
sont pas complètement identiques à celles de l'homme naturellement généreux.
Mais si, connaissant le caractère de quelqu'un, nous pouvons le retrouver dans chacun de ses actes, la réciproque
n'est pas vraie : il ne vous suffit pas de connaître un de mes actes pour que vous puissiez pénétrer mon caractère.
Chacun de ces actes, en effet, n'exprime nettement qu'un tout petit nombre de traits de mon caractère et parfois
un seul ; aussi, qui me jugerait d'après un acte, serait fort exposé à commettre de grossières erreurs : le plus
hargneux des hommes a ses moments d'aimable bonhomie, et il arrive au plus laborieux de paresser durant quelques
heures.
C'est d'après l'ensemble de leurs actes que nous pouvons nous faire une idée juste des autres.
Ensuite, il ne faut pas voir dans tous les actes de ceux que nous observons une marque de leur caractère personnel
: notre façon d'agir exprime notre milieu et notre profession autant qu'elle nous exprime nous-mêmes.
Ainsi, il ne
faudrait pas attribuer une grande distinction naturelle ou une bonté délicate à une femme du monde qui se montre
aimable et, au contraire, voir un signe de dureté ou de rudesse dans les façons un peu frustes d'un paysan ; chacun
se comporte suivant les usages de son milieu ; c'est ce milieu plus que notre caractère que révèlent le plus grand
nombre de nos actes extérieurs.
Toutefois, reconnaissons-le, il n'y a pas de séparation nette entre ce que nous sommes personnellement et ce que
notre milieu nous fait être.
Adoptant les façons d'agir de ceux avec qui nous vivons, nous en venons peu à peu à
penser, à sentir et à réagir spontanément comme eux : notre façon d'agir a modifié notre caractère, sans toutefois
le changer profondément..
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