Critiques de la théorie freudienne
Extrait du document
«
Définition des termes du sujet:
THÉORIE (n.
f., étym.
: grec theoria : vue d'un spectacle, contemplation, spéculation) 1.
— (Lato)
Connaissance spéculative, abstraite, désintéressée, enchaînant des principes à des conséquences ; opposée à
pratique.
2.
— Ensemble d'hypothèses gén.
visant à expliquer soit la totalité, soit une classe déterminée de
phénomènes.
3.
— Ensemble d'hypothèses, d'opinions gén.
propres à un auteur.
4.
— Construction achevée d'une
doctrine scientifique : « La théorie est l'hypothèse vérifiée après qu'elle a été soumise au contrôle du raisonnement
et de la critique expérimentale » (Claude BERNARD).
A.
L'inconscient n'est pas un autre moi
La notion d'inconscient est inconcevable, contradictoire si nous définissons la psychologie comme l'étude de la vie
intérieure, de la conscience.
Une conscience inconsciente, cela n'a pas de sens !
Pour Descartes, on l'a vu, la conscience est identifiée à la pensée.
Tout ce qui, en moi, échappe à la conscience
appartient donc à cette partie de moi qui n'est point pensée, à savoir mon corps.
En digne héritier de Descartes,
Alain affirme à son tour : « Savoir, c'est savoir qu'on sait ».
Autrement dit, nul ne peut penser sans avoir
conscience de penser.
Tout ce qui se passe en nous sans que nous l'ayons voulu relève du corps, et non de notre
psychisme.
Tel est le cas du rêve, qui n'est, selon Alain, qu'un simple mécanisme corporel.
Le mot inconscient
renverrait donc au corps, à des mécanismes purement physiologiques, comme le sont la respiration ou la digestion.
Or, gonfler l'inconscient au point d'en faire une sorte de monstre qui habiterait chacun de nous constitue une faute,
et même « la faute capitale », dit Alain.
A ce compte-là en effet, personne ne serait vraiment responsable de ses
actes, et tous les crimes pourraient être mis sur le compte de l'inconscient de leurs auteurs...
Alain, professeur de philosophie, journaliste, écrivain se consacre à la diffusion d'une pensée rationaliste qui
réfute les courants à la mode au profit de la « grande philosophie » traditionnelle, représentée, selon lui, par Platon,
Descartes, Hegel, Comte.
Il considère la philosophie comme un instrument de libération où l'esprit maîtrise
l'imagination et les désordres de la passion.
Cette victoire de la raison, qui est toujours à recommencer, passe par la
soumission du corps et le rejet des inerties « qui, si on n'y prend garde, prennent le masque de la pensée.
»
Aussi Alain refuse-t-il, chaque fois qu'il a à s'exprimer sur ce point, la croyance à l'inconscient.
Dans
« Eléments de philosophie », il écrit : « L'inconscient est une méprise sur le moi, c'est une idolâtrie du corps.
On
a peur de l'inconscient ; là se trouve logée la faute capitale.
Un autre moi me conduit qui me connaît et que je
connais mal.
L'hérédité est un fantôme du même genre.
» (Livre II, chapitre XVI).
Ici la formule est empreinte d'une certaine réserve, mais souvent la dénonciation est beaucoup plus
violente.
Ainsi, dans son « Histoire de mes pensées », il écrit : « J'allais ainsi contre le plus fort préjugé des
temps modernes ; et de toute façon je devais être jugé sévèrement par tous les docteurs, du moment que je
n'adorais pas à quatre pattes l'inconscient, le subconscient, le seuil de conscience, et d'autres articles de la
philosophie simiesque.
»
En tout cas, elle est de principe : « Dans les disputes sur l'inconscient, où, contre toutes les autorités
établies et reconnues, je ne cède js un pouce de terrain » (« Sentiments, Passions et Signes »).
Ce n'est certes pas, on s'en doute qu‘Alain ignore tout de Freud (pour l'inconscient psychique), ou de
Darwin (Pour les lois de l'hérédité).
« Qu'un mécanisme semblable à l'instinct des bêtes nous fasse souvent parler et
agir, et par suite penser, cela est connu et hors de discussion » (« Sentiments, Passions et Signes »).
On ne
peut pas dire non plus qu'Alain n'ait pas un moment essayé de comprendre cette doctrine : « Ne cherchez jamais à
quoi pense un foi, mais plutôt observez comment un dérangement mécanique produit des signes qui n'ont pas de
sens […].
Je pensais à ces choses comme je lisais la « Psychanalyse de Freud ; ce n'est qu'un art de deviner ce qui
n'est point » (« Propos », « Signes ambigus », 17 juillet 1922).
Ou encore dans un « Propos » antérieur : « Cette idée de l'inconscient, tant vantée et si bien vendue, je
n'en fais rien ; […] quand j'ai voulu en user, afin de me mettre à la mode, elle n'a rien saisi de l'homme, ni rien
éclairé » (« Fantômes », 23 septembre 1921).
Il s'agit, pour Alain, de quelque chose de plus qu'une simple question de mots.
Il estime qu'on ne peut
aucunement, à partir des doctrines sur l'inconscient ou l'hérédité, fonder une quelconque morale : « Le public
comme les auteurs n'ont point coutume de dire conscience morale ; ils disent conscience, et tout est dit », ou
encore, « J'étais aidé par la langue commune, qui n'admet point d'autre sens du mot conscience que celui qui
implique le jugement moral.
» (Alain, « Histoire de mes pensées « ).
Au contraire, lorsque Freud parle
d'inconscient, il le fait en référence à la conscience psychologique, et pas du tout par rapport à la conscience
morale.
Certes la conscience est toujours double, car la conscience oppose toujours ce qui devrait être à ce qui
est.
« La conscience suppose une séparation de moi d'avec moi, en même temps qu'une reprise de ce qu'on juge
insuffisant, qu'il faut pourtant sauver.
» Il s'agit là, comme le dit Alain, d'une « conception héroïque de la morale »,
qui explique parfaitement que l'inconscient ne soit alors conçu que comme « une conscience subalterne, errante et.
»
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