Dans quelle mesure est-il injurieux de traiter un etre humain d'inconscient ?
Extrait du document
«
Il existe deux sens à donner au terme inconscient : l'un inventé par Freud comme instance psychique et l'autre employé comme
adjectif qui désigne tout ce qui n'est pas conscient.
C'est de la seconde acceptation qu'il est question ici.
Il s'agit de savoir de quoi n'a
pas conscience celui qui n'a pas conscience.
Ce terme dans le langage courant ne renvoie-t-il pas à une ignorance, à un manque ? Mais
ce manque n'est-il pas blâmable uniquement quand il est possible à combler ? Ne reproche-t-on pas en effet aux individus inconscients
de ne pas faire d'efforts ? N'est-ce pas ici l'obligation pour tous de réfléchir sur soi et sur le monde qui se fait jour ?
L'inconscience comme fonctionnement automatique et nécessaire ne peut être blâmée
On emploie la notion d'inconscient quand je me comporte comme si je savais quelque chose, sans que j'ai accès moi-même à cette
information.
Ainsi, je peux par exemple faire des phrases grammaticalement correctes sans savoir expliquer les règles de grammaires
correspondantes.
A ce titre, de nombreuses actions sont effectuées, de nombreuses informations traitées sans que cela passe par notre conscience.
Ainsi, Leibniz admet qu'il y a dans notre pensée des « changements d'âmes dont nous ne nous apercevons pas », ou « des petites
sollicitations imperceptibles ».
De même, l'inconscient selon Bergson caractérise tous ces pensées ou souvenirs chassés de la
conscience parce qu'ils sont inutiles à l'action.
Mais cela n'est pas sous le pouvoir de la personne.
Ce sont des phénomènes
automatiques.
Pourtant, ceci fait partie du fonctionnement de chacun et ne peut être reproché à personne.
De quoi est-il question alors lorsqu'on traite
quelqu'un d'inconscient ?
L'inconscient comme manque de réflexion qui peut être résorbé
Dans la langue courante, on emploie l'adjectif d'inconscient pour parler que quelqu'un qui n'est que peu ou pas capable de revenir sur
lui-même.
Un "inconscient" est un esprit irréfléchi qui ne se rend pas compte de ce qu'il fait ou même seulement qui ne sait pas juger.
Ainsi l'inconscience définit un manque de conscience réfléchie.
Ce mot s'applique aussi à l'ignorance de faits extérieurs.
Être inconscient du danger, c'est ne pas connaître les risques de telle ou telle
action.
L'inconscience est donc la marque d'un esprit qui ne prend pas connaissance des données extérieures et qui ne se rend pas
compte de la réalité du monde.
Ainsi, sont déclarés inconscients par la justice, les personnes qui au moment de leur acte, n'avaient pas la faculté de discerner ce
qu'elles faisaient et de se rendre compte de la réalité de leurs actes.
Cela rejoint le sens donné à inconscient quand des personnes sont évanouies.
Le monde extérieur n'est plus présent pour eux.
Dès lors, traiter quelqu'un d'inconscient, c'est lui reprocher de ne pas se servir de sa raison et ne pas réfléchir.
L'obligation du travail de la conscience par elle-même
Ce qui se fait jour alors à travers le reproche d'inconscience, c'est bien l'obligation qu'à chacun d'être responsable et de prendre
connaissance autant de lui-même que du monde extérieur.
Pour Sartre, l'homme ne peut donc pas faire ce qu'il veut sans réfléchir,
parce qu'il est responsable de tout devant tous.
Ainsi, pour Sartre, si l'existence précède l'essence et si Dieu n'existe pas, l'homme est alors
responsable de ce qu'il fait, de ce qu'il est : « Nous n'avons ni derrière nous, ni devant nous, dans
le domaine lumineux des valeurs, des justifications ou des excuses.
Nous sommes seuls, sans
excuses.
C'est ce que j'exprimerai en disant que l'homme est condamné à être libre.
Condamné
parce qu'il ne s'est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre, parce qu'une fois jeté dans
le monde, il est responsable de tout ce qu'il fait.
»
Mais par là, Sartre signifie aussi que l'homme est « responsable de tous les hommes » :
« Quand nous disons que l'homme se choisit, nous entendons que chacun d'entre nous se choisit,
mais par là nous voulons dire aussi qu'en se choisissant, il choisit tous les hommes.
»
Autrement dit, chacun de nous, par ses choix, ses actes, pose les normes du vrai et du bien et
engage ainsi l'humanité tout entière.
Certes, beaucoup d'hommes ne se sentent pas responsables,
croyant en agissant n'engager qu'eux-mêmes, et « lorsqu'on leur dit: mais si tout le monde faisait
comme ça ? ils haussent les épaules et répondent: tout le monde ne fait pas comme ça ».
Mais, en
fait, ils se masquent leur angoisse, la fuient.
Ils sont de mauvaise foi, car en vérité, on doit
toujours se demander: « Qu'arriverait-il si tout le monde en faisant autant ? »
L'inconscience, comme manque de connaissance de la réalité ou de soi-même, suppose une prise de conscience de l'individu.
Dans un
premier temps, en se rendant compte de son ignorance, l'individu s'engage alors dans un processus de connaissance qui a pour but de
prendre connaissance de tous les événements en présence dans une situation.
Ainsi, pour reprendre notre exemple, pour ne pas être
inconscient des dangers qu'entraîne une situation donnée, il faut au préalable réfléchir sur les conséquences de nos actions.
L'inconscience se résorberait donc dans un processus de pensée, de réflexion et de connaissance.
La chasse à l'inconscience serait
donc le domaine privilégié de la philosophie.
Nous pouvons aussi à ce niveau faire le rapprochement avec l'inconscient freudien tant il est vrai que la seule manière d'en détruire les
manifestations néfastes, réside dans le retour sur soi-même et la réflexion sur nos véritables motifs d'action et de pensée.
Ainsi, nous ne reprochons pas à quelqu'un les mécanismes inconscients présents dans beaucoup d'actions et de pensées parce qu'ils
sont inévitables et sont la règle de l'esprit humain.
Ce qui vaut le reproche est bien le manque de réflexion, parce que chacun se doit
de réfléchir à ses actes, à ses dires.
Mais aussi parce que nous avons tous la possibilité de prendre conscience de la réalité et
d'améliorer notre connaissance.
Et c'est cette possibilité qui fonde la responsabilité de chacun à se défaire de son ignorance.
Comme le
dit Kant, quand nous pouvons quelque chose, nous le devons..
»
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