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Critique de la morale kantienne

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« Les conflits du devoir. A) Moralité du devoir et responsabilité. La morale du devoir ordonne simplement : fais ce que tu dois, et, de son point de vue, on doit faire son devoir sans se préoccuper de ce que les autres sont susceptibles de faire.

Advienne que pourra ! or, le fait que le mal puisse résulter du bien et le bien du mal est une réalité.

On peut se demander, dès lors, si l'homme de conviction, qui agit toujours par devoir indépendamment des circonstances, n'est pas irresponsable et s'il ne faut pas subordonner toute règle morale à la considération des conséquences de son application.

L'homme de responsabilité ne réfléchit-il pas, avant de prendre une décision, au bien ou au mal qu'il pourrait produire ? Supposons que des assassins me demandent si mon ami qu'ils poursuivent n'est pas réfugié dans ma maison et que je ne puisse éviter de répondre par oui ou par non.

Dois-je me soumettre inconditionnellement à l'interdiction de mentir ? Ce cas invoqué par Benjamin Constant semble ruiner toute prétention à poser des principes supposés valoir toujours et partout.

Au rigorisme kantien s'opposerait l'impossibilité d'ériger le devoir de véracité en principe inconditionné, sous peine de favoriser les assassins.

Une petite entorse au devoir de véracité ne se justifie-t-elle pas relativement à la fin poursuivie ? Mieux, n'avons-nous pas, en pareil cas, des raisons morales de mentir ? Ne faut-il donc pas admettre qu'il n'y a pas une seule et unique source de valeur morale, mais plusieurs ? Ne faut-il pas distinguer deux positions morales : l'une que l'on peut qualifier de « déontologique » (respect des règles), l'autre de « conséquentialiste » (considérer le plus grand bien comme motif de nos décisions) ? B) La fin ne justifie pas les moyens. A Constant qui affirme un droit naturel de mentir par humanité, Kant répond que la véracité dans des déclarations qu'on ne peut éviter « est un devoir formel de l'homme à l'égard de chacun, quelle que soit l'importance du dommage qui peut en résulter pour lui ou pour un autre » (« Sur un prétendu droit de mentir »).

L'homme qui ment fait en sorte qu'aucune déclaration n'ait de crédit.

Ainsi il porte atteinte à la finalité interne de communicabilité et fait perdre à tous les droits, qui sont fondés sur des contrats, leur force.

Même si le mensonge ne nuit pas à un homme particulier, il nuit à l'humanité en général.

A quoi il faut ajouter qu'on ne peut jamais prévoir les conséquences de ses actes. Supposons, par exemple, que mon ami, voyant les assassins diriger leurs pas vers la maison, décide de s'enfuir à mon insu.

En affirmant qu'il est sorti alors que je le crois à l'intérieur de la maison, j'exprime le contraire de ce que je pense, mais je dis la vérité ce qui est.

Mon mensonge « bienveillant » peut ainsi mettre les assassins sur les traces de mon ami et être cause de sa mort.

Mais suis-je vraiment responsable ? le meurtre de cet homme n'est-il pas la faute des meurtriers ? Le fait que l'accomplissement d'un devoir en entraîne des conséquences désastreuses n'est-il pas imputable à quelqu'un d'autre ? Le « conséquentialiste » objectera qu'on ne peut pas toujours rester « les mains propres », qu'il y a des circonstances extraordinaires où nous sommes certains que le respect d'une exigence « déontologique » aurait de graves conséquences.

On peut admettre cette objection et soutenir qu'en pareil cas nous pouvons être forcés à agir autrement que mus par cette exigence.

Mais faut-il pour autant accorder une valeur morale à un tel acte ? autrement dit, peut-on affirmer qu'il peut être moral de mentir, voire de tuer , Si je tue un homme pour en sauver dix, puis-je pour autant affirmer que le meurtre peut avoir une valeur morale ? N'aurais-je pas, en pareil cas, conscience d'avoir transgressé la loi morale ? N'éprouverais-je pas quelque part du remords, en me demandant, par exemple, si je n'aurais pas pu éviter un tel acte ? car, au fond, ne faut-il pas reconnaître, avec Kant, que toute morale qui prétend justifier les moyens au nom des fins, en vient à anéantie ce qui, dans ces fins, peut justifier les moyens ? le devoir reste le devoir . C) Le conflit entre deux devoirs. Qu'il soit facile de savoir où est son devoir n'exclut pas toujours la nécessité de la délibération.

Des situations peuvent, en effet, se présenter où le sujet voit s'opposer deux règles.

Sartre, dans « L'existentialisme est un humanisme » cite le cas d'un jeune homme qui doit choisir entre le devoir patriotique qui lui commande de partir en Angleterre et s'engager dans les Forces Françaises Libres, et le devoir filial qui lui commande de rester auprès de sa mère souffrante et l'aider à vivre.

Ce jeune homme peut se dire que sa mère ne vit que par lui et que son départ, et peut-être sa mort, la plongerait dans le désespoir ; Il peut aussi se rendre compte que partir et combattre est un acte ambigu qui pourrait ne servir à rien si, par exemple, passant par l'Espagne, il restait bloqué dans un camp espagnol.

Suite à une telle délibération, il choisirait de rester auprès de sa mère.

Mais les devoirs fondamentaux exigés par la situation sont probablement qu'il devrait accomplir et son devoir filial et son devoir patriotique.

Entre ces deux impératifs, il n'y a pas d'incohérence de nature.

Le conflit vient de ce que, les choses étant ce qu'elles. »

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