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Dans la préface de « Pierre et Jean », Maupassant s'en prend aux romanciers d'analyse qui s'attachent « à indiquer les moindres évolutions d'un esprit, les mobiles les plus secrets qui déterminent nos actions ». Il leur oppose la manière des « écrivains

Extrait du document

Un écrivain objectif s'attache à nous donner des êtres une image aussi proche que possible de celle qu'ils nous offriraient dans la vie. Aussi s'interdit-il le plus souvent de les peindre de l'intérieur, en analysant dans toutes ses nuances leur personnalité. Il les fait seulement vivre devant nous. Ainsi Flaubert, dans Madame Bovary, décrit l'aspect physique de ses personnages, leur comportement et leurs attitudes, nous fait entendre leurs propos. Sous le pittoresque de la peinture il suggère la richesse et la complexité des âmes. Il peint « l'homme secret par sa vie ».

« INTRODUCTION Un écrivain objectif s'attache à nous donner des êtres une image aussi proche que possible de celle qu'ils nous offriraient dans la vie.

Aussi s'interdit-il le plus souvent de les peindre de l'intérieur, en analysant dans toutes ses nuances leur personnalité.

Il les fait seulement vivre devant nous.

Ainsi Flaubert, dans Madame Bovary, décrit l'aspect physique de ses personnages, leur comportement et leurs attitudes, nous fait entendre leurs propos.

Sous le pittoresque de la peinture il suggère la richesse et la complexité des âmes.

Il peint « l'homme secret par sa vie ». I.

LE PORTRAIT C'est ainsi que d'abord, en campant vigoureusement ses personnages, il nous révèle ce qu'ils sont.

Leur silhouette, leur costume, les traits de leur visage offrent d'eux une image suggestive.

Binet le percepteur avec sa démarche raide, sa tenue stricte, les bottes qu'il arbore en toute saison, évoque irrésistiblement l'ancien militaire.

Son collier de barbe taillé avec tant de soin que pas un poil n'en dépasse, trahit l'homme méticuleux jusqu'à la manie, comme sa longue figure terne révèle son absence d'acuité d'esprit.

La redingote de velours vert que porte Rodolphe Boulanger, ses gants jaunes et ses fortes guêtres forment un habillement assez hétéroclite : son manque de goût s'y révèle ainsi que son désir de se donner des allures de « gentleman-farmer ».

Même quand il dessine un personnage épisodique mais pittoresque, Flaubert s'attache parfois à le détailler de la tête aux pieds.

De Catherine Leroux la vieille servante à qui on décerne une médaille d'argent à l'occasion du Comice agricole, il ne nous laisse rien ignorer : il nous montre ses grosses galoches de bois, son tablier bleu et sa camisole rouge mais surtout il s'attarde sur son visage maigre « plus plissé de rides qu'une pomme de reinette flétrie » et sur ses pauvres mains aux articulations noueuses, marquées par les durs travaux au point de paraître sales « quoiqu'elles fussent rincées d'eau claire ».

Les antécédents d'un individu, ses occupations, sa mentalité se révèlent dans la précision de ces portraits. Mais la maîtrise de l'écrivain s'affirme plus nettement encore quand il se contente de signaler en quelques mots un détail qui à lui seul donne une idée juste d'un personnage.

De Léon, le clerc de notaire, un des soupirants d'Emma Bovary, nous n'apercevons d'abord que la chevelure blonde.

Mais c'est assez pour nous laisser entendre que le reste du visage ne se remarque guère en raison de son insignifiance.

Quant à la première femme de Charles, nous savons seulement qu'elle est laide, sèche, « bourgeonnée comme un printemps ».

Un seul détail évocateur suffit à la caractériser d'une manière, il est vrai, peu attirante : ce sont ces « longs bras maigres » qu'elle sort « de dessous ses draps » pour les passer au cou de son mari quand il revient, le soir, après ses visites. Le plus souvent d'ailleurs Flaubert, plutôt que de s'attarder à dépeindre les individus de la tête aux pieds, préfère les surprendre en action, dans le naturel de leurs faits et gestes, et noter un détail significatif qui d'un trait les révèle. La rusticité des invités de la noce s'affirme dans l'ardeur qu'ils mettent à retrousser leurs manches pour dételer les voitures.

L'application laborieuse que Charles Bovary apporte, dès son enfance, à tout ce qu'il fait se manifeste dans la longue lettre qu'il écrit chaque jeudi à sa mère « avec de l'encre rouge et trois pains à cacheter ».

Enfin le père d'Emma est tout entier saisi sur le vif dans une simple phrase où nous est montré son comportement au cours d'une visite qu'il fait à sa fille : « Il fuma dans la chambre, cracha sur les chenets, causa culture, veaux, vaches, volailles et conseil municipal.

» Son sans-gêne naïf, sa vulgarité désinvolte et l'horizon restreint de ses préoccupations quotidiennes éclatent en un raccourci saisissant. II.

LES DIALOGUES Mais déjà s'annonce ici un autre aspect du talent que Flaubert met en oeuvre pour nous révéler la psychologie de ses héros.

En établissant ainsi le bilan des thèmes de conversation du vieux paysan il nous a fait entrevoir son esprit terre à terre et sa médiocrité.

Mais lorsqu'il rapporte sur le vif les propos échangés, il nous fait pénétrer beaucoup plus en profondeur dans les âmes.

Plus exactement encore que les portraits, le dialogue révèle la mentalité des personnages. A ce titre la conversation qui s'engage, à l'arrivée du médecin et de sa femme à Yonville-l'Abbaye, est particulièrement savoureuse.

Presque sur-le-champ l'entretien entre les quatre convives s'oriente vers deux dialogues séparés.

Homais le pharmacien accapare Charles tandis qu'Emma et Léon Dupuis le clerc de notaire, qui se sont immédiatement découvert des affinités, échangent des confidences.

La fausse bonhomie du pharmacien apparaît dans la désinvolture calculée dont il témoigne en s'invitant au dîner comme son pédantisme s'étale dans son langage : il choisit à dessein les termes les plus recherchés, jongle savamment avec les mots de la technique médicale, avec les formules chimiques, convertit au passage comme en se jouant des degrés Réaumur en degrés Fahrenheit, affirme son culte de la science et son mépris des superstitions, se lance doctoralement dans des périodes interminables où il fait apprécier les flots d'une éloquence un peu empâtée.

Pendant ce temps Emma et Léon s'exaltent à évoquer leur commun amour de la nature et leur goût du rêve, en des propos où l'emphase de l'expression ne parvient pas à masquer la médiocrité de l'envolée.

Ce sont au fond des êtres assez prosaïques qui cherchent vainement à se guinder sur de grands sentiments. De son côté l'abbé Bournisien, le curé de Yonville-l'Abbaye, mêle d'une manière savoureuse les formules proverbiales, les locutions du terroir qui trahissent ses origines paysannes à des citations souvent incongrues du Nouveau Testament.

On se rend compte aussi que son éducation ecclésiastique ne lui a laissé qu'un mince vernis et qu'en dépit de sa bonne volonté évidente, ce brave homme enfoncé dans la routine de son état n'a pas assez de. »

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